Jamais les Français n’ont rejeté à ce point les rendez-vous électoraux et démontré leur « ras le bol » des appareils politiques, pourtant socles de la démocratie représentative.
La crise sociale délite et parfois détruit les rapports sociaux, favorisant tous les replis que l’on connait, créant un terreau favorable à l’extrême droite et aux néo conservatismes, xénophobes, nationalistes, sexistes, homophobes, à la diabolisation des media, au conspirationnisme (*) et à une abstention particulièrement massive dans les quartiers populaires.
L’enjeu est bien de remobiliser les citoyens et de s’attaquer aux raisons profondes qui entretiennent la défiance envers les élus, le choix du rejet par l’abstention et le vote FN. Une des premières causes de cette défiance est le sentiment d’impuissance. Chaque citoyen le ressent, pour soi mais aussi chez « les Autres » ! Que l’on soit un citoyen devant sa télévision, dans sa cage d’escalier, dans la rue, au travail, dans son entreprise ou son administration, c’est une grande frustration. Ça l’est également aussi pour les animateurs de centres sociaux, éducateurs spécialisés, professeurs, assistantes sociales, agents des bailleurs sociaux, policiers, pompiers, etc., pourtant tous impliqués dans des métiers qui sont censés participer aux réponses que la société élabore. Que dire alors des élus ? Ils doivent incarner le pouvoir d’agir, celui que leur a conféré l’élection … mais pour beaucoup, et particulièrement dans notre région, les décisions sont interinstitutionnelles et prennent des années à devenir réalité tangible. Les élus eux-mêmes sont en situation le plus souvent d’impuissance d’agir et…de le dire, de peur de nourrir un peu plus de rejet.
Dans un monde de communication où la fonction tribunicienne du Politique est devenue si importante, elle n’est plus suffisante. Elle ne peut plus masquer ces difficultés de « pouvoir agir ». La communication, pour être un vecteur de confiance, doit parler de choses que l’on fait, que l’on réalise ou qu’on peut collectivement réaliser.
La démocratie participative ou contributive peut être un processus de contre-offensive face à l’abstention constatée lors des dernières élections.
Il s’agit de rebâtir la politique par la base (« par le bas »), à partir de la vie quotidienne, des paroles et des résistances, des aspirations ordinaires, dans l’alliance privilégiée des milieux populaires, des couches moyennes salariées et des nouveaux secteurs précarisés ; en bref faire de la politique avec les gens et pas à leur place.
L’enjeu est de reconstruire une confiance dans la parole des institutions et de leurs élus. Pour ce faire, pour éviter que chaque parole « d’en haut » soit perçue comme une volonté d’instrumentalisation, en s’appuyant sur ce qui se construit dans de très nombreux territoires comme autant de révolutions tranquilles, sans prétention mais avec une ambition sans limite.
De plus en plus d’expériences partent de la base. Le dernier rapport pour une réforme radicale de la politique de la ville et sur le POUVOIR d’AGIR remis au Ministre de la Ville le 8 juillet 2013 par Marie- Hélène Bacqué (universitaire Paris) et Mohamed Mechmache (association AC le feu !) est emblématique sur ce point : la reconnaissance des associations dites d’interpellation citoyenne permet de donner la place dans le débat public à des initiatives hors du champ « technico-politique ».
Parfois il ne s’agit que de questions tout juste formulées collectivement dans un centre social, parfois d’analyses populaires plus poussées (état des lieux), parfois de propositions citoyennes collectives précises ou bien de revendications issues des quartiers populaires, mais jusqu’à présent non entendues.
Bref, dans un contexte où « il y a le feu à la République », il existe dans tout le pays des énergies, des expériences et des outils ainsi que des moyens souvent modestes et parfois hélas mal dirigés.
Il convient de partager les expériences, de soutenir et de réaliser les propositions, en démontrant et en redonnant le pouvoir d’agir au peuple. Notre monde complexe ne peut se résoudre à des solutions simplistes. Dans le champ politique, l’ambition est de contrer la démagogie par la pédagogie. Animer des espaces de délibération collective pour rendre conscient ce désir de commun qui fonde la politique elle-même depuis son invention par Athènes.
GERARD PERRIER, professeur de lettres retraité, syndicaliste ; administrateur bénévole du centre Social ST GABRIEL à MARSEILLE 14ème-