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Billet de blog 13 février 2025

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Chasse aux pauvres : L’impact des politiques libérales sur la dignité humaine

Au Moyen Âge, on les appelait les chasse-gueux ou les chasse-coquins, aujourd'hui c'est le bureau de contrôle qui chasse les victimes du libéralisme.

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Il faut du courage et de l’abnégation pour traquer « les pauvres » comme on traque un lapin ! On peut comprendre que, dans le passé, les conducteurs de train ou de bus transportant des familles entières vers des camps de concentration ne connaissaient pas toujours la finalité tragique de leur travail. Or, pour ces contrôleurs, les chasse-gueux, leur mission est définie dans le poste qui consiste à harceler les victimes, les gueules cassées de la vie, en les poussant encore plus profondément dans le désespoir et la misère, en les privant du sous-minimum de survie, afin de faire des économies. Les 14 000 suicides dus au chômage sont leurs petites victoires.
Il y a, sans doute, une douce nostalgie entre l’Inquisition, la Stasi et plus certainement la Gleichschaltung, la « mise au pas » du parti nazi. « Nous faisons notre travail », comme les 5 288 Allemands jugés à Nuremberg « pour avoir fait leur travail ». Pendant ce temps, les fonctionnaires français qui ont participé à l’épuration ont échappé à tout jugement. Ils auraient majoritairement été condamnés, mais la reconstruction devait se faire rapidement. Que pouvons-nous attendre d’un rustre qui, après un simple concours d’entrée, sans formation psychologique adéquate, et dans un environnement où personne ne lui demande d’avoir un niveau de bienveillance ou d’empathie ? On peut penser qu’une once de ces qualités serait inappropriée, voire rédhibitoire, dans ce type de « job ».
Les génies de l’innovation puisent leurs idées, d’une part chez les nazis avec les bureau de contrôle la Gleichschaltung, la « mise au pas », d’autre part chez les britanniques du XIXéme siècle avec la loi sur l’oppression sociale, The New Poor Law de 1834, officiellement appelée Poor Law Amendment Act, qui est une réforme majeure du système d’aide aux pauvres en Angleterre et au pays de Galles, adoptée pour remplacer les anciennes lois sur les pauvres qui remontaient aux années 1600.

Avant 1834, les paroisses fournissaient une aide extérieure (outdoor relief) aux travailleurs pauvres, souvent sous forme d’aides financières ou alimentaires. Cette aide leur permettait de subvenir à leurs besoins en période de difficultés, comme les mauvaises récoltes, les maladies, ou le chômage.
Suppression de l’aide extérieure : La New Poor Law limitait drastiquement cette aide pour les personnes jugées « valide au travail », forçant les travailleurs pauvres à se tourner vers les workhouses (maisons de travail) pour recevoir un soutien. Cela a mis une pression énorme sur les travailleurs, car ils ne pouvaient plus compter sur une aide accessible et humaine en cas de crise. L’Objectif était de dissuader les demandes d’aide sociale. Ces conditions étaient délibérées pour encourager les travailleurs pauvres à accepter n’importe quel travail, même sous-payé, plutôt que de dépendre de l’aide publique. En l’absence de véritables politiques pour soutenir l’emploi ou pour requalifier les travailleurs, la New Poor Law n’a offert aucune solution durable, se contentant de punir la pauvreté.
La New Poor Law reposait sur une distinction stricte entre les « pauvres méritants » (malades, âgés, handicapés) et les « pauvres non méritants » (les personnes valides jugées capables de travailler). Cette distinction a eu des conséquences graves, les travailleurs pauvres, même ceux qui étaient dans des situations précaires non volontaires, étaient perçus comme des fainéants ou des abusifs du système d’aide.

La loi a institutionnalisé une culture de méfiance envers les pauvres, renforçant leur marginalisation et leur humiliation sociale.
L‘impact psychologique et social des travailleurs confrontés à la New Poor Law subissaient un sentiment de honte, demander de l’aide signifiait admettre un échec perçu comme personnel, même si les causes étaient souvent structurelles (chômage, bas salaires).
Une perte de dignité : La vie dans les workhouses ou la nécessité de quémander de l’aide brisait l’estime de soi des travailleurs pauvres.
La New Poor Law a suscité une vague de protestations dans plusieurs régions industrielles : Les travailleurs voyaient la loi comme une trahison de l’État, qui semblait protéger les riches employeurs et sanctionner les pauvres. Des manifestations et des émeutes ont éclaté dans des régions comme le nord de l’Angleterre, où la pauvreté était particulièrement répandue. Certains réformateurs sociaux ont dénoncé la cruauté de la loi, arguant qu’elle ne s’attaquait pas aux causes profondes de la pauvreté (chômage, inégalités économiques), mais se contentait de punir ses symptômes. La New Poor Law a été pensée dans une logique de réduction des coûts pour l’État et de responsabilisation individuelle. En rendant l’aide sociale difficile d’accès et humiliante, la loi a permis d’économiser de l’argent au détriment des plus vulnérables. Les employeurs pouvaient maintenir une main-d’œuvre flexible et bon marché, sans avoir à s’inquiéter d’un système d’aide qui pourrait les concurrencer.
La New Poor Law de 1834 a été une loi sévère pour les travailleurs, car elle les a placés dans une position de vulnérabilité extrême face aux fluctuations économiques et aux abus des employeurs. Plutôt que de les soutenir, elle a cherché à les discipliner et à les contrôler, en instituant des mécanismes punitifs et humiliants. Comme en 1834, le concept de la réforme du revenu de solidarité active est de stigmatiser les pauvres. Les bénéficiaires de minimas sociaux, comme le revenu de solidarité active, subissent des contrôles massifs et profondément intrusifs : croisements de données fiscales, vérifications des relevés bancaires, visites à domicile, un traitement discriminatoire que l’on peut qualifier de racisme anti-pauvres. Ces procédures humiliantes et absurdes par leur ampleur touchent plus de 50 % des allocataires, alors que les cas de fraude avérée concernent moins de 1 % d’entre eux, on peut estimer que le bureau de contrôle avec ces six agents coûte plus cher que ce qu’il rapporte en chassant les fraudeurs. Imaginez le même bureau traquant les 100 milliards de l’évasion fiscale et les 120 milliards de la corruption!

