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Billet de blog 2 septembre 2015

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Dans les quartiers, tout le monde ne se sent pas Charlie

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Un article rédigé en janvier 2015 mais malheureusement touours d'actualité...

- Eléments d’analyse et de préconisation -

Le 11 janvier dernier a eu lieu la plus grande manifestation en France depuis 1945. Si ce qu’on a considéré comme un sursaut républicain a été vécu comme une réponse collective extraordinaire face à la barbarie, il est à noter que de nombreux citoyens et jeunes affirmaient également ne pas être Charlie que ce soit sur les réseaux sociaux ou pendant la minute de silence dans les sites scolaires. Certains ont revendiqués également être Coulibaly. Comment peut-on analyser ces réactions ou l’absence de réaction ?

Outre le fait que Charlie Hebdo est considéré par certaines communautés comme étant blasphémateur, on note également que toute une population se sent avant tout discriminée par la République et ne se projetait pas dans un mouvement collectif et républicain. Certains parlent d’apartheid. Derrière le mot sciemment provocateur, on peut à minima parler d’ « oubliés » de la République.

Nous parlons ici de ceux qui ne participent pas à l’Agora, au débat public. Nous parlons ici de ceux à qui on ne donne pas la parole. Nous parlons ici de ceux qui ont des difficultés à s’exprimer, qui peuvent être intimidés, qui n’ont pas les codes. Nous parlons également ici de ceux qui quand ils ont pu avoir la parole, cette dernière n’a pas été entendue, écoutée ou suivie d’effets. Et c’est finalement dans les quartiers, mais pas seulement.

Ceci révèle une faille dans notre système démocratique. Prenons une métaphore pour l’illustrer. Imaginons que la démocratie soit un bus. Dans la démocratie élective, la question qui se pose est « qui va conduire le bus ? ». Les voyageurs élisent donc celui qui va conduire selon le parcours qu’il propose. Une fois élu, le chauffeur conduira le bus le temps de sa mandature, respectant en tout ou partie le parcours annoncé. En démocratie participative, le chauffeur élu interroge en cours de mandature les voyageurs. Le problème est que ce sont souvent seulement ceux qui sont à l’avant du bus qui entendent la question et qui répondent. Et les questions sont plutôt « que voulez vous comme station de radio ? » que « dans quelle direction souhaitez vous aller ? ». Reste une troisième option qui est la démocratie d’interpellation. Dans ce cas de figure, tout l’enjeu est de permettre aux voyageurs d’interpeller le chauffeur pour exprimer une volonté collective autour d’un itinéraire choisi[1].

La faillite démocratique que nous vivons aujourd’hui se révèle par un taux d’abstention grandissant. Elle se révèle également par la montée dans les urnes d’un vote populiste. Le 21 avril 2002 avec la présence au second tour du candidat du Front National a été un signal envoyé par les électeurs et les abstentionnistes. La classe politique et les pouvoirs publics n’ont manifestement pas entendu ce message.

Un des enjeux qui se cache derrière la question est celle du pouvoir. Celui ou celle qui détient le pouvoir a la possibilité de changer les choses. Mais écoute-t-il tous les citoyens ? Ecoute-t-il les intérêts divergents pour les intégrer dans son analyse ? L’enjeu est donc de rendre égalitaire l’accès à la régulation d’intérêts divergents.

C’est le rôle de l’animation et de l’Education Populaire. Cela suppose de développer de l’esprit critique. Cela suppose de permettre les conditions de l’action collective. Cela suppose de développer la capacité à s’exprimer, à construire un message, à identifier les acteurs, à développer une stratégie pour construire un rapport de force.

Nous sommes dans une société où il y a une asymétrie du pouvoir. Les méthodes du community organizing (une branche de l’empowerment incarnée par Saul ALINSKI) permettent de dépasser les démarches de l’Education Populaire qui en France se sont essentiellement recentrées sur l’émancipation individuelle (accès à la culture, développement de l’esprit critique), en délaissant son complément nécessaire qu’est la notion de rapport de force, productrice de transformation sociale.

Un des enjeux aujourd’hui est donc de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas pour leur permettre de s’imposer dans le débat public et d’exprimer leurs intérêts en vue de construire des compromis générateurs d’intérêt général. Contrairement aux idées reçus le community organizing est profondément réformiste. Il a vocation à permettre à des communautés d’intérêt ou d’appartenance à construire une démarche leur permettant de construire une négociation gagnable en vue d‘obtenir un compromis.


[1] Pour aller plus loin : Rapport « Pour une réforme radicale de la politique de la ville » de Mohamed Mechmach et Marie-Hélène Bacqué http://www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-participation-habitants.pdf

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