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PROFESSEUR DE LETTRES RETRAITE DEPUIS 2007

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Billet de blog 23 mars 2015

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Un chantier d'espoir dans un quartier Nord à Marseille

Ce qui s’est passé récemment à l’école primaire de la Busserine (Marseille, 14e) donne matière à espérer. A partir de l’école publique, du rôle des enseignants, du syndicalisme dans une période de tensions sociales et politiques et ici vis-à-vis d’élus du  Front National qui pensent être les maîtres du jeu  politique désormais.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce qui s’est passé récemment à l’école primaire de la Busserine (Marseille, 14e) donne matière à espérer. A partir de l’école publique, du rôle des enseignants, du syndicalisme dans une période de tensions sociales et politiques et ici vis-à-vis d’élus du  Front National qui pensent être les maîtres du jeu  politique désormais.

Jeudi 12 mars se tient le conseil de l’école élémentaire de la Busserine. Est présent un élu FN de la mairie de secteur, ancien élu UMP passé au FN il y a peu, Karim Herzallah. Les parents et l’équipe enseignante s’y plaignent du mauvais fonctionnement de l’atelier théâtre, la mairie de secteur ayant suspendu, durant les trois premiers mois de l’année scolaire, les contrats école-quartier. M. Herzallah menace : « Je saurai m’en souvenir ! » Le ton  monte. Intimidations verbales et physiques à l’égard de deux membres de l’équipe éducative et des 18 personnes présentes. Le recteur d’académie, alerté, demandera ensuite, par lettre au sénateur-maire, que l’élu désigné reprenne sa place puisque M. Herzallah n’était pas celui qui devait suivre l’école de la Busserine et aussi se montre plus respectueux de l’école de la République. A tout le moins !

En effet, les parents s’étaient mobilisés en janvier dernier à cause des travaux inachevés dans la nouvelle école en construction, dans laquelle était alors prévu l’emménagement de la communauté éducative, proche de l’immense chantier de la rocade L2. Les manifestants avaient refusé que les élus FN participent au rassemblement pour s’être peu souciés du déménagement chaotique, avoir voté contre toutes les subventions de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine avec les commentaires inqualifiables du maire de secteur, Stéphane Ravier (maire des 13e et 14e  arrondissements, sénateur FN), en mairie de Marseille: « Avant de réhabiliter, il faut supprimer les crapules car même 3% de délinquants, ça gangrène tout. ». Celui-ci avait voté également contre les subventions aux centres sociaux du secteur. Au motif, comme il le déclare en conseil d’arrondissements, que « La médiation sociale, c’est de la collaboration avec les crapules ». Ajoutant même, désignant explicitement le quartier de la Busserine : « Nous allons éradiquer les dernières métastases rouges du secteur ».

Avec cet arrière-plan belliqueux, la stratégie du maire FN fut d’essayer de diviser la communauté éducative : parents d’un côté, enseignants de l’autre. Il envoie donc l’élu K. Herzallah le 12 mars au conseil d’école de la Busserine. Celui-ci fait référence plusieurs fois à l’existence divine: « si Dieu le veut ! », « Inch’Allah », s’exprime en arabe, indique à une représentante des parents qu’ « il était musulman comme elle », et lui téléphone le lendemain pour lui rappeler qu’il « fallait arrêter d’écouter les enseignants qui ne vivaient pas dans ces quartiers ». Un mensonge qui plus est.

Tout cela a un sens : l’emprunt à la rhétorique éculée de la droite pour dresser les parents contre les enseignants, ici mâtinée d’un populisme insolite dans la bouche d’un élu FN. En apparence seulement. Les références à la religion, à la langue et à la culture arabo-musulmane contrastent en effet avec les stigmatisations islamophobes habituelles du FN… Ici, elles sont destinées à tenter de rallier à sa cause les mères d’élèves du quartier, en majorité issues des anciennes colonies françaises. Le populisme fait feu de tout bois. Echec complet. Pourquoi ?

Sans doute faut-il en trouver les motifs d’abord du côté de la mobilisation sociale unie des parents et des enseignants en défense des conditions de travail dans l’école. Ensuite par « retournement du stigmate » : les populations françaises, majoritaires dans les quartiers populaires au Nord de Marseille, dont les « origines » sont si souvent montrées du doigt, ont refusé d’être prises au piège dans lequel l’élu voulait les enfermer pour les circonvenir. Il lui a été répondu en français et rappelé la laïcité comme liberté de choix et principe de base de l’école publique. Si bien que, lorsque le responsable du syndicat Snuipp-FSU des 13e et 14e arrondissements et professeur dans l’école de la Busserine depuis 12 ans, Sébastien Fournier, a pris la parole lors du rassemblement de solidarité devant l’école le vendredi 20 mars, refusant notamment que la laïcité soit un vecteur islamophobe de plus, il a été chaleureusement applaudi. Enfin, on ne peut comprendre ce qui s’est passé là autrement que  par l’attachement des familles modestes au « tremplin social » que demeure l’école publique. Malgré tous les « décrochages scolaires » et le chômage de masse qui en amoindrit considérablement le rôle. Le dévouement des enseignants, l’éducation populaire vivante dispensée  par les centres sociaux, l’unité par la mobilisation des syndicats sont autant  de points d’appui dans les quartiers populaires. Comme l’activité en réseau du Collectif de citoyens Marseille veille 13/14.

Un chantier d’espoir. Pourvu que chacun soit convaincu que l’histoire n’est nulle part inscrite d’avance. Ni que celle-ci est terminée.

Gérard Perrier, professeur retraité, administrateur du centre social St Gabriel (Marseille 14ème).

 22 mars 2015.

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