Que ce soit dans notre rapport à la situation climatique et environnementale, ou dans l’essor du phénomène de la post-vérité et des «fake news», ou encore plus généralement à travers ce sentiment de complexification et d’accélération du monde qu’on peut ressentir parfois, il y a comme un flottement, un décalage, comme si notre rapport à la réalité était altéré, comme si nous étions entre deux mondes, ou dans un monde insensé, où le sens est aussi délaissé, par nos actions concrètes, que recherché, par notre cerveau en manque.
Est-ce une simple impression ? N’en a-t-il pas toujours été ainsi ? Pourquoi le sens serait-il en décrépitude, et surtout, pourquoi maintenant ? La société contemporaine évolue, vite, et il n’est pas déraisonnable de s’employer à penser ce processus, de s’efforcer de comprendre, sans trop se laisser distancer, comment et vers quoi cette évolution nous mène, nous conditionne, nous construit. Penser la réalité paraît nécessaire, ne serait-ce que pour identifier ce qui pourrait nous en éloigner. Il ne s’agit pas tant de retrouver un contrôle sur notre destin commun que de construire notre humanité.
La réalité, notion aussi évidente qu’inaccessible, peut être approchée par les faits, symboles d’objectivité cependant limités car partiels, puis au travers de l’interprétation qu’ils permettent. La réalité s’appréhende par les expériences que l’on vit et la signification que l’on construit, créant ainsi, par la multiplicité des traductions subjectives, un sens commun. Il n’y a qu’une seule réalité, dont les nuances sont infinies ; personne n’est en mesure de l’appréhender intégralement, tout le monde la ressent différemment, et les manières de l’interpréter sont multiples.
La motivation de ce texte n’est pas de commenter l’actualité, de donner une vision des choses, une opinion, c’est d’écrire pour comprendre, rationaliser, à travers ma condition, ma subjectivité, le monde dans lequel on vit. Cette rationalisation qu’il s’agira ensuite, en fonction de l’éclairage qu’elle apportera et des constats qu’elle dégagera, d’incarner, de rendre concrète et vivante.
Perte de sens
La fin des transcendances
La société actuelle semble connaître une crise de sens souterraine. Par crise de sens j’entends qu’il y a existence d’un malaise personnel, une instabilité psychique qui nous rappelle à l’ordre régulièrement, lié à un sentiment de solitude face à la vie, comme si on était perdu dans ses méandres et dans les significations qu’on y recherche. Est-ce, comme certains l’avancent, parce que l’on n’a jamais été aussi libres ? Ou est-ce sinon parce que l’on n’a jamais été aussi encastrés dans un système insensé qui nous dépasse ? Il semble effectivement que notre époque à ceci d’inédit qu’elle marque la fin des transcendances classiques symétriquement à l’essor d’un individu prétendument libre de se déterminer et d’agir, en tout cas absolument responsable. «Il y a un recul des visées universelles, au-delà de la seule religiosité : « Le savoir, le pouvoir, le travail, l’armée, la famille, l’Église, les partis, etc. ont globalement cessé de fonctionner comme des principes absolus et intangibles, à des degrés différents plus personne n’y croit, plus personne n’y investit quoi que ce soit. Cette sortie des transcendances qu’on ne peut que constater, explique et annonce le culte de l’individu qui en découle. Si rien ne peut plus déterminer le sujet, si rien ne peut plus lui indiquer le chemin à suivre, c’est bien en lui-même seul qu’il trouve la justification de son existence.» [1] Cela pourrait être interprété comme un signal positif : comme un retour à la réalité, comme une remise en question existentielle, comme une réflexion ontologique indispensable et libératrice, comme une occasion d’investir cette liberté personnelle pour s’auto et s’entre-déterminer collectivement. Mais cela ne semble être pour le moment qu’une expérience subie et esquivée, autant par ses effets, éludés, que par ses causes, invisibilisées, délimitant un horizon indépassable dès lors qu’on fuit le réel en s’occupant, pour s’occuper. L’être humain auparavant sur-déterminé est maintenant indéterminé dans un monde devenu inaccessible. Comme s’il fallait choisir entre la liberté personnelle et l’autonomie collective.
Le collectif introuvable
On parle souvent de l’individualisation de notre société mais réalise-t-on vraiment ce que cela signifie, quelles formes cela peut prendre au quotidien ? On peut commencer par noter la disparition effective du collectif. Pensons-y : où retrouve-t-on du collectif, au sens d’une implication partagée autour d’un projet commun créant une émulation collective, une appartenance profonde, durable, la sensation de faire partie d’un groupe, d’un tout, de quelque chose qui nous rassemble, nous dépasse et nous prolonge ? Au travail ? On peut en douter quand les projets, voire les tâches, s’enchaînent sans forcément nous en délivrer le sens, qu’il n’y a plus d’équipes mais des ressources à utiliser. Dans les associations ? Possible mais ce n’est bien souvent qu’un « à côté » de la « vie professionnelle », où le temps manque cruellement. Dans les sports collectifs ? Sans doute, mais vers quelle fin sinon celle de gagner, de jouer ou de participer ? Il semble que les occasions sont rares de vivre une expérience collective, de ressentir cette vitalité puissante qui est celle de faire partie d’une équipe soudée, tenace et portée vers une fin qui fait sens. Ce n’est pas étonnant : plus une société est liquide, flexible selon l’idiome en vigueur, plus l’on s’éloigne des liens réciproques et inévitablement responsables qui se créent naturellement en communauté, plus les liens deviennent eux aussi liquides, fragiles, fonctionnels. Or, le sens créé collectivement, comparé au sens créé personnellement, nous intègre dans un ensemble, dans une réalité partagée, plus solide, immanente. L’oblitération de nos expériences collectives entraîne inévitablement une fragmentation de notre réalité commune.
