En réponse à l'article de M. perraud "Quand la Hongrie bat la campagne", daté du 19 septembre 2015
Bonjour. On peut être choqué par le ton de ce papier, au moins dans l'expression. Je n'ai rien lu de tel sur MDP quand l'UE a écrasé la Grèce au nom des « grands équilibres », renvoyant une partie des Grecs à une vie moyenâgeuse. En revanche, toujours sur Médiapart, la campagne « Ouvrons l'Europe » a permis à la rédaction de traiter les Français dubitatifs quant à la nécessité d'accueillir tous les réfugiés du Moyen orient de « moisis ». Cette « France moisie », pour reprendre précisément le terme du titre, n'avale pas les arguments émotionnels, moins encore l'usage de la morale dans un monde politique qui n'use de cette dernière que pour avancer cyniquement ses arguments et ses pions, secondé puissamment par les « grands médias » (que chacun se reconnaisse dans cette catégorie fourre-tout).
En outre, ce type d'éructation fort peu journalistique qui explose en une de MDP ne pèse en rien sur la manière dont les citoyens peuvent percevoir la réalité, ou ce qu'on nous en livre.
Enfin, que je sache, le journaliste doit en principe informer, et aider à comprendre le monde en restant à sa place, et non distribuer les bons et mauvais points à partir de jugements définitifs dont la légitimité est hasardée. M. Perraud s'enferre en l'occurrence dans le rôle du censeur auto-désigné, non seulement en tançant M. Orban, habitué aux mauvais traitements de la part de la presse française, mais aussi les pays européens qui fermeraient leurs frontières sous la méphitique influence du leader hongrois. Tout ceci manque à l'évidence de mesure et de réalisme.
Je vis actuellement en Hongrie, et je pointe la suffisance et la morgue de la presse française quand il s'agit d'un petit pays sans moyens que Bruxelles a plus l'habitude de critiquer, de menacer que d'imiter. Médiapart « bouffe » assez régulièrement du Orban, et en cela, cet article est dans la culture maison. En revanche, je constate à mon niveau que nul « grand journaliste » ne souligne l'incompétence de Mme Merkel dans la gestion de cette crise. Affirmer par ailleurs que cette dernière et d'autres dirigeants de l'UE sont « orbanisés » et feraient donc sous son influence néfaste le lit de l'extrême droite, en usant d'une image médicale fort mal venue, est pour le moins osé. La Hongrie compterait donc pour quelque chose en Europe ? Traiter de la sorte dans un journal ayant pignon sur rue un dirigeant européen légitimement élu est dans tous les cas la marque d'une dérive inquiétante, qui va bien mal avec ce que l'on croit être la déontologie journalistique et le rôle de la presse en démocratie.
Le logiciel qui anime cet étrange article me paraît en conséquence critiquable : le monde politique ne peut pas se résumer en deux camps, celui des gentils démocrates d'un côté, mis en musique par le choeur effarouché de leurs médias, et celui des méchants extrémistes (fascisants forcément) de l'autre. D'un côté l'Occident gentil, de l'autre.. les autres. Ce n'est pas très compliqué. Comptons les barrières qui ont précédé celles de M. Orban, et retrouvons un calme nécessaire si cruellement absent de tout cela. Que je sache, les extrémistes sont nombreux du côté de Kiev, et l'UE elle-même, dont la France, n'est pas exempte de reproches à ce titre.
Je crois simplement, ce que je dis dans sur mon blog Médiapart (« Le retour de l'humain (et des nations) en Europe »), que contrairement à ce que beaucoup s'imaginent dans les allées parisiennes du pouvoir médiatique, non seulement les nations européennes ne se sont pas diluées dans l'Europe, mais qu'en outre, il leur fallait une occasion de crier fort leur existence dans cette UE mortifère qui ne sait gérer, et encore bien mal, que les bilans et le fric au service des oligarchies financières. L'absence de politique extérieure de l'UE permet à la faveur de la tragédie en cours à une réalité très concrète, le sentiment national, de se faire à nouveau entendre. Dans de telles circonstances, les médias « mainstream » sont obligés de s'en faire l'écho, y compris avec une maladresse et une hargne, très présentes aujourd'hui sur Médiapart, profondément regrettables. Plutôt que faire la leçon, il conviendrait de comprendre la réalité telle qu'elle est, et non telle qu'elle « devrait être » selon les vœux des uns ou des autres.
On peut porter le jugement que l'on veut sur le premier ministre d'un état de moins de 10 millions d'habitants, dont l'obsession est la survie en tant qu'état, mais de là à imaginer que nous sommes devant une « orbanisation » de l'Europe, il y a un pas fantasmatique que peu d'entre nous franchiront. Je suis donc consterné par les mots employés, les comparaisons utilisées, et plus encore par l'idéologie sans nuance que tout cela exprime. Les « droits de l'homme » font tourner la tête de pas mal d'esprits fins et intelligents et de beaucoup d'autres. Je tremble pour les opposants au candidat que Médiapart soutiendra (ouvertement ou non) en 2017.