quitterie de villepin (avatar)

quitterie de villepin

innovations civiques et démocratiques. Prendre soin de la démocratie. #démocratie délibérative

Abonné·e de Mediapart

72 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 août 2024

quitterie de villepin (avatar)

quitterie de villepin

innovations civiques et démocratiques. Prendre soin de la démocratie. #démocratie délibérative

Abonné·e de Mediapart

La cohabitation, seule option pour conjurer la négation d’un vote 20 ans après le TCE ?

Réitérer et aggraver le décrochage démocratique né du traumatisme collectif du TCE par la négation du vote des Françaises et des Français une seconde fois, ou le réparer enfin ? Il n’y a que deux chemins possibles. C’est l’heure des choix.

quitterie de villepin (avatar)

quitterie de villepin

innovations civiques et démocratiques. Prendre soin de la démocratie. #démocratie délibérative

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’enjeu crucial des heures qui viennent est de savoir si le Président de la République, mais aussi l’ensemble des élu.e.s françaises et français sur le plan national avec l’appui du local, décident de fermer enfin le cycle mortifère pour la démocratie ouvert en 2005 et d’ouvrir une page nouvelle de notre histoire politique moderne, aussi enthousiasmante que périlleuse où tout est à construire. Ou s’ils décident de ne pas tenir compte du résultat d’un vote de 33 millions de Françaises et des Français pour la seconde fois en 20 ans, nous précipitant dans la chute inexorable de notre démocratie.

Comme d’autres, j’ai soutenu tout l’été un gouvernement sous leadership NFP, avec en PM la personne désignée par les quatre formations, Lucie Castets. Pourquoi ? Pourquoi ne pas lâcher ? Pourquoi ne pas arriver à faire autre chose de participer sur des boucles WhatsApp, signer des tribunes, sur Twitter et Instagram ? Essayer de tenir le fil même quand plus grand monde ne semble comprendre ce qui nous arrive, plus grave, où une sorte de résignation, de renoncement, de « à quoi bon », du à un épuisement démocratique après tant de tensions provoquées par la dissolution. Il ne restait que quelques irréductibles passionnées et passionnés, plus ou moins cyniques dans leur regard sur la situation, plus ou moins utopistes, qui ont tenté tout au long de l’été, de contribuer, éclairer, alerter, mobiliser en fonction de leurs savoirs-faire sur la nécessité d’une cohabitation. 

Du plus profond de mes tripes, j’ai senti que nous vivions un épisode d’une extraordinaire gravité. Ça m’a rappelé un sentiment de déjà vécu, un vertige. J’ai fini par comprendre ce vertige. Ce que nous avons vécu depuis nos votes des 30 juin et 7 juillet, ressemble à ce que nous avons collectivement vécu lors du referendum du TCE de 2005 suivi du traité de Lisbonne en 2008.

En 2005, alors à l’UDF, j’avais fait campagne pour le OUI, de toutes mes forces. Le non a gagné, sans appel, je me souviens de mes larmes ce soir là. Mais les Françaises et Français avaient parlé. Point. 

Quelques années plus tard, en 2008, alors déléguée nationale du MoDem, je devais être tête de liste aux européennes de 2009 en région centre massif central, car j’avais remporté la première élection interne en Île de France du Parlement de ce nouveau parti, enfin passé à une taille de mouvement politique digne de ce nom, loin de la cabine téléphonique qu’elle fut avec ses 27 parlementaires, et poignée de valeureux militants, post création de l’UMP suite au 2nd tour Chirac - Le Pen père.

Soudain, en 2008 Nicolas Sarkozy décide de ratifier le traité de Lisbonne, alors que les Françaises et Français avaient dit Non à 55% au TCE.

En moi, se produisit alors une déflagration. Pour la première fois de ma vie j’interrogeais ce mot « démocratie ». Ce mot que tout le monde invoque, mais dont peu ont vraiment fait l’expérience. En tous cas dans le champ politique. Je revisite alors les 6 ans passés dans ce parti où les pratiques démocratiques étaient justement assez sommaires pour le dire gentiment, comme dans les partis en général, on reviendra un jour sûrement ici sur la nécessité de réinventer de fond en comble les structures de formation de nos futur.e.s responsables politiques et d’élaboration de politiques publiques.

Tirant les conséquences de cette brutale prise de conscience en 2008, j’ai refusé la tête de liste, surprenant un peu à l’époque, les « Non » à des mandats n’étant pas très fréquents en politique, je suis sortie de la politique partisane, ai refusé d’entrer à nouveau dans un autre parti peu de temps après, puis des années plus tard, pour me consacrer à essayer d’aider à  « réparer la démocratie » en initiant plusieurs expérimentations civiques et démocratiques (#MaVoix, Investies, campagne législatives 2022 Prendre Soin de la démocratie…), comme tant de femmes et d’hommes en France sur tous les territoires inventent de nouvelles méthodes.