Le progrès en question
Après avoir abordé la notion de sens à l’échelle de l’individu puis à celle du collectif, intéressons-nous maintenant au sens tel qu’il prend forme à l’échelle de la civilisation. A travers les idées de croissance, d’émancipation et d’innovation, c’est bien à un progrès sur lequel s’appuient tous les idéaux forgeant le socle de notre monde commun, le sens de notre histoire et la boussole de nos politiques. Rassurant, ce progrès prétendument continu, sinon linéaire, semble pourtant remis en question sur tous les fronts. A commencer par le plus visible d’entre tous, détonant, et malgré tout encore non-acté : la croissance. Elle est en effet remise en question non seulement par la montée en puissance de l’écologie politique mais aussi par l’essoufflement structurel qu’elle traverse depuis plus de vingt ans. C’est bel et bien la financiarisation de l’économie (inflation + dette publique + dette privée) qui a permis de compenser la faible croissance, le contrat social qu’elle soutient ainsi que les intérêts capitalistes qu’elle permet d’assouvir, comme le montre très bien le sociologue Wolfgang Streeck dans son livre Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique. [2] Jusqu’à quand ? C’est aussi la démocratie et l’idéal d’émancipation qui est en peine, à travers le creusement abyssal des inégalités, la crise de la représentation politique, l’essor des populismes, ainsi que dans le développement des technologies du contrôle et de la surveillance : « Le capitalisme de surveillance sape la démocratie en érodant la confiance. […] Quand nos techniques autoritaires auront consolidé leur pouvoir, avec leurs nouvelles formes de contrôle de masse, leurs panoplies de tranquillisants, de sédatifs et d’aphrodisiaques, la démocratie sous quelle forme que ce soit pourra t’elle survivre ? » s’interroge Olivier Tesquet [3]. Enfin, la technique elle-même ne permet plus d’incarner cet espoir dans l’avenir. Devant l’accélération inouïe des (r)évolutions numériques en particulier, la réaction des citoyens diverge entre le principe de précaution et l’acceptation sans réserve, mais le récit d’un monde meilleur grâce à la technique n’est plus d’actualité. Comme si la technique elle-même avait atteint son seuil de contre-productivité. Est-il besoin de rappeler qu’une technique n’est pas neutre, qu’elle n’est pas un simple outil qui peut être utilisé à bon ou à mauvais escient, mais qu’elle porte en elle une substance qui forge le cadre de notre société et de nos propres subjectivités. « Plutôt que de se demander si la fin justifie les moyens, se demander ce que le choix de ces moyens, par lui-même, tend à imposer. » [4] Il paraît alors présomptueux ou irresponsable de laisser le champ libre aux intérêts privés qui s’éloignent, à mesure de la richesse qu’ils accumulent, de l’intérêt commun. Qu’on ne s’étonne pas alors, comme le souligne Pierre Charbonnier dans son histoire politique des idées environnementales [5] que « Dès lors que le risque est induit par cela même qui devait l’exorciser, c’est à dire le développement par la technique et la science, c’est l’arrangement idéologique et ontologique de la modernité qui vacille. ». Si ce n’est la croissance, la démocratie ou la technique, que nous reste-t-il alors pour espérer ? Pour imaginer un futur (en)viable ?
Si on résume, le sens est en crise à tous les niveaux : de l’individuel, où il est esquivé, ou en tout cas compartimenté ; au collectif, quasiment inexistant ; jusqu’à la société, où il semble en perdition. Moins on est reliés, moins on a de prise sur le réel, plus il nous échappe. Nous devenons des îlots de réalité singulière, indépendants et coupés du monde. Il nous reste le sens du quotidien, de notre quotidien, le seul qui importe, dans lequel on retombe aussitôt après avoir visionné un documentaire angoissant sur le dérèglement climatique. C’est là une des formes les plus visibles de notre individualisation.
