Voici donc le troisième article à propos des démêlés de M. Lacroix, journaliste professionnel spécialisé dans l'automobile , avec la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP), dite « commission de la carte de presse », puis avec le Ministère de la Culture. (
Commission de la Carte de presse des journalistes professionnels: une exception française, un pouvoir discrétionnaire (8 odécembre 2014), Commission de la carte de presse (suite) : Un journaliste indépendant face à l'arbitraire du Ministère de la Culture et de la communication (30 novembre 2015)
Pour préciser les choses à l'intention des lecteurs qui n'ont pas pris connaissance de cette affaire à la fois ridicule et inquiétante, M. Lacroix était journaliste chez Webcarcenter, édité par la société Digital Média quand, en 2008, cette société a été achetée par la société Corb's qui édite aussi le site Autoreflex. M. Lacroix a exigé de son nouvel employeur qu'il se mette en conformité avec les règles qui régissent les organes de presse, notamment en cotisant à la convention des journalistes, ce qui fut fait. Il avait alors sa carte de presse.
Début 2011, la CCIJP a refusé la carte de presse à M. Lacroix au motif que la société Autoreflex n'est pas un organe de presse. Or, fin 2010, au moment où il demandait le renouvellement de sa carte de presse, M. Lacroix était salarié de la société Corb's comme l'attestent ses feuilles de paie, et non de la société Autoreflex. Lorsqu'en 2011, Autoreflex a regroupé des sociétés dont Corb's. M. Lacroix a demandé et obtenu que la nouvelle société se mette à son tour en conformité avec la réglementation régissant les organes de presse. La Commission a encore refusé en 2012 la carte de presse à M. Lacroix.
Il faut préciser que la carte de presse est indispensable en France pour exercer le métier de journaliste et que suite à cette affaire, M. Lacroix a été obligé de faire valoir ses droits à la retraite, étant mis dans l'impossibilité de travailler es qualité. Ayant porté l'affaire devant le tribunal administratif de Paris, M. Lacroix a eu gain de cause en 2012.
Suite à ce jugement, Monsieur Pierre Guerder, qui était président de la CCIJP, mais également doyen honoraire de la Cour de cassation, a écrit au Tribunal administratif de Paris pour affirmer que l'organisme dont il était président ne pouvait reconnaître aucun tribunal pour contester ses décisions, ce qui revenait à situer la commission de la carte de presse hors toute légalité institutionnelle. Au-delà du fait notable que M. Lacroix avait saisi le Tribunal administratif sur le conseil de l'autre président de la CCIJP, lui-même haut magistrat de la Cour de cassation, il faut se demander qui en République peut réellement se prévaloir d'une telle liberté exorbitante, revendiquée en l'occurrence par un ancien magistrat d'une des plus hautes juridictions françaises.
2016 : le Golgotha pour M. Lacroix ?
Le chemin de croix de Monsieur Lacroix prend une nouvelle direction, étrange direction, depuis la fin 2015, qui n'est pas forcément la bonne.
Récapitulons : sur demande de la Commission de la carte de presse, qui en l'occurrence oubliait l'indépendance revendiquée fièrement quelques mois plus tôt par Pierre Guerder, le Ministère de la Culture est intervenu auprès du conseil d'Etat pour faire casser le jugement du Tribunal administratif qui avait donné raison au journaliste contre la Commission de la carte de presse. Et jugeant à partir du seul dossier de cette dernière, alors porté par le Ministère de la Culture, le dit Conseil d'Etat a effectivement cassé le jugement du Tribunal administratif de Paris. Il s'est notamment prononcé en consultant le site Webcarcenter dont la rédaction n'existe plus depuis près de 4 ans, pour faciliter la vente à AutoPlus en 2012. AutoPlus ayant revendu le site à L'Argus. La partialité du jugement est donc patente. Son illégitimité également.
Jusque là, quoiqu'on en pense par ailleurs, le cheminement est à peu près compréhensible, même si on se rappelle que les deux patrons de la commission avaient eu deux positions contraires, l'un ayant conseillé à M. Lacroix de saisir le tribunal administratif (et connaissant donc son travail), l'autre récusant toute juridiction susceptible de demander des comptes à la commission (et ignorant donc en principe les bases supposées structurer sa fonction à la tête de la commission) .
On s'en doute, M. Lacroix a continué à se battre, et a très logiquement introduit une action contre le Ministère de la Culture pour faire reconnaître la justesse de sa cause, et par voie de conséquence le déni de justice dont il était victime.