Dans le journal lemonde Isabelle Rey-Lefebvre raconte l’histoire tragique de Rhita Hardy, une femme de 58 ans qui subissait des contrôles incessants de la CAF. Dans une lettre adressée au Conseil départemental du Puy-de-Dôme et à la CAF le 14 décembre 2019, elle dénonçait un « calvaire administratif » qui l’épuisait et la poussait au désespoir. Neuf jours après, elle s’est suicidée en se pendant dans une forêt proche de chez elle. Ce drame met en lumière la pression et le harcèlement subis par de nombreux allocataires du RSA, qui, bien que n’allant pas toujours à une telle extrémité, vivent des situations éprouvantes. Les allocataires du RSA sont parmi les plus contrôlés, avec un système automatisé effectuant 28 millions de vérifications pour seulement 2 millions de bénéficiaires en 2019. Cette logique de contrôle massif s’apparente à un acharnement, visant plus l’efficacité administrative que la justice sociale. Les contrôleurs de la CAF perçoivent des primes!
En définitive, la maltraitance administrative se distingue par son caractère légal mais néfaste, laissant les usagers dans une position d’impuissance face à un système difficilement contestable.(MA)
La “ mise au pas”, froide, violente et aveugle, arrange bien les autorités, qui ainsi se déchargent de leurs responsabilités. La victime n’a pas les moyens de se défendre ou de lutter ; seul et désemparé, il doit subir et se soumettre à l’injustice, au harcèlement et au mépris, que l’on soit pauvre, réfugié climatique ou de guerre, peu importe…
Le Moyen Âge tardif introduit également la notion d’hôpitaux comme institutions destinées à isoler les pauvres et les exclure de la rue. Ces institutions, tout en ayant une vocation charitable, visent à rééduquer les pauvres et à les séparer du reste de la population. En parallèle, la métaphore animale est utilisée pour décrire les pauvres : comparés à des chiens ou des bêtes sauvages, ils symbolisent l’inachèvement moral et social. Au XVIe siècle, la stigmatisation des pauvres s’intensifie avec leur exclusion croissante, un phénomène qui persiste jusqu’à aujourd’hui. L’idée selon laquelle les pauvres ne méritent pas d’être riches, analysée par Thomas Piketty, découle d’une vision ancienne de leur indignité. 
La guerre contre les pauvres : une politique de contrôle et d'humiliation.
En France, il n'y a pas véritablement de lutte contre la pauvreté, mais bien une guerre contre les pauvres. La CAF est le fer de lance du flicage des victimes. Une politique qui semble n’avoir qu’un seul objectif : marginaliser, humilier et détruire les plus vulnérables. Ce n’est plus un combat pour l’égalité sociale, mais une course effrénée pour maintenir les inégalités et garantir le triomphe du libéralisme sauvage. Les victimes de cette politique sont les oubliés du système : les chômeurs, les précaires, les travailleurs pauvres vivant avec sous les seuil de pauvreté (moins de 1000€) sont 5.1 millions en 2024, Il y a 4.36 millions d'allocataires qui perçoivent le minima, handicap, allocation solidarité spécifique, vieillesse, et 1.8 million perçoit la moitié du seuil minimum pour survivre soit 530€.
Pourtant, au lieu de les soutenir, de leur offrir des solutions dignes, l’État leur impose une violence administrative constante. Des contrôles sans fin, des démarches bureaucratiques impossibles, des délais sans fin pour des aides vitales. Tout est fait pour les accabler, les culpabiliser et les forcer à se conformer à un système qui les écrase.Chaque jour, ce sont des familles qui se retrouvent dans l’impasse, des individus qui se battent pour leur survie, des enfants qui grandissent dans la précarité. Mais pour le gouvernement, ces réalités sont invisibles, balayées sous le tapis de la rentabilité économique et du marché. Le message est clair : si tu n’as pas de place dans ce système, tu n’as aucune valeur. Il ne s’agit plus de politiques sociales, mais d’un contrôle social brut, d’une stratégie d'humiliation systématique, où les pauvres sont réduits à des chiffres, à des cases à cocher dans un tableau statistique. Au lieu d’offrir des solutions, le pouvoir installe des pièges administratifs et des humiliations quotidiennes qui exacerbent la souffrance et la stigmatisation. C’est ainsi que l’État impose sa "neutralité" en rejetant toute responsabilité face à la souffrance sociale. Au lieu de lutter contre la pauvreté, il la criminalise, avec des politiques qui maintiennent l’ordre économique au détriment de l’humain. Une guerre contre les plus fragiles, où la misère est non seulement subie, mais aussi punie.
L'article complet
Six changements d’orientation majeurs sont nécessaires pour remettre l’humain et le droit au coeur de l’action des CAF

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