La réalité (mal)façonnée
Micropolitique et fabrique du consentement
Des intérêts convergent pour façonner une réalité parallèle, ou pire, une réalité écran qui chercherait à se substituer au réel. L’État s’efforce de faire passer des réformes qu’il juge importante tout en minimisant les réactions de la société. Et il peut arriver, pour des raisons comptables, machiavéliennes, idéologiques ou encore parce qu’il est sensible à des intérêts qui divergent de l’intérêt général, qu’il doive faire face à une contestation puissante du peuple. Auquel cas il cherchera à légitimer son action, souvent au détriment de la réalité, qu’il ne voudra ou qu’il ne pourra pas avouer et qu’il réinterprétera à son avantage. Et la démocratie, comme l’a montré Noam Chomsky avec ce qu’il a nommé la fabrique du consentement, n’y échappe pas, et doit même aller plus loin dans cette manipulation, en travaillant subrepticement les esprits plutôt que les corps, la signification plutôt que la matérialité. Depuis, l’idéologie néolibérale a colonisé les subjectivités autant que nos systèmes politiques, à travers toute une construction idéologique et de nouvelles techniques de gouvernementalité qui poussent encore davantage cette altération du sens : « Ce qui est nouveau, ce n’est pas l’art de manipuler le consentement, c’est la nécessité de sa fabrication à l’échelle industrielle, qui devra dorénavant être assumée par les démocraties modernes comme leur tâche politique principale. » [6]. On peut commencer par citer quelques exemples d’une véritable novlangue libérale, destinée à cacher, recouvrir voir inverser le sens des mots : on ne dit plus "plan de licenciement" mais "plan social", et encore mieux : "plan de sauvegarde de l'emploi", autant d’euphémisations de la réalité permettant d’invisibiliser la violence et la dureté des politiques néolibérales [7]. Autre exemple que nous décrit très bien Grégoire Chamayou dans la société ingouvernable [8] : la micropolitique, véritable technologie politique se basant sur une ingénierie sociale permettant de réorienter les choix individuels, « sa ruse (que l’on pourrait baptiser en hommage à Smith la manipulation invisible) : faire en sorte que des micro-choix individuels travaillent involontairement à faire advenir au détail un ordre social que la plupart des gens n’auraient sans doute pas choisi s’il leur avait été présenté en gros. » Par exemple : « Rien n’illustre mieux cette philosophie que les procédés qu’ils rangent sous l’étiquette de micro-incrémentalisme. Parmi eux, la méthode n°15, en finir avec les monopoles publics pour que s’épanouisse la concurrence. Dans ce cas de figure, on laisse l’offre publique intacte, tout en développant une alternative à ses côtés dans le secteur privé. On crée ainsi des circonstances où les gens ont un choix alternatif efficace. Pas besoin de dénationaliser d’un coup. » Jamais la manipulation n’a été aussi générale. Cela nous mène-t-il vers le succès définitif de l’idéologie néolibérale et de l’économicisation de nos vies ou alors vers une montée des tensions attisées par la société qui se défend ? En n’écoutant pas les tensions monter, les revendications populaires se généraliser, en utilisant des éléments de langages, des astuces micropolitiques, en manipulant la réalité, les gouvernants produisent des effets profonds, la réalité restant ancrée en nous, dans cette indignation qui monte.
Les marketeurs comme fabricants de réalités
La puissance publique n’est pas le seul acteur dans ce jeu de construction de la réalité, on peut même désormais affirmer qu’elle n’en est pas le plus puissant, étant supplantée par les multinationales, ces sociétés-États mondialisées dont la richesse et l’influence démesurées en font un fait politique total. En parallèle du terrain politique sur lequel elles déploient une armée de lobbys, elles cherchent à accroître leur influence en ciblant directement les individus au travers de nombreux vecteurs tels que le cinéma ou la publicité, par l’image, façonnant la réalité qui les arrange, et l’incrustant dans nos subjectivités. On ne s’étonnera pas alors que « Sylverster Stallone a accepté un contrat à 500000 dollars garantissant qu’il fumerait dans cinq de ses films à venir (dont Rambo et Rocky). L’objectif consistait, comme l’ont écrit quelques spécialistes des manipulations, à associer le fait de fumer au pouvoir et à la force, plutôt qu’à la maladie et à la mort. » ou encore que « La firme Heineken qui a récemment déboursé 45 millions de dollars pour que James Bond remplace ses légendaires Martini par de la simple bière. » [9]. L’exemple de la cigarette est paradigmatique et pour cela instructif : comment, bien qu’elle n’existait tout simplement pas un siècle plus tôt, s’est elle si bien implantée dans la réalité ? Paradigmatique, car il faut déployer des trésors d’ingéniosité pour diffuser un produit foncièrement nocif à l’intérêt général mais aussi parce que l’histoire de la cigarette est originellement associée à la genèse des « relations publiques », comme l’explique lui-même son créateur et théoricien Edward Bernays dans son livre Propaganda [10]: « La ville de New York tient chaque année, à Pâques, une célèbre et très courue parade. Lors de celle de 1929, un groupe de jeunes femmes avaient caché des cigarettes sous leurs vêtements et, à un signal donné, elles les sortirent et les allumèrent devant des journalistes et des photographes qui avaient été prévenus que des suffragettes allaient faire un coup d'éclat. Dans les jours qui suivirent, l'événement était dans tous les journaux et sur toutes les lèvres. Les jeunes femmes expliquèrent que ce qu'elles allumaient ainsi, c'était des « flambeaux de la liberté » (torches of freedom). On devine sans mal qui avait donné le signal de cet allumage collectif de cigarettes et