J’ai enseigné durant les 5 dernières années cette matière et ses modalités, conventions citoyennes, jugement majoritaire, conférences de consensus, mandat délibératif, etc... Je crois que le temps est venu et que nous sommes enfin prêtes et prêts à faire passer au niveau de l’exécutif national et du pouvoir législatif la culture de la délibération présente partout ailleurs, asso, PME, syndicats, collectifs citoyens, listes municipalistes. C’est le moment où jamais.

Revenons à la gravité exceptionnelle de 2008.

Depuis cette trahison, le vote FN puis RN ne cesse de monter. Inexorablement.

Regardez les cartes du « non », regardez les cartes du RN aujourd’hui. Ce sont les mêmes !

Depuis cette trahison, une partie de la gauche s’est radicalisée dans une défiance à toute épreuve face aux tenants qu’on appelait l’ « UMPS » ayant pris position pour le Oui démonétisant ces deux partis, à la faveur d’En Marche et des Insoumis plus tard.

Depuis cette trahison, l’abstention est devenue le premier parti de France.

On ne s’en sort pas.

On ne s’en sortira pas si on ne comprend pas ce point de bascule.

Et celui que nous risquons de vivre si le Président ne comprend pas les conséquences de ses décisions dans les jours qui viennent.

À l’origine le TCE devait passer par voix parlementaire, mais Chirac à l’époque s’était dit qu’il pouvait en tirer un gain politique tant le oui semblait évident. Exactement comme Cameron avec le Brexit.

Le scénario se répète avec la dissolution annoncée par le Président de la République, tout seul, suite à l’échec de son camp aux européennes le 9 juin au soir. Cette annonce fut d’une brutalité sans nom.

Par convenance personnelle, arbitrairement, sans aucune forme de collégialité, soumettant la France entière, son gouvernement, les partis, dont ceux de sa petite majorité, les oppositions, les Françaises et les Français, le Président a joué à pile ou face l’avenir de la France : un nouveau référendum en somme « Pour le camp présidentiel ou pour le RN au pouvoir ».

Manque de chance pour lui, et fort heureusement pour nous toutes et tous, ça ne s’est pas passé du tout comme prévu. Contre toute attente, le NFP s’est  coalisé malgré toutes les outrances et tensions lors des européennes, s’est lancée alors la seule dynamique populaire où des personnes ont fait leur première campagne hors des partis pour affronter le risque majeur de l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Des phonings massifs, du porte à porte, de la créativité d’affiches alternatives, des rassemblements populaires… AUCUNE dynamique au centre, à droite ou à l’extrême droite. Rien. Pas un seul fait de campagne.

Le Front républicain remarquablement mis en œuvre par les électeurs et les électrices, contre leurs convictions propres bien souvent, les désistements où le NFP est la seule coalition à avoir été à 100% irréprochable, afin de tenter de se hisser à la hauteur de ce moment historique, de péril imminent, et de ce puissant élan dans la société, toutes ces prises de responsabilités individuelles et collectives nous ont évité de plonger dans un cauchemar en plein cœur de l’été, alors que le monde entier allait avoir les yeux rivés sur notre pays avec l’accueil des JO.

Depuis deux mois, le Président de la République tente, contre toute logique institutionnelle, de jouer à qui perd gagne. C’est inacceptable. S’il ne tirait pas de conclusion concrète de sa défaite alors nous vivrions une seconde et peut être ultime blessure mortelle à la démocratie française.

Quand un Président de la République pose une question aux Françaises et Français, il doit IMPÉRATIVEMENT assumer les conséquences de leur réponse. Que ça lui plaise ou non. Que ça semble raisonnable ou pas.
On ne peut pas jouer avec les élections. On reproche, et je le partage bien souvent, tant ses manières brutales et verticales de faire me hérissent, à Jean-Luc Mélenchon d’être dangereux pour la démocratie. Mais qu’y a t’il de plus dangereux que la non prise en compte pour la seconde fois en 20 ans des votes des français et des Françaises ?
La première fut gravissime pour la démocratie. Une seconde serait fatale.

En passant, pourquoi Jean-Luc Melenchon est devenu l’homme qu’il est aujourd’hui, qui lui aussi cherche tant à soumettre sur ses idées rien que ses idées ? Retournons-nous et revisitons l’histoire de 2005 et 2008. Ne répétons pas les mêmes erreurs. Ne poussons pas plus chacune et chacun dans son amertume, son ressentiment, sa colère par le mépris et l’humiliation. Ça ne produit que des catastrophes et un affaiblissement du débat public. 

Ne pas tenir compte une nouvelle fois d’un vote où des millions de Françaises et de Français ont voté, 29 millions en 2005, 33 millions au 1er tour des législatives 2024, serait criminel car ça prépare le terrain aux pires instincts.

