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Pour l'instant, concentrées sur les Russes, invitées initialement par une amie très chère, à se retrouver vendredi dernier devant l'Ambassade de Russie en France plutôt qu'à la Place de la République comme à notre habitude, pour ne pas continuer à taire notre horreur et impuissance, je vais essayer de dire pourquoi, après plusieurs discussions en ligne plus ou moins difficiles, je continue de penser que c'est aux russes que nous pouvons nous adresser en priorité aujourd'hui.
Pour ma part, je me sens assez démunie, au delà de ce que mon coeur me hurle, je ne suis spécialiste de rien, je lis, j'écoute, je cherche, je creuse, je pose des questions.
Ce que j'essaie de comprendre dans ces massacres de civils innocents à Alep comme à Sanaa et partout ailleurs, c'est la volonté d'éradication érigée en système.
On n'est plus dans une stratégie de guerre à Alep Est, on est dans l'anéantissement, j'en veux pour preuve les hôpitaux pris délibérément pour cibles, de manière systématique, par l'aviation russe.
Ce qui ne se voit dans aucun autre conflit international à l'heure actuelle. AUCUN (à ma connaissance, très partielle je vous l'accorde). D'autres exemples ?
La Russie lâche tous les repères d'humanité délibérément, ce qui n'excuse en rien toutes les autres puissances (USA, Arabie Saoudite, etc...), les coalitions, dont fait partie parfois la France, qui font de nombreux morts civils innocents, peuple de sacrifiés sur l’hôtel de la réalpolitik-géopolitique, énergies, lutte contre le terrorisme, ventes d'armes, BTP, finance, sous le prétexte même d'y implanter la "démocratie", peuple sacrifié nommé de manière infâme par les spécialistes de la guerre : "dommage collatéral".
Une vie d'un être humain est une vie sacrée, qu'elle vienne d'Alep ou de Sanaa, de Kaboul, de Paris, de Bagdad, de Bruxelles. Pas de larmes sélectives. Pleurons ensemble sur nos morts innocents, tous nos morts, soeurs et frères, sur nous, notre civilisation, incapable d'apprendre de l'Histoire, incapable de vivre en paix.
Si je ne ressens pas de larmes sélectives, en revanche, oui, je ressens une indignation différente et sélective face aux forces militaires engagées, et c'est pour ça qu'il m'a semblé pertinent que nous nous tournions aujourd’hui vers la Russie : une stratégie militaire d'anéantissement, n'est pas une stratégie de guerre. C'est un crime contre les populations locales, est-ce que cela rentre dans le cas de crimes contre l'humanité ? Mon sentiment : la réponse est affirmative.
Si la destruction systématique d'un peuple se fait sur critère géographique : que tu habites à l'est ou à l'ouest, tu seras vivant ou enterré-vivant- massacré, y compris quand tu es à l’hôpital quand tu es blessé ou soignant, alors oui, à mes yeux, on est dans ce qu'appelaient les allemands "coventryser", une destruction totale.
Et là dernière fois que ce genre de stratégie du chaos a été mis en oeuvre, lors des "blitz" comme dit Thinkerview, dans son interview d'un conseiller de l'Ambassade de Russie, c'était la guerre mondiale.
C'est en Syrie qu'il y a la plus grande catastrophe humanitaire depuis la 2nde guerre mondiale.
Alors oui, il faut que la Russie arrête maintenant, pour que l'Arabie Saoudite, les US et les coalitions internationales soient de fait obligés d'arrêter aussi la spirale de destruction qui n'en finit plus et qui s'étend sans précédent depuis 45. Le no-limit entraînera le no-limit. La spirale du chaos est déjà bien entamée.
Voici juste mon regard. Merci à celles et à ceux, quelque soit le sens de nos échanges, de me pousser à essayer de formuler ce que je ressens pour prendre part à la discussion planétaire des gens, qui seraient bien inspirés de se mêler de ce que font les gouvernements vu l'étendue du désastre et du pire qui s'annonce.
Notre mobilisation dans la rue, même symbolique, même insignifiante, ne nous exempte pas, et même au contraire, nous oblige à de prendre en charge notre partie à nous : l'accueil des réfugiés ici. Pleins de femmes et d'hommes nous montrent l'exemple partout en France, en Europe, en Jordanie, et ailleurs, montent des dispositifs avec ou sans ONG, dans la société civile, chez les étudiants, il me faut, pour moi qui n'ai franchi le pas que trop ponctuellement, m'engager durablement. Pour ma part, j'ai demandé à Singa France, ce qu'ils pouvaient faire de moi au service des familles qui arrivent ici.
Voilà, vendredi 14 octobre, je serai aux côtés de celles qui ont initié ce geste dérisoire, comme dit Didier, avec celles et ceux qui en auront envie vendredi à l'Ambassade de Russie à 12h45, avec nos brassards blancs.
Quand la Russie aura arrêté ses bombardements, et l'anéantissement des gens d'Alep Est, il sera temps d'aller voir les autres ambassades.
En 2003, j'avais manifesté contre la guerre en Irak, nous étions si nombreux. Pourquoi sommes nous devenus si silencieux ? Pourquoi avoir abandonné notre mot à dire ? Parce que c'est trop complexe ? Parce qu'on a peur d'être manipulés ? Parce que nous sommes des jouets de la manipulation politicio-médiatique ? Et si nous laissions parler nos cœurs ? (Tu peux te moquer c'est OK).
Est-ce que la question n'est pas tout simplement : peut on laisser des enfants, des femmes et des hommes se faire massacrer sans rien dire ? Bloqués dans nos Histoires, dans nos héritages pas digérés qui nous emprisonnent, dans les débats sans fin sur les responsabilités des camps des uns et des autres, on n'y arrive pas. Peut être ce qui compte c'est l'instant présent. Le maintenant.
Ce que je veux. Ce que je ne veux plus. De quel côté suis-je ?
La construction ou le chaos ? Le règlement de compte ou la main tendue ?
Continuons à creuser, à nous en parler, si nous nous posons ensemble des questions, peut être que tout espoir d'aider n'est pas mort.
Aimons-nous. Fort. A travers les frontières géographiques et les murs érigés dans nos têtes. Demain, il sera peut être trop tard.

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