qui avait inventé ce slogan ; comme on devine aussi qu'il s'était agi à chaque fois de la même personne et que c'est encore elle qui avait alerté les médias. » La finalité étant de forger une nouvelle réalité, jusque dans notre propre cerveau : « Les fumeurs sont montrés sous un jour incroyablement favorable. Dans l’écrasante majorité des cas, ces gens sont beaux, intelligents, socialement dominants, cool, fun, audacieux, rebelles, virils (pour les hommes), sensuels (pour les femmes) etc. Et c’est là évidemment qu’interviennent les failles de notre mémoire. A force de coïncidences temporelles judicieuses, la vision du tabac se connecte à toutes sortes d’attributs positifs au sein des réseaux neuronaux ; et au bout du compte, quand le nœud « fumer » est sollicité par une image, c’est toute la toile des actions et représentations associés qui se trouve activée (cool, sexy, rebelle, viril, etc) au détriment du processus de prise de décision. »[9]
Et cela ne s’arrête pas là. Quand il ne s’agit pas seulement de créer un marché, quand les enjeux deviennent plus critiques, quand leur survie est menacée, après avoir essayé de manipuler la réalité, mais que celle-ci reste trop prégnante, ils s’efforcent alors de créer une réalité alternative, une réalité écran, comme le souligne Mark Alizart : « Les industriels du pétrole et du gaz, c’est-à-dire les pollueurs, et nos gouvernants (ce sont souvent les mêmes) ont été les premiers à s’informer sur le sujet. Donc, ils savaient », comme l’a dit Alexandria Ocasio-Cortez, et non seulement ils n’ont rien fait, mais ils ont investi des milliards pour que nous, nous ne sachions pas. Parler de crise, dans ce cas, équivaut à donner un blanc-seing à ces gens, à refuser de nommer l’ennemi, partant, à s’empêcher de le combattre. Plutôt que de crise, je suggère qu’il est plus utile de parler « d’affaire » (comme il y a eu l’affaire du sang contaminé), ou de délit comme il y a des délits d’initiés ; ou encore de « coup », donc, comme il y a des coups d’État. »[11] En s’appuyant sur les mots là encore, mais aussi et souvent sur des ressources scientifiques, en tout cas d’apparence, qui sèment le doute. Quand l’intérêt privé est souverain, que l’argent est la finalité suprême, comment s’étonner que, dès lors qu’ils accumulent une puissance inégalée, les intérêts privés aient une telle influence sur notre réalité commune ? Et il semblerait que plus leur source de profit est tendancieuse, plus les techniques employées sont manipulatrices. Les forces en vigueur dans la construction d’une réalité alternative n’ont jamais été si puissantes, si minutieuses et si globales.
La raison chahutée
L’essor de la post-vérité
Sujet majeur, que l’élection de Donald Trump a mis sous le feu des projecteurs : il semblerait que nous soyons entrés dans l’ère de la post-vérité. Sa campagne de 2016 était indubitablement truffée de contre-vérités, de réactions déraisonnables, de procédés rhétoriques aussi apparents que fallacieux. Son élection a visiblement acté le passage vers un nouveau monde où la vérité ne serait plus si importante. Tel a été le constat de la presse et des commentateurs en général, ne semblant pas voir, ou ne voulant pas voir que les électeurs, sans être complètement abrutis ou racistes, sont prêts à voter n’importe quoi pour changer les choses, pour remettre en question l’ensemble, le cadre dans lequel prend place la politique elle-même. Or, aucun parti ne présente ce programme. Ce n’est qu’une nouvelle expression, majeure cependant, de ce « moment populiste » que nous vivons. Ne serait-ce pas déjà une première manifestation de cette contre-réaction de la société face à la manipulation de la réalité par des intérêts prédateurs qui serait allés trop loin ? Les gens jettent la réalité écran, manipulée, avec la réalité tout court. Il n’empêche que ce phénomène de post-vérité, au-delà des acteurs qui l’incarnent, peut apporter un éclairage utile sur la période que nous traversons. Car ce n’est pas une simple abstraction de théoriciens, ses causes sont réelles et ses effets profonds, et si l’on peut penser que cela a toujours existé, on ne peut nier que l’échelle a changé. La post-vérité, "ce n'est pas que la vérité soit falsifiée ou contestée, mais qu'elle soit devenue secondaire" [12]. Il s’agit de comprendre pourquoi. Plusieurs éléments d’analyse se recouvrent, s’enchevêtrent et se croisent pour expliquer ce phénomène. Il résonne particulièrement avec une crise de confiance profonde envers les experts et les informations médiatiques et politiques en général. Mais il trouve aussi sa cause dans ce sentiment de complexification du monde, qui est à la fois un processus inévitable propre à l’évolution d’une société reposant sur la croissance, qui plus est en pleine révolution numérique débridée, mais qui sait aussi parfois être utilisé et mis à profit par des intérêts particuliers pour compliquer les analyses et cacher les intérêts sous-jacents. A l’ère d’internet, cela révèle aussi une saturation de la quantité d’informations auxquelles nous sommes soumis, qui combinées avec un sentiment d’accélération du temps, rend difficile voir impossible le développement d’une réflexion saine, ce qui fait dire à Harmut Rosa dans Aliénation et accélération : «En somme, il se pourrait bien que les mots, et même pire encore les arguments (voire la signification elle même) soient devenus trop lents pour la vitesse du monde de la modernité tardive.»[13] Devant l’énormité de la chose, accrochons-nous à ce conditionnel, car "Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez." [14] analysait Hannah Arendt, mais l’essor de l’individu souverain qui s’est manifesté depuis, sensible à son bien-être plutôt qu’à la raison ou au devoir, pourrait retourner sa conclusion : un tel peuple devient ingouvernable.
