Pourquoi ne pas organiser un débat à propos de M. Trump, 45e président des Etats-Unis élu démocratiquement ? Si, bien évidemment, c'est pour informer réellement les citoyens.
Mais un tel titre tellement orienté pour introduire des débats « libres », cela donne une sacrée impression de « piège journalistique », terme paradoxal qu'il faut bien employer. Comment en effet débattre sans buter sur les termes employés ? Quid du malheureux qui ne s'accommoderait pas des termes « monstre », « autopsie » ?
On appelle cela « structurer le débat », à savoir le cadenasser. La rédaction de MDP a le droit d'agir de la sorte, mais autant que cela soit dit.
Trump serait donc un « monstre » politique. Selon le Larousse du Net, le terme « monstre » recouvre ces acceptions :
-Être vivant présentant une importante malformation : La tératologie est l'étude des monstres. Être fantastique des légendes, de la mythologie : Un centaure était un monstre moitié homme, moitié cheval.
-Animal effrayant ou gigantesque par sa taille, son aspect. Objet, machine effrayants par leur forme énorme : Une petite voiture coincée entre deux monstres.
-Personne d'une laideur effrayante. Personne qui suscite l'horreur par sa cruauté, sa perversité, par quelque vice énorme : Un monstre d'ingratitude.
-Familier. Enfant insupportable.
Trump, ce « monstre », fût-il politique, à savoir une créature hors normes acceptables, et donc étrangères à la bienpensance selon la vulgate clintonienne, se situerait ainsi dans une marginalité qui autorise l'excommunication, le titre du débat n'étant en effet rien d'autre qu'une condamnation « à priori », et donc l'interdiction bien réelle d'un vrai débat. A Médiapart, on fulmine l'excommunication avec une aisance confondante. Soit.
Qui parle ? La rédaction de Médiapart, et donc sa direction. Ce qui suppose que leur autorité soit suffisante pour proférer de tels anathèmes. (Pour Wikipedia, Le mot anathème désigne une réprobation. Cette réprobation peut concerner une mise à l'index, une personne ou une idée. Ce mot est notamment utilisé en rhétorique dans des expressions telles que « lancer l'anathème » et « frapper d'anathème », pour ajouter de l'emphase.
L'origine de ce mot est religieuse et selon les époques désigne une offrande ou un sacrifice, comme chez les Grecs et les Romains. Dans le Christianisme, il signifie généralement une sentence de malédiction à l'égard d'une doctrine ou d'une personne, spécialement dans le cadre d'une hérésie.)
Nous sommes donc une fois encore dans l'usage de la morale appliquée à l'analyse politique. Qui se signale par le combat obstiné pour les « valeurs » qui ont valu la belle défaite à Mme Clinton que l'on connaît (Mme Clinton étant un personnel politique corrompu dont on connaîtra un jour ou l'autre l'ampleur des malversations liées notamment à la Fondation Clinton). Soit. Ce qui ne fait évidemment pas de M. Trump un perdreau de l'année, mais à ce niveau politique, chercher l'angélisme est faire la bête.
Cette «monstruosité » de M . Trump qui s'appliquerait au seul domaine politique est évidemment un argument fallacieux, car le « monstre politique » restera aux yeux de beaucoup un monstre si ce débat trouve une audience acceptable.
Il suffirait pourtant de se pencher sur la réalité des Etats Unis pour comprendre le phénomène Trump, traduction littérale d'une société US en souffrance qui n'en peut plus du « politiquement correct » synonyme d'appauvrissement et de désindustrialisation, toutes choses (entre autres) personnifiés par M. Obama et ses amis Clinton.
Mais cela est apparemment trop demander à nos fringants journalistes plus aptes à défendre des « valeurs » qu'à argumenter sur le fond à propos des problèmes concrets qu'affrontent les américains (tellement « déplorables ») et tant de nos concitoyens.
Il s'agit en outre de pratiquer l'autopsie de ce « monstre politique » bien vivant. Est-ce faisable sans une cruauté hors d'imagination ? Non.
Il est donc question d'associer symboliquement le terme « monstre » à celui d'autopsie, l'un renvoyant à l'anormalité, l'autre à la mort. Nous serions donc en présence d'une créature de toute évidence vivante, mais monstrueuse, cette monstruosité s'accompagnant d'un état de mort qui ferait de ce monstre un... mort vivant en tous points dangereux. Un Frankenstein ? N'y songeons pas !
Sa présence à la tête de la première puissance mondiale serait donc inacceptable du simple fait qu'il ne partage avec personne le noble nom d'être humain. Diable, on en sait des choses à Médiapart !
On appelle cela, sauf erreur d'appréciation, de la désinformation caractérisée, qui n'honore pas l'auteur de ce titre racoleur et malhonnête ni ceux qui l'ont laissé accéder à la lecture publique.
Par ailleurs, qu'est-ce qu'un « monstre politique » démocratiquement élu ? Un élu ? Et bien non. Dans le plus profond respect du choix des électeurs US, MDP nous invite à considérer cette élection présidentielle essentielle comme un accident en attendant sans doute le retour à « la normale », celle de Mme Clinton, de la mondialisation, de la confrontation avec la Russie et de la financiarisation de la planète à travers le Libre échange débridé (etc...).
On a connu un travail journalistique plus sérieux, mais la rédaction de MDP use de sa liberté économique à sa guise, que cela plaise ou non à ses lecteurs. Trump a certes ses défauts, mais les électeurs américains l'ont porté au pouvoir. Doit-on considérer comme M. Obama et ses amis (dont MDP) que cette élection est en fait illégitime ? Nous sommes dans la gesticulation. La caravane est passée, les chiens aboient. Cela promet pour 2017 selon le choix que feront les Français.
Nous, lecteurs de Médiapart, avons (pour certains d'entre nous) toutes les raisons de nous inquiéter des stratégies éditoriales de notre journal qui semblent privilégier le fantasme plutôt que le traitement des faits et la mise en perspective des idées et des forces en conflit dans ce monde difficile.
A partir du 20 janvier, la dure loi de la réalité devrait s'imposer, sait-on jamais. Nous serions alors en situation d'inventaire. On devrait s'amuser !