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innovations civiques et démocratiques. Prendre soin de la démocratie. #démocratie délibérative

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Billet de blog 20 novembre 2015

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Le signal

Il nous faut quoi de plus ? Combien de mortes et de morts encore ? Combien de blessées et de blessés à vie ? Combien de messages de proches de victimes admirables, qu’aucun d’entre nous n’aurait été capable d’écrire ?

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Non mais allez y, dîtes moi un chiffre, pour qu’on se prépare à réagir. On se fixe quoi comme chiffre ? 1000 ? 2000 ? 50 000 ? Un million ? 10 millions ?

c’était hier ? C’est maintenant ? Ce sera demain ? Je ne sais déjà pas ce qu’on attendait hier. Et je sais juste que si ce n’est pas maintenant, ce sera quand ?

Combien de séances publiques à avoir honte devant nos écrans ? Combien d’états d’urgence, de lois d’exception, de lois aussi inadaptées et inefficaces que dangereuses, de guerres ? Et oui depuis hier, ce n’est plus seulement la Syrie qu’on bombarde en notre nom, c’est l’Irak. Oui vous avez bien entendu, l’Irak. Passons.

Je ne comprends pas. Je ne NOUS comprends pas.

Qui était visé vendredi ?

Les bureaux de l’Assemblée ou du Sénat ? NON.

Les tours du CAC 40 ? NON.

Les ministères ? NON.

Les grandes banques ? NON.

Les bâtiments des grands médias ? NON.

Nous étions visés, nous. Nous tous. Femmes, hommes dans la vie de tous les jours. La sortie de boulot, boire des verres, aller au resto, voir un match. Nous sommes directement visés et on attend que les institutions qui ne l’étaient pas trouvent des solutions à notre place ? Ils n’ont pas pu, pas su, nous protéger, (on en est en partie responsable puisque on leur a délégué de fait) et on attend encore d’eux des éclairs de génie qu’ils n’ont jamais eu depuis 30 ans ?

Je comprends qu’on soit sous le choc.

Mais je ne NOUS comprends pas :

On est là devant notre télé à regarder les questions aux gouvernements, on commente, on commente, on commente. On commente leurs réactions hallucinantes, on commente l’Etat d’urgence, tellement en urgence qu’on aurait presque le sentiment qu’il avait été écrit après janvier en attendant la prochaine catastrophe.

Même pas le temps d’arrêter de vomir ou de sangloter, de dénouer les nœuds atroces au ventre, si ridicules au regard de l’horreur vécues par les victimes, d’arrêter le tremblement de nos mains et l’usage de nos jambes coupées, de compter qui est présent et qui ne l’est pas, de reprendre notre respiration, le texte est voté.

Comme un seul homme.

P... on attend quoi ?

Je ne NOUS comprends pas.

Deux cent cinquante mille fois qu’on le fait le constat. Tout le monde l’a fait. Tout est bloqué dans ce pays. Ca n’empêche pas qu’il y ait pleins de gens qui créent dans tous les sens pleins d’alternatives mais qui se font bloquer par le système, muter, mis au placard quand il ne les détruit pas tout simplement. C’est gens qui font leur boulot de manière remarquable, c’est toi par exemple. Et toi aussi.

Je ne sais pas.

Ou on est trop polis.

Ou on est idiots.

Ou on est des pleutres.

Ou on est cyniques.

Ou on est des lâches.

Et bien, je ne crois pas que nous soyons ni polis, ni si cyniques, ni idiots.

Je crois que nous sommes des lâches et des pleutres. Pas individuellement parce que beaucoup prennent de vrais risques, mais collectivement c’est le néant. Le nombre d’entre nous qu’on n’a pas soutenu quand ils ont pris des risques. Incapables de se mouiller pour l’autre.

Individuellement, beaucoup ont leur aura, leurs succès mérité, on est enfin arrivé (oui, oui il est temps de s’en rendre compte), mais collectivement, il faut bien se l’avouer, on est nul. Parce qu’on en a avalé des couleuvres. On s’en est pris des baffes. De belles humiliations, hein les copains. Je n’ose même pas les compter, les trucs sur lesquels on était presque tous d’accord et qu’on a laissé arriver à l’inverse de nos convictions.

C’est pas que la soupe est bonne, c’est qu’on se gave avec les miettes qu’on nous laisse.

J’oubliais, on a même réussi à se brouiller. Bah oui, même pour des miettes, de breloques on est prêt à se déchirer. Pour des questions d’égo mal placés, pour de vielles histoires de pognon, de boîtes, de procès, de rumeurs, de clients ou de filles.