Les sciences et les technologies au service des intérêts privés
La raison n’est pas seulement reniée au sein du théâtre politique, elle l’est aussi et peut-être d’abord par les techniques et le discours scientifique quand elles sont au service ou en tout cas à l’initiative des intérêts privés. Un exemple intéressant, et dont il s’agit de prendre la mesure au plus vite car c’est en ce moment qu’ils infusent notre monde, et c’est demain qu’on apercevra leurs effets, sont les algorithmes. Les algorithmes qui nous enfoncent dans nos convictions sont des pourvoyeurs d’indignation facile. Les algorithmes qui organisent notre vie numérique, et auxquelles il devient illusoire d’échapper, se chargent de faire les choix à notre place et orientent nos perceptions selon des règles qu’on ignore pour amasser nos données et les monétiser. Non seulement ils cloisonnent les expériences, nous orientant vers ce qu’on semble déjà préférer, mais ils polarisent les opinions. C’est l’exact inverse de ce qu’est l’esprit critique, l’esprit ouvert, qui cherche à multiplier les sources d’informations, qui interroge les limites, qui recherche les contradictions, qui examine les désaccords, qui s’efforce de comprendre l’adversité, la différence, qui part à la découverte de l’autre, de sa condition qui lui est étrangère, de façon à comprendre, et créer du lien. Et que dire de cette industrie de captation de l’attention en plein essor ? S’appuyant là encore sur nos failles psychologiques, en un véritable « design de nos vulnérabilités » [15], chercheurs et ingénieurs redoublent d’efforts pour inventer des interfaces et des fonctionnalités dont l’unique objectif est de nous garder le plus longtemps captif. Le « scrolling infini », nous incitant à vouloir « tout voir », à ne rien manquer, créant même cette impression d’inachevé lorsque l’on part faire autre chose ; les notifications, nous rappelant à l’ordre à chaque message, à chaque news, par un badge rouge anodin et addictif, la lecture automatique, le bouton « like », le « est en train d’écrire » ne sont que les exemples les plus apparents de ces multiples pièges à attention qui sont aussi discrets que persuasifs [16]. Ainsi, nous passons plus de temps à scroller qu’à nous informer, et nous passons plus de temps à nous informer qu’à réfléchir. Or, sans réflexion, que devient l’opinion sinon celle du média auquel on aura accordé le plus d’attention ? Le citoyen est en voie de disparition : « la perte d'autonomie des individus et la dépossession de leur pouvoir de décision au profit d'une « gouvernance algorithmique » » [17] est engagé. En plus de manquer d’occasions de participer à la vie politique sinon par le vote, de n’avoir pas le temps de véritablement forger son opinion, les conditions d’accès à une information de qualité et un cadre propice au développement de l’esprit critique semblent eux-mêmes menacés. La démocratie n’est rien sans la raison du peuple, et la raison du peuple est une utopie quand tant de procédés l’oblitèrent. Il est urgent d’être technocritique, non pas pour lutter contre mais pour les faire nôtres : « Ce sont ceux qui s'interrogent sur les limites, qui se demandent à partir de quel seuil une technique leur échappe et comment reprendre la main sur les appareils qui les entourent. Ces réfractaires aux technologies asservissantes, ce sont eux qui ont le désir de maîtriser des outils conviviaux, à hauteur d'hommes » [18].
Le discours scientifique est aussi très utilisé pour biaiser les données et créer des faits alternatifs sur une nouvelle technologie ou un produit controversé, paralysant les débats en laissant planer le doute, fragilisant là encore le processus démocratique. Michel Desmurget [9], ayant étudié les pratiques des industries des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication) et notamment l’impact de tous ces dispositifs à écrans qui fleurissent dans notre quotidien, sur la santé, les relations humaines, la mémoire et la cognition, nous met en garde : « En pratique, il faut être particulièrement suspicieux vis à vis des études iconoclastes, qui contredisent des résultats solidement établis par des dizaines de travaux antérieurs. Ce genre de hiatus est inhérent aux outils mêmes de la recherche. Typiquement, la communauté scientifique considère qu’une différence entre deux groupes expérimentaux est statistiquement significative quand elle a moins de cinq chances sur cent de se produire par hasard. Autrement dit, toutes les cent études, vous en trouverez au moins cinq pour dire qu’il y a une différence même s’il n’y en a pas. De même dans l’autre sens, vous trouverez toujours quelques travaux pour affirmer qu’il n’y a pas d’effet quand il y en a un (même lorsque la méthodologie est irréprochable). Les médias et lobbyistes semblent particulièrement prompts à s’emparer de ces cas particuliers pour attiser les flammes du doute. » Seule la recherche publique peut analyser et dévoiler ces dévoiements scientifiques, si elle en a les moyens.