Criminel pour l’engagement des personnes en politique qui constateront que leurs efforts ne comptent pas. 

Criminel pour la concorde nationale.

Je ne sais pas où était Emmanuel Macron en 2005 et 2008. Mais moi, je me souviendrais toute ma vie, de manière indélébile, de 2008 et du vertige que j’ai ressenti.

Je demande à tous les responsables politiques de prendre conscience de ce qui se joue maintenant.

C’est capital.

Il n’y a pas d’autres options que la cohabitation.

Majorité relative, absolue ou pas de majorité, peu importe finalement, il faut une conséquence.

Emmanuel Macron veut garder la main ? Il ne fallait pas dissoudre. POINT.  Il pouvait remanier. Faire ce qu’il voulait.  Il a provoqué une élection anticipée ? Il faut assumer.

Son camp a perdu et est d’ailleurs bien mal en point entre les différentes formations de l’ancienne majo relative, même si les tensions se font à bas bruit chez ERP, au Modem et chez Horizon. La coalition (?) de ces trois partis n’a pas été capable en deux mois, de proposer un.e PM, ni même un programme commun de coalition et n’arrive pas s’émanciper dans l’immédiat de son leader qui a précipité leur échec, les « chefs » se réservant pour 2027.

Emmmanuel Macron nous a fait basculer tout seul comme un grand, et ça, pour le coup, on peut lui dire merci, d’un régime présidentiel à bout de souffle à un régime parlementaire. ENFIN ! C’est une opportunité historique. Incertaine, bancale, mais c’est peut être le moment. 

Ce gouvernement sous impulsion du NFP tiendra le temps qu’il tiendra mais il DOIT être nommé.

Macron ne peut pas fracasser ce qu’il nous reste de démocratie pour un totem.

Ce totem est très principalement la réforme des retraites. Si elle doit être gelée, différée, abrogée, remaniée, elle le sera. POINT.

C’est aussi ça la démocratie. Ce que la démocratie fait, elle peut le défaire en fonction de nouveaux équilibres choisis par les électeurs et électrices. D’où la nécessité de construire une large base de compréhension, d’adhésion, de co-construction les lois adoptées et qu’il ne sert à rien de passer en coup de force, le détricotage est assuré à plus ou moins court terme.

La cohabitation est la seule issue possible de cette séquence. Le statu quo avec un gouvernement à la main du PR ne peut être une option.

À la lecture quantitatives des résultats, deux options : si on réfléchit en faisant abstraction des coalitions déclarées, le parti en tête est le RN, il a aussi le plus grand nombre de suffrages exprimés et son échec relatif est le fruit d’une mobilisation extraordinaire du front républicain.

Le PR pourrait donc les appeler à gouverner. En niant le Front Républicain certes, mais il semblait assez prêt à donner les clés du camion à Jordan Bardella en cas de majo absolue ou relative, ce qui me glace. Ça ne peut pas être son choix, si tel était le cas, il finirait dans les oubliettes de l’histoire lui qui voulait tant la marquer.

La seconde option ne peut donc qu’être : appeler à former un gouvernement la plus grande coalition arrivée en tête. Et ça date de moins d’une semaine, après 2 mois d’une période de n’importe quoi sous prétexte de JO (mais pourquoi avoir dissous à la veille de ceux-ci ?), l’Élysée reconnaît enfin que le NFP est arrivé premier. Si Emmanuel Macron poursuit l’impératif du Front Républicain, il n’a aucun autre choix que de faire appel à cette coalition.

Le reste n’existe pas. Et ne doit pas exister sous peine de créer une dernière blessure mortelle à la démocratie française.

Une fois la Première ministre Lucie Castets nommée et son gouvernement composé, son discours de politique générale prononcé, viendra le temps de la motion de censure. Nous verrons qui alors est responsable du chaos en France. Qui s’allie avec le RN pour faire tomber à priori un gouvernement NFP. Mais ça, c’est une autre histoire. À suivre.

En ouvrant résolument la page d’une démocratie parlementaire et d’une méthode nouvelle de gouvernement fondée sur l’impératif de délibération à tous les étages, l’espoir renaît de pouvoir contribuer à faire exister une politique qui ressemble enfin à quelque chose. Qui nécessite de s’engager pleinement. Qui dépendra de l’effort de chacune et de chacun. Qui ne mange pas ses enfants dans des partis dysfonctionnels, eux qui doivent sans plus tarder muter tant dans leurs missions que dans leur modalités. C’est aussi un chantier majeur. Car nous n’arriverons pas à prendre en charge les défis majeurs qui sont les nôtres, sociaux, climatiques sans repenser nos modalités d’action. 

Si nous réussissons à entrer enfin dans une démocratie mature, nous pourrons retrouver le goût de la politique, le goût de l’engagement, le défi et le plaisir de faire reculer pied à pied à chaque élection le RN en prouvant que oui la politique sert encore à quelque chose.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.