Voila mes potes de ma génération, il est temps qu’on se l’avoue, on a merdé.

Si les vieux hommes blancs du Parlement n’osent pas assumer publiquement le constat et font les marioles avec leurs airs très graves en nous imposant de nouvelles restrictions de libertés, eux aussi, au fond ils le savent bien qu’ils ont merdé. Mais pour eux, c’est trop tard, vraiment trop tard, plus personne ne leur fait confiance. Ils ne sont pas les seuls fautifs, on l’est par lien de cause à effet presque autant qu’eux, mais ils l’ont cherché. Vraiment, et ils le savent. Comme ils ont peur, ils s’accrochent.

Les petits jeunes d’en dessous de notre génération, sont paraît-il super fans des frappes en Syrie depuis samedi et le recrutement dans l’armée explose. D’ailleurs, en passant, super le coup des bombardements en Syrie, assez bien vu l’écran de fumée, on va faire la guerre ailleurs alors que ces gosses criminels semeurs de morts sont Français ou Belge. Le problème c’est pas en allant bombarder je ne sais qui en prenant le risque de tuer des innocents qui lèveront de nouvelles armées de semeurs de morts. Le problème il est chez nous.

Daesh attend à la sortie des prisons ici et là-bas, les délinquants et criminels et leur donne du boulot. “Tiens, prends cette brouette avec des légumes et va les vendre au marché”. Une histoire aussi dans laquelle ils peuvent jouer un rôle. Là où plus personne ne les attend ici. Si c’est bisounours de parler de travail ou d’un but dans la vie, c’est pourtant la stratégie de Daesh. En tous les cas, leur business de terreur à l’air de marcher, vous en conviendrez.

Revenons à nos bébés-bobos de 25 ans, nos petits frères, nos petites soeurs “digital natives”, ils sont donc pour la bagarre et la guerre, quand nos parents soixante-huitards eux disaient « Il est interdit d’interdire » et se faisaient réformer. Nous, à l’époque on avait gentiment manifesté contre la guerre en Irak, on avait applaudi la séance à l’ONU, et puis quand l’Afghanistan est arrivé, on n’a pas manifesté. On a rien dit. Pareil pour tous les sujets, on s’agite un peu sur la toile, plus jamais dans la rue, et puis on passe à autre chose. On a perdu sur tous les thèmes, les uns après les autres. Une sorte de serial loosers du lobby citoyen.

Au milieu des bébés-bagarreurs et des soixante-huitards, nous, les gentils, mignons, un peu paumés « aînés bobos » qui cherchent le sens de nos vies en faisant des trucs super entre deux burn out et deux enfants, hein, on fait quoi ?

Oui, on fait et on écrit des trucs passionnants. Qu’on lit entre nous. On se tweete, on se retweete. On est dans une sorte de bocal. Bien confortable. Bien inconfortable. Le monde s’effondre comme un château de carte, ça part en vrille dans tous les sens et nous on se regarde tous les uns les autres à s’inspecter sous toutes les coutures.

Oui on a merdé. Parce que nos idées ne passent jamais les portes de l’Assemblée, parce que nos idées n’arrivent même pas sur n’importe lequel des forums grand public présents sur la toile.

Moi, je vous kiffe, je vous admire, j’aime tant vous lire, j’ai confiance en vous. Je sais que chacun dans votre domaine vous vous battez comme des cinglés. Vous êtes brillants, sincères, engagés. Bien sûr vous avez des défauts. Mais franchement, vu le bordel, on s’en fout.

On a besoin de vous.

Je vous appelle à l’aide.

Je nous appelle au secours les uns des autres.

Nous avons besoin les uns des autres, nous avons besoin de faire quelque chose de plus grand que nous.

Je n’ai aucune idée de ce que ça pourrait être. A quoi ça pourrait ressembler.

Au pire, une sorte de revival, “-c’était cool quand on buvait des bières en 2006, tu fais quoi maintenant”, “-c’est vachement tendu maintenant,hein” “-rien n’a voir avec 2005 ou 2007 quand ça a flambé, tu te souviens comme les responsables nationaux pissaient dans leur froc à ce moment là, il ont eu la trouille des jeunes, une peur bleue des quartiers, ils ont promis de la justice, promis des moyens, et que dalle”. “-Ouais, on est en terrasse ce soir pour se revoir, et on est émus de l’être, c’est notre hommage à nous aux victimes, notre bravade à notre peur qui nous broie le ventre, notre résistance à reconnaître la fracture que ce vendredi 13 a provoqué en chacun de nous”. ... Ca se serait le pire, parler du passé et ne pas réussir à affronter le présent. On est déjà si vieux que ça, notre engagement sociétal est déjà derrière, nous sommes nous déjà enfermés dans notre zone de confort ?