L’art de compartimenter
L’individu sait aussi très bien se jouer de la réalité, ses biais cognitifs notamment sont nombreux, mais à sa décharge : comment raisonner quand nous vivons dans plusieurs réalités dont les logiques sont contraires ? Coincés entre des injonctions contradictoires : économiques, démocratiques, écologiques, morales, submergés dans ces incitations qu’on nous inflige, nous sommes devenus maîtres, à corps défendant, dans l’art de compartimenter : entre notre vie économique et notre vie démocratique, la démocratie n’ayant pas encore atteint les portes de notre entreprises ; entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale ; entre ce qu’il faudrait faire, consommer, et ce qu’on fait concrètement. A force de s’adapter, de se connecter et de se déconnecter, comment savoir où se trouve la réalité ? Et quand nous ne compartimentons pas les univers, nous faisons abstraction. L’influence croissante de la pensée positive en est la matérialisation la plus visible. Comme toute idéologie, elle nous éloigne du réel, sans pour autant chercher du sens. Devant la nécessité d’y croire, coûte que coûte, dans un espoir de prophétie autoréalisatrice, ou tout simplement car c’est tout ce qu’il nous reste : elle empêche de se confronter à l’angoisse, aux risques, au réel. C’est un évitement, une façon de vivre hors-réalité. Ne voir que la moitié des choses, et forger sa perception comme tel, ce n’est rien de moins que de se scinder en deux, pathologiquement. C’est une fois encore l’apparence qui prime : faire croire qu’on maîtrise, faire croire qu’on est heureux, au détriment de l’être.
Le monde des affects
Alors que nous l’avons vu, le sens se cherche mais se trouve difficilement ; la construction de la réalité est plus que jamais un champ de bataille ; la raison peine à s’affirmer face à la complexité, à l’accélération du monde et aux intérêts manipulateurs ; les affects, ces émotions agissantes semblent combler le vide laissé par le sens et la raison dans notre rapport au monde. Cette évolution sensible de notre manière d’être n’est pas sans rapport avec l’emprise croissante des logiques capitalistes sur les structures de nos sociétés autant que sur nos subjectivités. Au-delà du phénomène d’individualisation que subissent les sociétés occidentales, c’est de l’émotionnalisation des individus dont il est question ici, mutation qui semble étroitement associée à la construction de l’individu en tant que consommateur comme l’a étudié Eva Illouz dans Les marchandises émotionnelles [19] « Plutôt que d’être une fausse strate qui serait artificiellement superposée à l’identité, la consommation travaille profondément les rapports sociaux, l’identité des individus et les émotions qu’ils éprouvent. » ; « Les professionnels du marketing, en conférant aux biens de consommation une signification émotionnelle, ont contribué à faire du consommateur une entité émotionnelle, transformant la consommation en acte émotionnel et légitimant la conception d’un consommateur guidé par les émotions. ». Giorgio Griziotti, auteur de Neurocapitalisme [20] arrive au même constat : « Il suffit de lire les slogans publicitaires : « happy meal » pour McDonald’s, « open happiness » pour Coca-Cola. La marchandisation, la vidéogamisation et disneysation du réel nous poussent vers l’état d’organisme simples, capables d’avoir un comportement sans y associer des processus mentaux ; des émotions mais pas de sentiments…Une société où les émotions sont si fortement et constamment provoquées, manipulées ou influencées dans une perspective obsédante de rationalité financière suscite des interrogations inquiétantes. » Bombardés d’annonces publicitaires, de messages subliminaux, d’injonctions à consommer pour se créer une identité, pour devenir ce qu’on nous fait désirer, pour créer des sensations ponctuelles de confort, de plaisir, de satisfaction, nous développons une dépendance à la consommation qui symétriquement risque d’aspirer notre authenticité et de se substituer au sens : « Dans les sociétés capitalistes contemporaines, l’individu est le point culminant du capital, en tant que machine de subjectivation. […] La subjectivité s’est déplacée vers un plan d’immanence radical où le sens n’est pas conféré par des significations collectives mais plutôt par des objets et des expériences esthétiques. » [19] C’est une véritable redistribution des priorités, des sensibilités qui s’opère : on fait passer l’émotion avant le sens. « La vie personnelle est désormais tournée vers la réalisation de projets émotionnels (vivre une histoire d’amour romantique, surmonter une dépression, trouver la paix intérieure, devenir compatissant). »[19] Cette émotionnalisation faisant en définitive du bien-être et du bonheur le centre de nos préoccupations, le seul sens qu’il nous reste à poursuivre, mais aussi le référentiel à partir duquel nos choix sont faits : « Le bonheur ne s’impose pas seulement comme une idéologie aussi inédite qu’envahissante et prompte à souligner la responsabilité de l’individu dans son mal-être ; il trace aussi les contours d’un nouveau régime moral soucieux de définir « ce qui est bon » et « ce qui est mauvais » pour chacun. »[19] Finalement, ce processus tend à accentuer le phénomène d’individualisation dont les implications relationnelles, sociétales et politiques sont nombreuses et profondes. On en discerne assez vite les conséquences négatives : cela risque d’enfermer les individus dans une bulle, les rendant insensibles aux événements extérieurs, aussi gravissimes qu’ils puissent être tant qu’ils ne touchent pas leur quotidien, tant qu’ils n’atteignent pas les frontières de leur bien-être. Les individus se retrouveraient alors dans une réalité parallèle : la leur. Mais peut-être parviendraient-ils à comprendre, à force d’ascenseurs émotionnels, que le bout de leur bien-être, dans ce cheminement initiatique vers l’individualisation absolu, c’est celui des autres ?
