On nous dit toujours qu’il faut suivre le modèle allemand... Chiche ! Alors faisons comme l’Allemagne pour la petite enfance. Et face à la directive européenne TRAVEL qui met en difficultés les associations organisatrices de séjours, requalifions les colonies de vacances en SIEG (Services d’Intérêt Économique Général).
Cette requalification juridique serait une prise de position politique qui permettrait d’affirmer que les colonies de vacances sont d’intérêt général et ne relèveraient pas de la concurrence et du code du tourisme.
Nous en appelons à l’arbitrage, avant le 1er juillet, du Ministre de l’Education qui dit vouloir soutenir le secteur des colos.
La fin des colos à cause d’une directive européenne ?
La directive n°2015/2302 du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage, dite directive “Travel” a, été transposée en droit français par ordonnance le 20 décembre 2017 pour une entrée en vigueur au 01/07/2018. Celle-ci vise à protéger les consommateurs de voyages touristiques contre un certain nombre de risques.
Si la transposition de celle-ci en droit français au 31 décembre 2017 a bien respecté dans les délais, nombre d’acteurs du champ de l’animation et de l’éducation l’ont découverte à postériori. Ils ont découvert que cette transposition s’applique également aux accueils collectifs de mineurs et aux classes de découvertes, pour aller bien au-delà des activités de tourisme. Cette opération s’est déroulée sans une réelle concertation des acteurs du champ, dans une urgence apparente mais en toute discrétion.
Cette transposition de la directive oblige chaque organisateur à déposer un pourcentage de son chiffre d’affaire (10%) dans un fonds de garantie. Dans l’état actuel, seuls les très gros organisateurs sont en capacité de déposer une telle somme. Il risque donc d’y avoir une concentration du nombre d’acteurs, et une limitation de la création de nouveaux organisateurs. La qualité éducative sera-t-elle au rendez-vous ?
Accepter que la transposition de la directive “Travel” proposée par la Direction Générale des Entreprises s’applique aux colonies de vacances, revient simplement à accepter la fermeture des deux tiers des associations qui organisent des séjours à des fins non commerciales.
Une absence de compromis par méconnaissance du droit européen ?
Depuis de nombreuses années, le secteur des colos bénéficie d’un régime d’exemption sur de nombreux aspects sur le plan juridique. Selon nos sources, le gouvernement s’apprêterait à poursuivre cette ligne. Ainsi l’ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 pourrait évoluer et les colos y déroger. Pour le Syndicat de l'Education Populaire (SEP UNSA), c’est une erreur qui mettrait en danger le secteur. En effet, si un opérateur de tourisme venait à attaquer en justice pour concurrence déloyale, on ne sait pas ce que le juge pourrait décider. Cela pourrait mettre encore plus en difficulté les associations.
Le SEP UNSA défend la reconnaissance du secteur des colonies de vacance en Services d’Intérêt Economique Général (SIEG). Car les colonies de vacances relèvent de l’intérêt général et nombre d’entre elles bénéficient de subventions et autres aides publiques pour permettre à un plus grand nombre d’enfants d’avoir droit à des vacances.
Mais qui comprend ce qu'est un SIEG au regard du droit européen? Dans la culture juridique européenne, le service public en tant que tel n’existe pas à l’échelon européen. Le service public n’est qu’une « exception » du marché. Et les avancées juridiques ne se sont faites que sous forme de droit négatif sans définir clairement ce dernier. Le paquet Almunia1 a cadré les choses en 2011. Je siégeais à l’intergroupe service public au Parlement européen à cette période au titre de l'UNSA et j'ai donc pu suivre ces travaux portés par la Présidente de l'Intergroupe Françoise CASTEX. Le secteur des colos requalifiés en SIEG (et permettant le financement public sous forme de compensations d’obligations de service public comme prévu par les 4 critères cumulatifs de l’Arrêt Altmark2 ), permettrait de sortir les colos du secteur couvert la directive TRAVEL et donc des modifications du code du tourisme qui vont toucher les organisateurs au 1er juillet 2018.
Nous préconisons un texte de portée législative faisant office de mandatement pour sécuriser le secteur. Ce dernier devra mentionner : «Au regard de la décision 2012/21/UE de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général, Journal officiel de l’Union européenne, 11 janvier 2012 (article 2 1. c, p. 5), le secteur des colonies de vacances est qualifié de SIEG relevant d’aides d’État sous forme de compensations d’obligation de service public. Les organismes pouvant bénéficier des dites ressources ci-dessus doivent impérativement être des organismes à but non lucratifs. Sur la base des critères ci-dessus, des arrêtés préfectoraux listeront les organismes ayant vocation à pouvoir bénéficier de ces aides d’État sous forme de compensations de service public».
Tout est entre les mains du Ministre Blanquer
Le Ministre de l’Education Nationale a fait part de sa volonté de soutenir le secteur des colonies de vacances. Mais nous observons du côté de l’administration par méconnaissance du dossier ou par idéologie, qu’ils ne souhaitent pas suivre cette option de la requalification. Monsieur Blanquer a suffisamment répété qu’il était un pragmatique. Nous en appelons à son arbitrage pour soutenir et sécuriser ce secteur qui à compter du 1er juillet pourrait être en très grande difficulté.
Patrice WEISHEIMER
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AVANTAGES DES COLOS REQUALIFIÉES EN SIEG
1) Cela permet de reconnaître les Colonies de vacances organisées par le secteur associatif comme étant juridiquement d’intérêt général et ainsi de bénéficier de financement public (sortie de l’exception juridique pré-existante)
2) Ceci permettra de sortir le secteur des colonies de vacances, de la logique de la directive TRAVEL; à savoir une concurrence avec le secteur privé marchand du secteur du tourisme.
3) Ceci facilitera le travail à la puissance publique quel que soit son échelon pour financer des associations organisant des colonies de vacances par des mandatements et sans avoir à passer par des procédures de marché public s’ils le souhaitent (diminution de 20% des coûts liés à la lourdeur de la procédure),
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1 DÉCISION DE LA COMMISSION du 20 décembre 2011 relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général
2ARRÊT DE LA COUR du 24 juillet 2003 dans l'affaire C-280/00 (demande de décision préjudicielle du Bundesverwaltungsgericht): Altmark Trans GmbH, Regierungspräsidium Magdeburg contre Nahverkehrsgesellschaft Altmark GmbH. («Règlement (CEE) no 1191/69 — Exploitation de services réguliers de transports urbains, suburbains et régionaux — Subventions publiques — Notion d'aide d'État — Compensation représentant la contrepartie d'obligations de service public»)