Entre deux visites chez son avocat suite à son action contre le Ministère de la culture, il a reçu une lettre le 25 novembre 2015 stipulant en ce qui concerne la commission, que ce dernier (le Ministère de la Culture, note de l'auteur) « ne peut être considéré comme son autorité de tutelle, la Commission agissant de façon indépendante. C'est pourquoi seules les juridictions administratives sont compétentes afin de trancher cette question. » Cette position avait déjà été affirmée par le même ministère quand Frédéric Mitterrand en était le « patron » avisé. On suppose donc que l'archivage et le suivi des affaires laissent à désirer chez Mme Pellerin, actuelle ministre en charge de la Culture et de la communication.
L' « incompétence » comme une norme d'Etat ?
Au premier abord, des gens hautement qualifiés et formés aux plus hautes études en matière juridique et administrative se sont conduits comme des amateurs. Ce qui est difficile à concevoir. Car à suivre littéralement les faits ubuesques qui se sont succédés, comment ne pas penser à une entente préalable entre tous ces acteurs, qui seraient enserrés alors dans un solide réseau de connivences, le tout sur le dos de M. Lacroix et peut-être d'autres citoyens tout aussi isolés et vulnérables?
L'un des directeurs de la Commission de la carte de presse, pourtant magistrat de haut rang, ignorait, ou a fait semblant d'ignorer, les implications du droit applicable à la structure dont il avait la charge en prétendant dans un premier temps ne dépendre d'aucune juridiction. Savait-il, s'adressant au Ministère, qu'il serait entendu par ce dernier cinq sur cinq et par le Conseil d'Etat via la requête du Ministère ?
Un ministère a donc agi en justice contre toute légalité et respect des normes réglementaires qu'il a à minima l'obligation de connaître (!), au profit d'un Directeur de la CCIJP qui n'a pas reconnu le jugement du tribunal administratif tout en demandant au Ministère de le représenter devant le Conseil d'Etat pour faire casser le jugement de ce dernier tribunal. Ministère de la Culture, et directeur de la commission ont donc tout faux. Peut-on imaginer un instant une telle incompétence à un tel niveau ?
Comment le Conseil d'Etat, organe essentiel dans la vie institutionnelle du pays⋅, a-t-il pu par ailleurs accepter une démarche contrevenant à la règle administrative en agréant le recours du Ministère de la Culture ?
Autrement dit, en la matière, ni le directeur de la Commission concerné, ni le Ministère, ni le Conseil d'Etat n'ont agi dans le respect des « principes généraux du droit » administratif. Ils se sont résolument positionnés en violation de ces derniers auxquels en principe ils sont adossés organiquement, et au profit desquels ils sont tenu d'agir pour faire valoir le droit des citoyens en toute impartialité.
L'absurde aux commandes
Le Ministère est donc intervenu illégitimement et a bien sûr obtenu sans coup férir gain de cause. La-dessus, « il » se souvient qu'il n'a pas à se préoccuper de la vie de la Commission. On pourrait donc penser que de ce fait, l'avis du Conseil d'Etat cassant le jugement du tribunal administratif favorable à M. Lacroix , suite à l'intervention dudit ministère, devrait être lui-même « cassé » par ce même Conseil d'Etat, au motif par exemple que le plaignant, à savoir le Ministère de la Culture, n'avait pas le droit de représenter auprès de lui les intérêts de la Commission. Ou tout simplement pour non application du Droit.
Et bien, il semblerait que tel n'est pas le cas. Le Conseil d'Etat vient de demander à M. Lacroix si son propre jugement à son encontre, pourtant nul et non avenu, et faisant l'objet d'un appel devant le Tribunal administratif de Paris, pouvait porter son nom (ce qui se fait en droit dans l'inventaire des jurisprudences). La machine administrative de l'Etat fonctionne ainsi en l'occurrence (et sous réserve d'une subtilité juridique qui nous échappe) en dépit du droit, du respect de ce dernier, et selon sa seule logique. Difficile de rêver meilleure illustration de l'autisme de la technocratie toute puissante qui anime l'appareil d'Etat.
Partialité et copinage
On est en droit de penser que le Tribunal administratif de Paris, qui doit rejuger le cas de M. Lacroix, risque de se trouver contraint par le jugement illégal et illégitime du Conseil d'Etat qui n'a pas été cassé, et qu'il pourrait alors cette fois donner tort au plaignant, confortant de la sorte une jurisprudence viciée par des prémisses irrecevables. La Justice se transforme ainsi en Injustice. La logique juridique formelle est alors mise au service d'un déni de justice, et donne à ce dernier une possible et insupportable descendance jurisprudentielle.