Un fois arrivés à ce constat, il nous reste cette interrogation : qu’est-ce qu’un monde d’affect ? Est-ce un monde stable, où les citoyens serait déconnectés, dépolitisés, passifs ? Centrés sur leur bonheur personnel, et non portés par l’engagement politique, la bataille des idées, la défense des droits humains, la lutte contre les injustices, qui requièrent un effort permanent, une motivation profonde, et dont la récompense est trop abstraite, trop lointaine, trop diffuse pour l’individu du bien-être ? Ou serait-ce au contraire un monde instable, ingérable, mené par les émotions, et au service des populismes, ces mouvements qui, en incarnant ces émotions, arriveront, pour le meilleur ou pour le pire, à canaliser cette énergie ? Dans tous les cas, la raison semble mise de côté, et cela n’augure rien de bon. Mais on peut être sûr d’une chose, si dépolitisation il y a, ses limites seront circonscrites à cette bulle de bien-être que les individus se seront forgée, jusqu’à ce qu’elle soit atteinte par les conséquences d’une politique quelconque ou d’un événement majeur, et alors, on ne peut prédire que l’éclatement, et/ou un retour brutal à la réalité. Ce monde des affects et une réalité en germe, mais dont les conséquences sont déjà palpables ne serait-ce que dans le renforcement et la dérive des pouvoirs, privés de contre-pouvoir. Et si seul un événement extraordinaire, touchant tout le monde, partout et tout le temps, tel le dérèglement climatique dans ses pires scénarios bien probables, pouvait compenser cette dépolitisation rampante, et nous sortir de notre hébétude ? Ou peut être, soyons optimistes, réussirons-nous à retrouver du sens, à le réinjecter en nous et partout, de façon à retrouver la réalité avant qu’elle ne nous rattrape. Paradoxalement, retrouver du sens créera aussi de l’affect, mais un affect raisonné tourné vers un sens commun.
Conclusion
Le sens est une relation à la réalité, l’affection est une réaction à la réalité. Cette perte de sens peut être interprétée comme une perte de lien supplémentaire, qui n’est plus seulement sociale, mais existentielle : avec la réalité même. C’est l’absurdité définitive à laquelle nous mène l’idéologie de l’être humain absolument autonome.
D'un monde de sens à un monde d'affects. C’est ce qu’illustre relativement bien le phénomène de la post-verité : les discours agissent sur les affects, peu importe le sens. La signification nécessite des qualités ainsi que des conditions particulières pour créer de l'affect, cela demande du temps, une démocratie saine, de l'éducation, de la rigueur morale, une éthique personnelle, un sens de la responsabilité et du rapport aux autres. Il est beaucoup plus facile de s'adresser directement aux émotions pour créer de l’affect. C'est la forme qui surpasse le fond. Au risque de s'éloigner de plus en plus du réel. Jusqu'à quand ? Espérons qu'un certain seuil d'écart entre la réalité et celle qu'on s'invente (ou qu’on nous présente) existe, ou nous laissons la main à un événement catastrophique pour nous y ramener, inévitablement.
N’en a-t’il pas toujours été ainsi ? N’est-ce pas se fourvoyer que de penser que les affects n’ont pas toujours submergés la raison ? Il est toujours délicat de répondre à ces questions. Ce phénomène a toujours existé, c’est certain, mais les moyens technologiques, la libéralisation du marché, la suprématie des intérêts privés, la globalisation et l’uniformisation du monde lui donne un impact global et synchrone. Ce n’est plus un cas particulier ou un cas isolé, c’est le (dys)fonctionnement même de nos sociétés qui le crée, l’incite, s’en nourrit, et démultiplie son effet. Inversement, la tendance individualiste crée une multitude de mondes, de sens non reliés, fragmentés et déconnectés les uns des autres, peinant donc à appréhender et à affecter la réalité dans son ensemble. C’est probablement cyclique : il faut un choc pour nous ramener à la raison, mais l’effondrement de civilisations antérieures nous montre qu’il est parfois trop tard [21], d’autant plus quand les moyens techniques actuels permettent de s’éloigner bien plus de la réalité, et des limites strictes qui la compose.
Ne perdons pas la réalité de vue ! Plus l’on s’en écarte et moins l’on a de prise sur le monde, sur notre vie, moins on éprouve de résonance [22] avec notre environnement, et plus le retour de bâton sera brutal et inattendu.
Que faire ?
Essayons enfin de discerner les pistes de solution, les lignes de fuites de cette réalité artificielle, les interstices à travers lesquels exister, résister, vers une réalité authentique et réinvestie.
Retrouver la réalité, c’est d’abord comprendre son langage : celui des nuances. C’est la pensée complexe si chère à Edgard Morin : « Distinguer sans disjoindre et associer sans identifier ou réduire » [23], c’est être disposé à voir les vérités des opinions contraires, c'est la capacité de lier et relier, pour défragmenter la réalité sans la simplifier.
Mais c’est aussi s’informer. S’informer pour ne pas s’enfermer. C’est la seule manière d’apercevoir la réalité dans tous ses recoins les plus éloignés de notre perception. L’information, en révélant les injustices quotidiennement dissimulées nous relie aux autres à travers le monde, et crée progressivement l’affect nécessaire à la mise en mouvement du corps social devenant politique.
Puis s’engager. C’est de fait une rigueur, entendue comme un attachement à la réalité des choses : s'obliger non seulement à regarder la réalité en face, mais aussi à en tirer les conséquences et la motivation de l'action. On a une opinion sur tout mais on ne la concrétise que rarement, on ne la rend pas substantielle. S’engager pour trouver un sens qui nous prolonge et nous dépasse.