Pourtant nous en avons fait du chemin. Nous avons une bonne expérience de nos milieux : la justice, l’associatif, la santé, la police, les entreprises, la communication, la création, l’art, l’enseignement, l’accompagnement social, les institutions, l’environnement, l’information, l’énergie, l’industrie, l’agriculture, le faire, le penser, le construire, le virtuel, le coopératif … Je sais que nous faisons tous du bon travail. Individuellement. Je suis admirative, quand je vois tout ce que chacun fait, ça me donne de l’espoir.

Mais pendant qu’on rame tous dans notre coin à affronter les everest que nous nous sommes choisis, notre pays recule. Sombre. Coule.

Prendre des risques.

Oui, risquer nos bonnes petites réputations car on a toutes les chances de se gaufrer. Je l’ai pas mal entendu ces dernières années “bien sûr qu’il faut agir”, “oui, oui, je suis là, mais je reste derrière, tu comprends pour ma réputation”... Mais quoi, on ne va même pas essayer ? Demain il sera trop tard. Il l’est déjà peut être. Depuis vendredi, on le sait, c’est déjà Game Over de ce jeu qui n’est pas un jeu, qui est la réalité très froide de nos vies.

Peut être que la solution serait de passer par les femmes. Qui parfois se foutent peut être un peu plus de leur crédibilité en cas d’échec. Qu’en dîtes-vous mesdames ? Tiens c’est vrai ça, on en pense quoi nous les femmes d’ailleurs ? On va finir par l’ouvrir ou pas ?

En ce moment je fais partie d’une aventure avec quelques uns. On travaille à l’émergence d’une idée. C’est une voie comme il y en a pleins, chacun de vous en a une. Et c’est bien, il faut poursuivre ces intuitions, ces travaux. Pas à pas.

L’obscurité est totale. Si on reste concentré chacun dans son coin, j’ai peur qu’on manque l’essentiel.

Et si en plus de ce que nous développons dans nos secteurs respectifs, nous prenions un peu de temps pour nous revoir, faire le point ?

Peut être c’est le moment ?

Allons boire des coups. Règlons ou pas nos embrouilles, mais parlons-nous. Ce serait quand même bien qu’on croise nos expériences. Qu’on les enrichisse. Ce qui a merdé, les écueils dans lesquels on tombe et on retombe. Il est plus que jamais impératif d’activer nos neurones collectivement, analyser, déconstruire. J’ai besoin de savoir ce que tu penses, ce que tu proposes.

J’ai toujours pensé qu’ il y avait des connexions qui ne s’étaient pas faîtes par hasard. Qu’il y avait forcément un sens aux rencontres. Au fond de moi, j’espère que cette page n’est pas seulement sur les albums photos de nos vieux blogs du passé. Que ce réseau tissé grâce à quelques uns qui se reconnaitront, et grâce à tous, (c’est la loi de la toile), se révèlerait utile quand la situation serait critique.

On y est non ?

Sur tout nos petits blogs, à l’époque on a vu des liens hypertextes se tendre, puis les “amis”, les followeurs. Je sais qu’ils sont toujours là ces liens. Un peu distendus par les années et les algo, un peu amochés par les bisbilles, certains définitivement fermés par le départ des uns vers l’au delà. Mais je sais que la plupart de ces liens sont vivants. Mal en points. Mais activables. On se connait bien depuis le temps. On connait les forces et les faiblesses de chacun.

Oui toi, et toi, et toi, tu m’as gonflé parfois, et je suis sûre aussi que volontairement ou involontairement, mes paroles ou mes actes ont heurté ta sensibilité, ton intelligence.

Pourtant je suis convaincue que là, comme jamais, j’ai besoin de toi. La société a besoin de toi et de vous les copains.

Vendredi l’horreur. Jeudi l’état d’urgence.

Est-ce le signal ?

Dis moi si c’est pas maintenant, ce sera quand ?

Appelle moi en tous les cas quand tu le décideras, je suis avec toi.

Photo Neslon Sosa CC BY-NC-ND 2.0

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