La crise de la démocratie couve certes depuis les débuts de la Ve… mais les dernières élections municipales ont atteint des sommets d’absentions dans les quartiers populaires des grandes villes à des niveaux rarement égalés. Tous les mécanismes des pouvoirs et les rapports entre le peuple et la politique sont en cause.
1/ POUR DE NOUVELLES PRATIQUES
La crise de la démocratie couve certes depuis les débuts de la Vème…mais les dernières élections municipales ont atteint des sommets d’absentions dans les quartiers populaires des grandes villes à des niveaux rarement égalés. Tous les mécanismes des pouvoirs et les rapports entre le peuple et la politique sont en cause. La montée des inégalités ,de l’insécurité sociale sont des facteurs majeurs de la période et que les politiques néo libérales de la droite comme du PS éloignent les citoyens des pouvoirs car ile se sentent dépossédés de tout.
Comment faire face à cela pour les forces de la transformation sociale ? La question des programmes, de l’horizon des possibles en France et en Europe est majeure, mais ne répond que partiellement à la question du rejet massif du système politique. Ce rejet ne concerne pas que les institutions anti démocratiques issues du coup d’état bonapartiste du 13 mai 1958 mais également les partis politiques dont le fonctionnement reproduit l’organisation verticale de l’appareil d’état et dont le rôle semble se cantonner à convaincre les citoyens du bien fondé de leurs propositions. Rarement ces derniers sont considérés comme des acteurs en prise directe avec le réel. Les assemblées citoyennes du Front de Gauche pourraient être un bel outil en ce sens. Las ce ne sont le plus souvent que des tribunes militantes et des mini meetings !…de la sorte, ce ne sont, en règle générale que des regroupements de sympathisants. Je fais miennes ici les propos de Nicole Borvo-Cohen Séat sur ce sujet (Démocratie : révolutionner les pratiques politiques- L’Humanité du 5 mai 2014).J’y suis d’autant plus enclin que cela rejoint mes propres observations sur le terrain. A Vitrolles, le seul bureau de vote où le FN n’est pas en tête quand il l’est partout dans la ville pour la municipale de février 1997 qui voit la victoire de Mme Mégret (FN),est le quartier populaire des Pins, celui qui pendant 6 ans a connu une expérience de démocratie participative avec un Conseil et une Régie de quartier. Est-ce une coïncidence ? ( cf mon livre VITROLLES, un laboratoire de la démocratie et de la crise de la gauche -1983-2002,éditions Arcane 17,février 2014). On pourrait trouver ailleurs d’autres exemples tel celui des « ateliers de paroles » et du CERFISE (années 70-80) dans la rénovation de cités des quartiers Nord à Marseille (cf Michel Anselme Du bruit à la parole –La scène politique des cités ,éditions de l’Aube ,2000 ) ou plus récemment la tentative de Marie- Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache (le rapport de juillet 2013 au ministre de la Ville« ça ne se fera plus sans nous ») dans le cadre de la réforme de la politique de la ville initiée par François Lamy ministre de la Ville (loi de février 2014 ) dont l’expérimentation des « tables de quartiers » ,espaces autonomes pour l’action citoyenne, est en cours, portée par 6 collectifs d’associations locales et 6 par des centres sociaux en France.
Dans les entreprises et les services la syndicalisation connait de très sérieuses difficultés. La souffrance au travail, la violence des techniques de management comme l’écho important rencontré par la pétition dite de l’Appel des appels (Cf « L’appel des appels « Pour une insurrection des consciences » éd Mille et une Nuits, Paris,2009 ) lancé par le psychanalyste Roland Gori à Marseille) sont encore une autre versant possible de la mobilisation à opérer. Par des ateliers de paroles comme lieux de décryptages des normes prétendument neutres afin de déconstruire l’impensé social qui se présente comme un ordre naturel et d’évidence. Là où s’échangent les expériences individuelles et se disent les souffrances se bâtissent les résistances sur les lieux de travail.
Enfin sur le terrain des luttes écologiques on peut réfléchir à l’usage des débats contradictoires sur tous les projets envisagés :entre les associations ,les citoyens ,les élus et les opérateurs industriels, aménageurs …pourvu que le « secret » des processus de conception et de décision soit levé, que la transparence soit réelle et que des contre-expertises indépendantes soient financées par les opérateurs et les collectivités locales, l’Etat, afin d’éclairer les citoyens sur tous les enjeux . Cela fut le cas en 1993 dans la région PACA lors des contestations des tracés du TGV Méditerranée, quand le ministre de l’Equipement et des Transports, JL Bianco en concertation avec les associations d’alors , mit sur pied un tel processus alors inédit. Depuis la loi Barnier sur les grands projets d’infrastructures a intégré cet acquis des luttes collectives de 1993 en PACA. Il conviendrait d’en étendre le champ d’application.
