Faisons un peu de politique fiction. Imaginons, que, d'ici deux ans, la situation économique et politique au Japon se dégrade. Supposons que jugeant que les américains ne sont pas assez véhéments envers les chinois qui menacent leur intégrité territoriale, les japonais se tournent vers la Russie avec des manifestations pro-russes assez violentes dans le centre de Tokyo.Le pays serait partagé entre nationalistes nippons, pro-américains et pro-russes. Les pro-russes et les nationalistes seraient assez nombreux pour dénoncer la présence américaine au Japon avec notamment des manifestations pour faire fermer la base navale de Yokosuka qui se trouve dans la baie de Tokyo. Pourquoi citer Yokosuka? Et bien c'est là que stationne la 7ième flotte US qui surveille le Pacifique pour le compte des USA. Quelle serait alors l'attitude des américains face à la menace de devoir trouver un autre port (et quel port!) d'attache à leur flotte? La différence entre le Japon et l'Ukraine c'est que le Japon, foncièrement, n'a pas de liens millénaires (et pour cause) avec les USA. Cependant les liens culturels, économiques, politiques et surtout militaires sont suffisamment nombreux et profonds pour que les USA réagissent avec fermeté avec ce qu'ils ne manqueraient pas de considérer comme une ingérence russe. Les russes, à leur tour dénonceraient une occupation américaine et une violation de l'intégrité territoriale du Japon. L'évidence c'est que, par leur puissance économique et politique les USA et la Fédération de Russie ont créé des zones d'influence où s'exercent leurs activités industrielles et commerciales et de défense. Concernant l'Ukraine, on voit bien que les liens de l'Est du pays et de la Russie sont quasi-viscéraux. Les similitudes de la langue, de l'alphabet, des cultures, de l'Histoire, des liens économiques, de la religion pour une grande partie de la population font que la proximité des ukrainiens et des russes est infiniment plus proche que celle des japonais et des américains.
Il est indéniable, comme l'ont montré les écoutes russes, que les américains, plus que les européens, ont été à la manoeuvre à Kiev en choisissant les futurs dirigeants substitués à Ianoukovitch. Sans réaction, la Russie perdrait à terme son débouché sur la Méditerranée. Qu'on le veuille ou non, la flotte russe est un acteur dans le jeu des nations et on ne saurait la priver d'une présence qui assurerait la primauté définitive et sans partage des Etat-Unis. Dénoncer l'ingérence russe dans les affaires ukrainienes et menacer la Russie de sanctions économiques ou politiques (intensification des projets hostiles à la Russie) c'est faire beau-jeu de la présence américaines dans de nombreux pays (y compris le Japon bien sûr), présence qui parfois confine à l'ingérence (notamment au Pakistan et au Yemen). La solution à la crise ne passe pas par une dénonciation hypocrite de l'intervention russe qui, en l'occurrence, est une défense des intérêts politiques de la Russie. Cela au même titre que la défense de leurs intérêts que les américains ne manqueraient de déployer pour conserver leur présence au Japon par exemple. La résolution de la crise ukrainiene passe par l'organisation d'élections en mai et, quel que soit le vainqueur, l'engagement des parties prenantes, de respecter le scrutin des urnes. Il n'en demeure pas moins que l'entreprise de déstabilisation de l'Ukraine a échoué et le prix à payer sera une plus grande autonomie de la Crimée. Un autre prix politique sera sans doute une victoire des partis pro-russes dans tout l'Est du pays. Les tensions internes à l'Ukraine sont loin d'être terminées.