38 témoins est peut-être le film de Lucas Belvaux le plus simple. Ou plutôt le plus dépouillé. De toute dimension spectaculaire.
L’intéresse la mécanique. Le mouvement de la pensée. Pour cela – les conséquences pour 38 témoins d’un faits divers, d’un crime, auxquels ils ont assisté sans le voir, ni l’entendre – les personnages principaux ont besoin d’une assise documentaire, ici, la ville et le métier d’Yvan Attal, pour entrer dans les faits. Dans le vif du sujet. Pas tant les faits que les actes. Ce qu’on peut juger.
Capitaine de bateaux, le port du Havre, Yvan Attal n’a pas entendu les cris cette nuit là. Sa compagne, Sophie Quinton entre dans le film, comme nous, au début, après le crime. Lucas Belvaux nous assigne, d’entrée une place depuis laquelle nous assistons, libres, à la reconstitution des faits. Un endroit politique : nous faisons un trajet jusqu’à la dernière séquence de reconstitution, à laquelle nous assistons, en toute conscience, aux côtés de Sophie Quinton.
Campé au Havre, le film s’attache vite aux visages, aux faits, aux doutes, aux plans serrés. Aux tourments. Puisqu’Yvan Attal a entendu, les autres aussi. Selon quel procédé 38 personnes, c’est à dire une société, se taisent ?
D’une entrée documentée, disons incarnée, la mise en scène va peu à peu se resserrer sur les visages pour tenter d’appréhender l’action cérébrale d’un homme qui s’éveille à ses responsabilités : assumer qu’il a entendu et qu’il n’a rien fait.
Pour pouvoir être jugé. Et appartenir à l’humanité.
Dessous un entretien avec le cinéaste, en trois parties, enregistré pendant un atelier ACRIF, avec les salles de cinéma.