Qu'est-ce que l'UE ? Au-delà des discours politiques ou romantiques, des parti-pris et des mensonges, c'est en premier lieu une construction de type mafieux, si l'on en croit l'excellent ouvrage d'Eva Joly à propos de Jean Claude Junker, actuel président de la commission européenne : « Le loup dans la bergerie »⋅.
Comment se fait-il en effet que celui qui a fait depuis plus de deux ou trois décennies du Luxembourg un paradis fiscal ouvert aux grands groupes européens et internationaux, au détriment des autres pays de l'Union européenne et de tous les états victimes de ce dumping si coûteux pour les budgets nationaux, se soit fait nommer à la tête de la commission européenne avec la complicité de leurs dirigeants toutes tendances politiques confondues ?
La réponse est simple. Fin connaisseur des arcanes oligarchiques mondiales, Jean Claude Junker était lui-même un oligarques habile, acteur essentiel de la financiarisation de l'économie européenne et de la prise de pouvoir des banques, tout autant sinon plus que MM. Delors et Lamy. M. Junker a en effet instauré dans son pays originel la tricherie systématique et légale au bénéfice des grands groupes économiques, notamment US, en favorisant la fuite devant l'impôt.
Ses pairs l'ont donc installé dans le fauteuil de la Commission, en tant que membre à part entière du monde de la finance, qui ne connaît d'autres lois que la sienne. Ainsi vont les « gangs ».
Mais un chef de bande se doit d'avoir une bande organisée pour soutenir et favoriser efficacement ses malversations.
M. Junker a donc été grandement aidé dans son entreprise de brigandage par l'UE qui, bien avant sa nomination à la tête de la commission, avait acté le droit pour les grandes entreprises de déclarer leurs impôts non pas dans les pays où sont ancrées leurs activités, mais dans celui qui héberge leur siège, par exemple le Luxembourg (!). Autrement dit, depuis bien longtemps, l'UE est une machine oligarchique qui organise et favorise l'exil fiscal au détriment des pays de l'Union, et ce en parfaite harmonie avec les dirigeants de ces pays qui font mine de lutter contre les « exilés fiscaux ».
Les maladroits tel M. Cahuzac qui se font surprendre la main dans le sac sont des amateurs et de petits poissons, car la triche est institutionnalisée par les grandes banques européennes et autres. M. Cahuzac paie pour des mastodontes intouchables. Espérons qu'il a le sens de l'humour et soyons assurés que sa condamnation sera symbolique, du fait qu'il sera jugé par des magistrats aux ordres.
Honnêteté et conviction, deux valeurs absentes en UE
Le livre d'Eva Joly, européenne sincère et convaincue, offre un regard lucide et acéré sur la réalité de la construction européenne qui en fait malgré l'auteur une condamnation sans appel de cette Europe ploutocratique. M. Junker est le symbole de la toute puissance des oligarchies dont le seul but est de poursuivre le pillage des pays européens et autres sans en payer le prix d'une manière ou d'une autre.
Au niveau politique, tous les partisans de l'UE sont donc probablement de fieffés voyous, surtout quand, comme M. Hollande, ils font mine de croire à un projet européen d'intérêt général qu'il faudrait défendre coûte que coûte. Ils sont complices d'une mise en coupe réglée des pays concernés qui subissent des cures d'austérité sans fin au bénéfice des banques et de leurs laquais, hommes politiques et journalistes confondus, car c'est ainsi qu'il convient de nommer ceux qui défendent moyennant de solides revenus un tel système incapable par ailleurs d'asseoir durablement son pouvoir sur les sociétés concernées en dépit de sa toute puissance.
Le tour de force des grands médias a été de faire de la cause européenne une idéologie populaire, quand rien de ce qui se trame à Bruxelles n'est fait en fonction de l'intérêt général. A quelques encablures de la présidentielle en France, on peut considérer que le nombre des idiots utiles est hélas bien grand, fils de la désinformation et d'un irénisme que l'on retrouve dans d'autres domaines.
Il est coutumier sur internet de moquer par exemple l'européisme pulsionnel du journaliste Jean Quatremer (Libération). Il conviendrait plutôt de se demander si son adhésion absolue à cette UE mortifère est fille d'une idéologie, d'un intérêt matériel, ou d'un messianisme mal placé, voire des trois à la fois. Cet engagement ne saurait être le fruit d'un réel professionnalisme. L'UE a les soutiens qu'elle mérite.
La guerre pour la prépondérance financière ?
La City est donc, avec ses particularités, une arme de la financiarisation de l'économie mondiale, dont les grands féodaux entendent capter la manne. Le Luxembourg, au centre de l'UE a fait un bon boulot à ce titre, et on peut supposer que la City, en accord ou pas avec Wall Street, entend rééquilibrer la donne à son avantage, à l'abri de l'autoritarisme bruxellois et de l'hégémonie allemande. Les discours sur le Brexit sont donc souvent frappés de nullité si on s'en tient au fond des enjeux tels qu'on peut les analyser. Le soutien d'une partie non négligeable de l' « état profond » anglais au Brexit plaide dans ce sens.
Cette guerre sans fin entre l'Angleterre et le continent pour la suprématie européenne écorne pourtant au passage la grande opération UE portée sur les fonds baptismaux par les Etats Unis. Il se trouve qu'elle favorise la mise en exergue du souverainisme tellement mis à mal par les dérives technocratiques d'une UE moribonde du fait des ambitions allemandes, qui on le sait n'ont jamais dans l'histoire cédé à la raison ou au bon sens quand la force était momentanément de leur côté.
On a donc le droit de considérer que cet épisode de la lutte à mort des grands requins de la finance mondiale est bien malgré lui porteur parfois de principes vertueux, le souverainisme et la force des choix démocratiques, l'affirmation de la volonté populaire, et la condamnation de la philosophie technocratique antidémocratique et antisociale de l'UE.
La chance est que, dans ses convulsions sans fin, le capitalisme ouvre des brèches au sein de ses constructions les mieux pensées.
Le meilleur allié des citoyens français, qui sont privés d'élites responsables et de moyens d'information fiables est donc parfois le système lui-même. A force de multiplier les loups dans la bergerie, ils finissent par s'entre-dévorer.
Gageons que l'Allemagne va tenter de profiter de l'aubaine pour ligoter plus encore ses partenaires et, de la sorte, accélérer la fin de son UE tentant une fois encore de terrasser, en vain, son « partenaire et ami », la France.
La France n'a plus d'élites vouées à l'intérêt national. Trahie, elle est lourde d'une crise majeure. On peut parfois envier nos amis anglais et leur pragmatisme courageux, bien qu'intéressé. Mais après tout, nulle vraie stratégie nationale ne naît du désintéressement. Où pourtant trouver chez nos « leaders », qui le sont si peu, les racines d'un intérêt national français bien compris ? Allons, avec l'approfondissement de la crise économique mondiale et européenne, on va finir par susciter quelques talents franco-français !
⋅Eva Joly : « Le loup dans la bergerie », sous-titré «Jean Claude Junker, l'homme des paradis fiscaux placé à la tête de l'Europe », éditions les arènes