Penser, s’informer, s’engager, tout cela pour tisser des liens, faire sens, et retrouver la réalité. Ce qui à l’échelle de la société n’est rien d’autre que de mettre en œuvre un fonctionnement véritablement démocratique, où toutes les différences sont représentées, échangent et partagent, où le pouvoir ne se délie pas du peuple. Le fonctionnement démocratique étant la première structure à atteindre, à restructurer, pour être en mesure d’affecter les structures économiques sus-jacentes, préalable à toute avancée significative sur les chantiers de l’écologie, de la surpuissance des multinationales ou de la suprématie des banques privées.
C’est enfin entrer en résonance avec ce qui nous entoure, dans un rapport particulier, attentionné, au monde.
REFERENCES
[1] Julia de Funés, Développement (im)personnel. Le succès d'une imposture. Éditions Observatoire, 18/09/2019 , 160p. , ISBN: 979-10-329-0609-5
[2] Wolfgang Streeck, Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique. Collection NRF Essais, Gallimard, 09-10-2014, 400p. ISBN : 9782070143597
[3] Olivier Tesquet, A la trace. Enquête sur les nouveaux territoires de la surveillance. Éditions Premier Parallèle, 09 janvier 2020, 256 p. ISBN : 9782850610196
[4] Gregoire Chamayou, Théorie du drone. La Fabrique, 14 avril 2013, 368 p., ISBN : 978-2-35872-047-2
[5] Pierre Charbonnier, Abondance et liberté, une histoire environnementale des idées politiques. La Découverte. Janvier 2020. 464p. ISBN : 9782348046780
[6] Barbara Stiegler. «Il faut s'adapter». Sur un nouvel impératif politique. Collection NRF Essais, Gallimard, 24-01-2019, 336p. ISBN : 9782072757495
[7] Clément Viktorovitch : on ne dit plus... mais on dit... - Clique – CANAL+ 5 mars 2020
[8] Grégoire Chamayou, La société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, Paris, La Fabrique, 2018, 326 p., ISBN : 978-2-35872-169-1.
[9] Michel Desmurget. La Fabrique du crétin digital. Les dangers des écrans pour nos enfants. Éditions Seuil. 29/08/2019, 432 pages, EAN 9782021423310
[10] Edward Bernays. Propaganda. Comment manipuler l'opinion en démocratie. Editions La découverte. Octobre 2007, 144p. ISBN : 9782355220012
[11] Entretien avec Mark Alizart par Johan Faerber 1 avril 2020. https://diacritik.com/2020/04/01/mark-alizart-le-climato-scepticisme-doit-se-comprendre-comme-un-fait-politique-non-comme-une-opinion-coup-detat-climatique/?fbclid=IwAR3g97NFiraYJgFiY7u0UYngscqhRDtNl3xIP-EnG06OsDI_uK45xZ04Gw4
[12] William Davies. The Age of Post-Truth Politics publié dans le New York Times le 24 aout 2016. https://www.nytimes.com/2016/08/24/opinion/campaign-stops/the-age-of-post-truth-politics.html
[13] Hartmut ROSA. Aliénation et accélération. Vers une théorie critique de la modernité tardive. Collection : La Découverte Poche / Sciences humaines et sociales n°406, mai 2014, 156p. ISBN : 9782707182067
[14] D'après un entretien télévisé d'octobre 1973 avec Roger Errera, propos tenus en anglais et transcrits par Andrew Brown dans la revue internationale "Newsletter Hannah Arendt" (Wehrhahn Verlag, 1999) puis dans "The Last Interview and Other Conversations", ouvrage publié par Melville House Publishing, à New York, en 2013.
[15] Hubert Guillaud. Design de nos vulnérabilités : la Silicon Valley est-elle à la recherche d’une conscience ? InternetActu.net. 09/11/2016. http://www.internetactu.net/2016/11/09/design-de-nos-vulnerabilites-la-silicon-valley-est-elle-a-la-recherche-dune-conscience
[16] Nir Eyal. Hooked, comment créer un produit ou un service qui ancre des habitudes. Eyrolles, 09/08/2018. 222 p.
[17] La technologisation de la vie : du mythe à la réalité par Anthony Laurent / Sciences Critiques. 1 mars 2018. https://sciences-critiques.fr/la-technologisation-de-la-vie-du-mythe-a-la-realite/ [18] Blaise Mao. Les ennemis de la machine. Usbek & Rica. 05/08/2016. https://usbeketrica.com/article/les-ennemis-de-la-machine
[19] Collectif dirigé par Eva Illouz. Les marchandises émotionnelles. L'authenticité au temps du capitalisme. Éditions Premier Parallèle, publié le 07 février 2019 424 p. ISBN papier : 979-10-94841-91-4
[20] Giorgio Griziotti. Neurocapitalisme Pouvoirs numériques et multitudes. C & F Éditions, juin 2018.
[21] Jared Diamond. Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie. [Collapse]. Première parution en 2006. Trad. de l'anglais (États-Unis) par Agnès Botz et Jean-Luc Fidel Collection Folio essais (n° 513), Gallimard. Parution : 26-02-2009
[22] Hartmut ROSA. Résonance. Une sociologie de la relation au monde. Éditions La découverte, septembre 2018, 544p. ISBN : 9782707193162 [23] Edgar Morin. Introduction à la pensée complexe. Seuil, 08/10/2007, 168p.