quitterie de villepin (avatar)

quitterie de villepin

innovations civiques et démocratiques. Prendre soin de la démocratie. #démocratie délibérative

Abonné·e de Mediapart

72 Billets

0 Édition

Billet de blog 30 mars 2023

quitterie de villepin (avatar)

quitterie de villepin

innovations civiques et démocratiques. Prendre soin de la démocratie. #démocratie délibérative

Abonné·e de Mediapart

Éloge du silence en politique

Le Parlement doit impérativement remonter en première ligne. Différemment.  Je suggère aux parlementaires de France d'essayer de provoquer un choc propice à un rééquilibrage des pouvoirs et une négociation avec l'exécutif pour les 4 années restantes du mandat et transformer, tant qu'il est encore temps, nos règles du jeu institutionnelles qui nous incapacitent collectivement.

quitterie de villepin (avatar)

quitterie de villepin

innovations civiques et démocratiques. Prendre soin de la démocratie. #démocratie délibérative

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’année dernière, à l’aube de la campagne législative, dans les colonnes de Libération, j’invitais les parlementaires en place à se mobiliser collectivement dès le début du mandat pour redonner sa place au Parlement et rééquilibrer les pouvoirs. Je constate malheureusement que rien n’a été tenté. Et j'avoue ne pas comprendre comment le Parlement accepte de se faire maltraiter ainsi.

9 mois après le début de cette mandature, nous mesurons chaque jour combien cette nécessité est plus urgente : nous sommes dans une impasse structurelle. Il ne semble pas y avoir d'issue.

Trop d’heures d’antenne à entendre tout et son contraire. Trop de mots vides de sens. Trop d’insultes, de menaces, de contre-vérités. Trop de clash. Trop d’instrumentalisation. Trop de violence. Trop de ressentiment. Trop, beaucoup trop de bruit.

Des heures de débats pour voir le Parlement muselé à coups de 49.3.
Puisque les mots n’ont plus aucun sens, choisir le silence pourrait-il nous aider ?  

Pour jouer il faut être 2. Que se passerait-il si collectivement nous arrêtions de jouer ?

Je rêve d’un Parlement qui réalise qu’il peut encore avoir du pouvoir, s’il en décidait ainsi. Et paradoxalement, peut-être que cela ne nécessiterait ni rhétorique, ni pupitres qui claquent, ni vociférations, ni amendements, ni chants, ni applaudissements, ni hurlements. 
Juste le silence.

Dans une classe, on a coutume de dire que rien de tel que de faire silence pour retrouver écoute et attention. Alors, pourquoi pas au Parlement ?
Je rêve d’un parlement décrédibilisé qui retrouve sa dignité.

Je rêve d’un parlement qui tente d’utiliser pour la première fois l’arme puissante du silence. Qui refuse de poser des questions au gouvernement. Qui ne vote pas. Qui ne dépose pas d’amendements. Qui siège mais qui ne parle pas. Qui regarde le gouvernement les yeux dans les yeux. Et qui se regarde dans les yeux d’un banc à l’autre. 

Un grand silence. Un silence de dignité. Un silence d’introspection. Un silence de gravité. 

Un silence pour confronter chacune et chacun à sa propre part de responsabilité.

Un silence pour réaliser ce que nous avons traversé collectivement et nos multiples blessures collectives : attentas, violences, aspirations à plus de démocratie maintes fois réprimées, ignorées, COVID, hôpitaux en souffrance, guerre en Ukraine, pénuries, mégafeux, inflation, planète dont l’habitabilité vacille. Le politique doit désormais prendre soin. Il ne peut brutaliser.

2007, 2012, 2017 ne sont pas 2023. Que tout a changé. Tous les repères se sont effondrés.  Les démocraties dans le monde ne cessent de perdre du terrain. Nous naviguons à vue en plein brouillard. 

Un silence pour sortir de la spirale de violence verbale qui risque de nous emporter toutes et tous, de nous séparer, de nous faire éclater. Pour réaliser la catastrophique mise en danger de la concorde nationale. 

Un silence pour récupérer ses esprits.

Un silence pour réaliser ce qui nous semble essentiel.
Un parlement qui dise « stop ça suffit ». Arrêter des décennies de dévissage du pouvoir législatif. Un parlement qui, au lieu de laisser les personnes grévistes s’abîmer, sombrer dans le désespoir de ne pas "compter" ou la précarité par manque de salaire, laisser le nombre de blessés de part et d'autres augmenter chaque jour un peu plus, les citoyens et les citoyennes se renfermer dans l'apathie, récupère sa responsabilité. Qui au lieu de répandre dans les médias ou les réseaux avec ses éléments de langage de part et d’autres ou se disperser sur des piquets de grève ou dans des meeting de leurs partis à faire la claque, ou à s'épuiser à jouer les assistantes sociales en circonscription, ou se frotter les mains du désordre en vue de récupérer la mise en 2027, se concentre sur son lieu de travail, son lieu de pouvoir. 

Un parlement qui réalise que c’est dans son enceinte que les élus de la nation peuvent dénouer très simplement la situation. Arrêter le jeu. Mortifère. Épuisant. Démoralisant où que l’on se situe dans l’échiquier politique pour celles et ceux qui arrivent encore à se situer.

Par le silence obtenir de l’exécutif national un changement de posture et lui offrir la possibilité d’ouvrir une page nouvelle de notre histoire politique.

En donnant au Parlement, l’exemple du silence comme plus puissante arme contre la perte de sens du monde politique, peut être naîtront des mobilisations en silence. Sans slogan, sans artifice, sans violence, sans récupération, sans instrumentalisation. Pouvoir se tenir dans l’espace public, par notre présence silencieuse, témoigner notre profonde inquiétude pour notre présent et avenir, mais aussi notre attachement à notre pays, et notre espoir de le voir s’adapter, d'y contribuer pleinement.

Choisir le silence comme arme politique.
Ce serait une page d’histoire. 

Le début d’un espoir, de la mise à la table des négociations, un changement de posture des uns et des autres, une sortie par le calme et par l’intelligence des neurones qui pourraient enfin se reconnecter enfin débarrassées de la surenchère et du bruit du chaos.

Du silence pour saisir l’ampleur de la tâche et se demander comment être à la hauteur. 

Du silence pour prendre définitivement conscience que tout est à réécrire : nos règles du jeu démocratiques, notre gouvernance et notre manière de prendre en charge les défis qui s’imposent à nous. 

Du silence pour se souvenir de notre humanité. 

Du silence pour ramener la lumière. 

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.