Seule donc la volonté partiale de la puissance « publique », qui paraît ici s'articuler sur quelques manœuvres parfaitement privées, prévaut, y compris quand cela s'impose contre le droit, la règle et la justice, et, soulignons le, dans le but de donner raison envers et contre tout à une CCIJP obsolète et autocratique. L'atout premier de cette dernière consisterait-il tout simplement à être un refuge douillet pour quelques personnalités n'ayant sans doute jamais démérité au service de la volonté des pouvoirs en place et qu'il ne faut pas contrarier ? Cela y ressemble.
Le fait du prince est en tout cas avéré, sous réserve du prochain jument du Tribunal administratif de Paris. Qui est « le prince » ? Probablement un quarteron de technocrates plus attachés à des solidarités de corps ou de promotion qu'à une bonne et juste pratique professionnelle conforme à la vertu que l'on attend des fonctionnaires en charge des rouages régaliens de notre République.
La ministre en titre est-elle seulement au courant de tout cela ? On aimerait être sûr que tel n'est pas le cas.
En attendant, M. Lacroix est bien victime d'une affaire d'Etat, confronté qu'il est au mauvais vouloir de l'appareil d'Etat armé de ses seuls droits de citoyens, qui décidément pèsent fort peu quand on est privé d'appuis substantiels. De toute évidence, un peu de ménage au Ministère de la Culture et au Conseil d'Etat serait œuvre de salubrité publique. Avec, cerise sur la gâteau, une réforme profonde des modalités d'acquisition de la carte de presse, rôle que la CCIJP est de toute évidence incapable d'assumer dans la clarté, l'honneur et la dignité.
⋅Le Conseil d'État est une institution publique française créée en 1799 par Napoléon Bonaparte sur l'héritage d'anciennes institutions ayant porté ce nom sous la Monarchie, dans le cadre de la constitution de l'an VIII (Consulat). Il siège au Palais-Royal à Paris depuis 1875.
Dans les institutions de la Cinquième République, son premier rôle est celui de conseiller le gouvernement. À cette fin, le Conseil d'État doit être consulté par le gouvernement pour un certain nombre d'actes, notamment les projets de lois. Son second rôle est celui de plus haute des juridictions de l'ordre administratif (pour plus d'informations voir : dualité des ordres de juridiction : ordre administratif, ordre judiciaire). Le Conseil d'État est néanmoins soumis aux décisions du Tribunal des conflits qui tranche les conflits de compétence entre les ordres de juridiction.
La présidence du Conseil d'État est assurée par son vice-président2. Son assemblée générale peut être présidée par le Premier ministre ou bien le ministre de la Justice, ce qui n'a lieu que de manière exceptionnelle3. Le vice-président présente au président de la République les vœux de l'ensemble des corps constitué
-Trouvé sur Internet. Avis aux amateurs :
Droit administratif français – Deuxième Partie – Chapitre 1 – Section IV
Chapitre 1 : Sources de la légalité administrative - Section IV : Les principes généraux du droit par Pierre Tifine
18/08/2013 by Pierre Tifine
Les principes généraux du droit
Le droit d’exercer un recours pour excès de pouvoir contre toute décision administrative (CE Ass., 17 février 1950, Dame Lamotte : Rec. p. 110 ; RDP 1951, p. 478, concl. Delvolvé, note Waline) ;
– Le caractère contradictoire de la procédure contentieuse suivie par les juridictions administratives (CE Sect., 12 mai 1961, Société La Huta : Rec. p. 313) ;
– Le principe garantissant aux administrés que toute autorité administrative est tenue de traiter les affaires les mettant en cause de façon impartiale (CE, 27 octobre 1999, requête numéro 196251, Fédération française de football : JCP 2000, 10376, note Piastra) ;
– Le principe selon lequel l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenu d’y déférer (CE Ass., 3 février 1989, requête numéro 74052, Compagnie Alitalia, requête numéro 74052, préc.).
– Le principe selon lequel l’autorité administrative ne doit pas appliquer un règlement illégal, même en l’absence de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l’annulation ou l’aurait déclaré illégal (CE, avis, 9 mai 2005, Marangio, requête numéro 277280 : JCP A 2005, 1253, note Billet).
– Le principe selon lequel : « si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie (CE Ass., 23 décembre 2011, Danthony, requête numéro 335033, préc.).