2/ POUR DES ASSISES DE LA TRANSFORMATION SOCIALE, DEMOCRATIQUE , ECOLOGIQUE (EN FRANCE ET EN EUROPE ) OUI MAIS COMMENT ?
Il me semble urgent de saisir la balle au bond lancée par JC Cambadélis ce 14 mai dans le débat de MEDIAPART (J.C Cambadélis, E .Cosse,J.L Mélenchon).Celui-ci a en effet appelé, notamment ,prenant acte d’une « défaite majeure », toutes les forces de gauche à se retrouver pour « reconstruire le tronc commun de la gauche et des écologistes.(…) Je ne sais pas si c’est en passant à nouveau par des assises de la transformation sociale.(…) C’est un espace de confrontations qu’il faudrait créer et un espace où les citoyens pourraient intervenir ».
Cela me semble une clef pour l’actuelle situation générale ,une méthode pour ces assises devrait être telle qu’elle puisse produire un espoir populaire par une mise en mouvement d’unité .Pour cela éviter d’abord les écueils divers à toute rencontre que sont : les préalables qui font avorter, les « colloques » polis et spéculatifs sans lendemain, la centralisation ,les accords de sommet qui règlent tout et rien à la fois car de type « diplomatie secrète »,les meetings où le peuple écoute les élites.
Il me semble , compte tenu de ce que j’ai écrit au point 1 ,les principes suivants pourraient présider à des vraies assises populaires ,citoyennes dont la tenue même contient la fin recherchée :que les citoyens s’approprient à nouveau toutes les questions politiques posées par l’état présent de notre pays ,de l’Europe ,du monde alors qu’ils les désertent depuis tant d’années : une victoire de la révolution néo libérale, celle de l’expropriation de la démocratie. Il s’agit bien selon moi, non pas de « recoller les morceaux » d’une gauche qui s’émiette et s’effondre, n’a plus l’oreille populaire qui en majorité fait la grève du vote et écoute de plus en plus l’extrême droite (c’est différent dans les couches moyennes) mais avec toutes ses composantes trouver les voies de la reprise de l’initiative citoyenne pour réinventer la gauche.
Pour avoir tenté de plusieurs manières des initiatives similaires dans la région marseillaise depuis 1990 et prenant en compte l’expérience grenobloise commencée par Hubert Dubedout , celle sans grand avenir des assises de la transformation sociale emmenée par JC Cambadélis en 1994, je suggère ceci :
1/ Les assises sont décentralisées, dans les grandes agglomérations, convoquées par appel national ouvert à tous (forme classique)dont l’optique générale ne peut être que celle de la réinvention de la gauche partant des constats des régressions économiques, sociales ,écologiques ,culturelles, mais aussi et contradictoirement des résistances et des progrès dans la société (à préciser) .Sans faire le procès du gouvernement mais mettant en lumière tout ce qui dans sa méthode politique et son contenu éloigne le peuple de ce qui demeure les fondamentaux de la gauche :l’égalité, l’universalisme… (préciser). Ces assises sont suivies par des personnalités du monde de la recherche, de l’enseignement, du travail social, des arts, du syndicalisme, de la vie associative, des élus politiques, évidemment et à parité par des citoyens (tirés au sort ? élus ? ) Le financement est à étudier de près :il doit être important afin d’assurer les bases de la réussite ,notamment participative (déplacements ,locaux des rencontres , média …) Les partis de gauche, les parlementaires et élus locaux ,les syndicats, les associations et personnalités contribuent financièrement et de façon publique (étude juridique et financière préalable à faire).
2/Ces assises, dans le cadre général de l’appel, s’auto-organisent sur le plan local par le moyen de « comités des assises pour la transformation sociale, démocratique, écologique »… ». Durant quelques mois (3mois ?) travaillent, échangent (site Internet de type forum) se rencontrent librement. Je ne sais s’il conviendrait ensuite d’appeler à des rencontres régionales comme intermédiaire à une nécessaire rencontre nationale.
3/ Je ne pense ni à un nouveau programme commun, à une néo gauche plurielle, à un front populaire etc.. bien plus modestement à la constitution partout où ce sera possible de chantiers d’unité, de propositions, de pratiques sur la durée (notamment ceux du §1 ici ) ,avec des temps forts Lle but est de parvenir en 2017 à une victoire électorale avec des gauches et des écologistes refondées dans leurs pratiques de pouvoirs (de la mairie à l’Etat) c’est-à-dire en fin de compte à une démocratie véritable . Comme on disait ! C’est à dire co-construite comme on le dit aujourd’hui !
4/ Impossible de se cantonner à l’échelle nationale : l’échelon européen est consubstantiel de ce processus et c’ est possible (on l’a réalisé à Marseille au niveau associatif-social avec nos homologues à Rome à l’automne dernier) de réaliser au Parlement de Strasbourg une coopération européenne similaire avec appel européen ,comités locaux et par pays ,des assises européennes.
Gérard Perrier , Bouches du Rhône, 17 mai 2014.