On aimerait se féliciter du départ de Mme Taubira. Mais il apparaît qu'elle quitte le gouvernement suite au problème de la déchéance de la nationalité. On évoque des désaccords grandissants avec MM. Hollande et Valls. Son départ signerait donc celui d'une ministre honnête, vouée au bien public, solitaire dans sa pureté, qui, lasse de voir les libertés et des principes fondamentaux attaqués, décide de « ne plus la fermer » et de reprendre sa liberté. On suppose que la presse social démocrate ou assimilée va l'encenser, et que la « vraie droite », à savoir la droite historique, va lui jeter des monceaux de critiques plus ou moins élégantes au visage.
On peut pourtant juger Mme Taubira très sévèrement à travers ce départ. Elle choisit un moment critique pour ce que l'on appelle encore la majorité, en prétendant se refuser à accompagner un gouvernement qui veut mettre en œuvre constitutionnellement la déchéance de la nationalité selon des modalités en vérité sans intérêt si on considère la gravité de la réforme constitutionnelle qui, en fait, dote l'Etat d'un pouvoir discrétionnaire sur les citoyens qui lui déplairont.
Pourquoi cette dame n'a-t-elle pas démissionné au moment de la « loi sécurité » qui flique ses concitoyens en toute légalité ? Pourquoi est-elle restée dans ce gouvernement qui a accumulé les mesures antisociales et les abandons de toute sorte au profit du patronat et des oligarchies financières ? Pourquoi a-t-elle accepté de partager les bancs du gouvernement avec M. Macron, néolibéral décomplexé qui donne son vrai visage à cette « gauche » qui est passée avec arme et bagages chez l'adversaire de la veille ?
Parce que cette dame est au fond d'accord avec l'UE, l'austérité, et le pouvoir des banques. Ses soucis sociétaux sont, à la mode sociale démocrate, les paravents de son idéologie de droite, car cette dame pense à droite. L'a-t-on par exemple entendue s'élever énergiquement lors de la condamnation à des peines de prison ferme à l'encontre des huit ouvriers de Goodyear ? A-t-elle été intransigeante avec toutes les « affaires » qui empoisonnent la vie politique depuis qu'elle siégeait place Vendôme et qui ont pour la plupart rapport au « fric » qui baigne notre vie politique?
On peut donc supposer que cette grande gueule aux abonnés absents aboiera désormais convenablement mais avec vigueur sur des sujets anodins, à savoir sociétaux, et, en continuant à ignorer les immenses défis qui attendent le pays. Elle pourfendra abondamment la déchéance de la nationalité à la mode Valls-Hollande et son droitdlhommisme estampillé « démissionnaire », en tant que noire et donc victime d'attaque racistes bien réelles, lui vaudra les applaudissements des bien pensants qui, de toute évidence, font clairement le jeu des oligarchies qui nous gouvernent.
Sans doute d'accord sur le fond avec la politique de M. Hollande, elle se devait de défendre son fond de commerce, les « grands principes », qui n'ont apparemment pas grand chose à voir avec les difficultés sociales que connaît la France. Les « grands principes » étant grands, on ne peut, de leur sommet, apercevoir la détresse de ses concitoyens et continuer à faire comme si. Rejoindra-t-elle les partisans d'une primaire à gauche? Ce serait bien son genre!
Voilà qui va sans doute occuper les commentateurs assez longuement. Un non événement donc, travesti en séisme de basse cour par la « grande presse ».
Les « valeurs de gauche » de Mme Taubira n'avaient rien pour effrayer un patron du Cac 40. Gageons que cette personnalité atypique et soumise, sous des apparences contraires, saura rebondir tant son « caractère » et ses prises de position effraient peu de monde.
Au moins, avec M. Urvoas, on peut être tranquille : ses « valeurs de gauche » valent à peu près celles de M. Valls, il n'a jamais pris la peine de faire semblant. Il paraît que Mme Tauibira se rend aux Etats Unis. A n'en pas douter, elle y sera bien reçue.