TCE 2005 (traité constitutionnel européen), Brexit 2016, Colombie 2016….
« Le peuple est trop con. Les gens sont trop cons ». C’est ce qu’on entend à chaque fois que le vote des citoyens ne va pas dans le sens du vent politico-économico-médiatique.
Pour toutes celles et tous ceux qui sont en chemin d'un acte II de la démocratie, souhaitant associer les citoyennes et citoyens qui le souhaitent à la fabrication et décision des lois tout au long de leur vite, après la mort au terme de l’interminable agonie de la démocratie représentative, à chacun de ces référendum, le chemin de croix reprend.
« Hein, t’as vu, ils sont cons les gens…. Ca marchera jamais votre truc.
Bah ouai, la PREUVE : le rêve de l’Europe, les Français l’ont tué, la survie économique de leur pays, les anglais l’ont souhaité, la PAIX, ouais, les colombiens sont contre la PAIX. »
Ce serait exactement la même chose s’il y avait un référendum demain matin (de préférence après des attaques ou le meutre d'un enfant, hein, sinon, c'est pas drôle) sur la retour de la peine de mort. Le OUI l’emporterait à coup sûr.
Et si les citoyens étaient moins imbéciles qu’on ne le pensait et que leur posture reflétaient autre chose que la réponse à la question posée, une autre aspiration ?
Et si c’était ceux qui posaient la question des référendums qui étaient trop cons ? Irresponsables ? Dangereux pour la vie de la cité et le vivre ensemble ?
A toi, Cameron, Santos, si tu instrumentalises le peuple, que tu joues avec lui pour ta gloriole personnelle, pour écrire ton nom dans les livres d’Histoire, si tu t’en sers de tapis ou serpillère pour grimper la prochaine marche, il se retourne contre toi.
Si tu ne respectes pas les citoyens, ils ne te respectent pas.
Je n’irai pas pleurer sur ton sort.
Oui, en revanche je pleure sur ton piège qui se referme sur nous, les citoyens. Réduits à prendre un bulletin NON pour t’envoyer te faire f…. J'ai d'autres espoirs pour nous. Plus constructifs. Plus enrichissants.
Je ne suis pas fâchée contre les citoyens qui font bien comme ils peuvent pour sortir du piège tendu, culpabilisés à outrance, et méprisés par ceux qui « savent », je suis, en revanche, profondément en colère contre toi, dirigeant qui ne dirige rien et qui t’es lancé dans une opération gigantesque de manipulation dans ce que tu oses appeler « référendum » outil de la démocratie.
En fait, tu la tues cette démocratie, ou ce qu’il en reste. Tu es déjà responsable de sa chute, et tu handicapes celle qui vient, qui pousse partout dans le monde depuis quelques années, qui veut ouvrir la table des décisions aux citoyens, tu abîmes la confiance en eux des citoyens. En Colombie, en Grande Bretagne, en France, en Europe, à Notre Dame des Landes, à Sivens, au Bois de Boulogne. Devenus l’ombre d’eux-mêmes les citoyens font parler leur colère face au mépris que tu leur tends.
Coincés entre la question passée au second plan et ton sacre que tu veux tant, guidé par ton égo et ton délire de surpuissance, désir narcissique ultime, tout entier tourné vers ton adoubement.
Coincés entre tes ennemis qui se font un plaisir non dissimulé de manoeuvrer pour ta mort politique, se foutant royalement des conséquences pour leur pays, dans une pure posture de tactique politicienne, (Johnson, Gove, Uribe…), les électeurs transformés en jouets des partis politiques.
Ton égo te tue et ton égo abîme ton pays. Bravo. Espèce d’irresponsable.
Les deals des référendum ne sont jamais clairs, ni honnêtes, soit les gens votent pour ce que tu leur as dit de voter, soit… soit rien. Il n’y a jamais de clauses du débat : voilà, si c’est oui, c’est « Moi-Président » qui gagne, mais si c’est non, c’est le NEANT.
Les conséquences du NON au TCE en 2005, pas même évoqué par les 90% des politiques, des journalistes qui faisaient à l’unisson campagne pour le « oui ». On se fout de la gueule des gens avec le Traité de Lisbonne 3 ans après avec les parlementaires, de ce qu’on peut appeler un viol démocratique, ils ont dit non, compris ou pas compris la question peu importe, ils ont dit NON ! Il faut travailler avec les citoyens, pas contre eux.
Les conséquences du Brexit ? Même pas abordé.
Les conséquences du Non à la paix avec les Farcs, aucune idée de ce que cela va faire avec la procédure engagée avec les Farc.
En quoi ça les engage, engage leur avenir, celui des générations futures ? Quel impact de toutes leurs décisions, il n’en est jamais question.
C’est une honte.
Tu te fous tellement de leur gueule à ces gens là. Comment veux-tu qu’ils réagissent autrement ?
Sous-citoyens, qu’on appelle électeurs, « l’électeur a un énorme pourvoir : il peut voter et faire élire ceux qu’il veut. Mais ce pouvoir est éphémère : il s’éteint au moment même où il s’exerce. » disait très précisement Augusto Boal.
Ils se vengent de ta politique, ils se vengent de toi, car au grand soir de son élection grâce à eux, tu fermes tes oreilles, tu fermes ta porte, tu fais sans eux, en leur nom, mais sans eux.
Simulacre de faire avec eux, et souvent pour relancer ta carrière en berne, tu te lances dans l'organisation de ton sacre, tu penses qu’ils vont se faire avoir ?
Le référendum est l’anti thèse de la démocratie.
L’anti projet de ce que je souhaite pour les citoyens : être associés, au coeur du réacteur de la fabrication de la loi et de sa décision.
Ouvrir des brèches pour l’expérimenter, pour gagner en maturité, pour apprendre ce qu’on n’a jamais appris : passer d’électeurs infantilisés à acteurs des lois qui régissent nos vies.
Voilà ce que j’ai envie d’explorer, et tu me trouveras sur ton chemin si tu te fiches de nous, sois en sûr.
La démocratie existe dans le temps long, jamais dans la passion, c’est du travail, c’est des Assemblées citoyennes, c’est de la délibération, des concertations, JAMAIS une question piège.
Allez, courage aux petits marcheurs inventeurs de nouvelles approches de la démocratie que nous sommes, dans tant de mouvements citoyens, le chemin vers la conscience et la démocratie est long, semé d’embûches, mais il est passionnant.
En réfutant les baguettes magiques mortifères qui nous éloignent de la prise de responsabilité par les citoyens qui le souhaitent, comme le référendum, petit pas par petit pas, nous apprenons de nous-mêmes, de nos aspirations pour vivre ensemble et nous gagnons en maturité peu à peu.