Il semble que terminer 2021 par la casse des allocations chômage et entamer 2022 en rendant les urgences payantes ne vous paraissait pas suffisamment autoritaire et violent.
En bons managers de la nation start-up, vous êtes restés attentifs aux courbes de nouvelles contaminations et d'occupation de services de réanimation. Afin de n'agir, comme à votre habitude, qu'en dernier recours. Aujourd'hui, dans l'urgence et la panique de voir les hôpitaux craquer, vous cédez à nouveau à votre obsession du contrôle. Au passage, dans un sinistre calcul électoral, vous vous permettez une fois de plus de pousser à la division. Votre manque d'imagination, de courage, de confiance en l'intelligence collective est sidérant.
En juillet dernier, vous franchissiez une première ligne rouge en décidant que l'accès aux cafés, aux bibliothèques, aux trains, aux cinémas, aux hôpitaux, aux restaurants, aux bateaux, aux théâtres, aux avions serait désormais soumis à la présentation d'un document attestant l’inoculation de telle ou telle substance homologuée, ou l'absence de tel ou tel agent pathogène de notre organisme.
Vous avez d'abord assuré que ce laisser-passer ne pourrait être exigé que dans le cadre d'événements de grande ampleur. Mais vous avez rapidement procédé à son extension aux lieux précités, en affirmant qu'il s'agissait de pouvoir se retrouver sans risques dans les lieux accueillants du public, laissant longtemps circuler l'idée qu'on ne pouvait pas être malade ou contagieux si l'on avait reçu telle ou telle substance homologuée.
Vous ne pouviez décemment avouer qu'il s'agissait d'une contrainte dans la mesure où l'Assemblée parlementaire de l'Union européenne demandait instamment aux États membres, en janvier 2021, « de s’assurer que les citoyennes et les citoyens sont informés que la vaccination n’est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s’il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement » et « de veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné, en raison de risque potentiel pour la santé ou pour ne pas vouloir se faire vacciner ». [1]
Vous admettez désormais que ceci était une mascarade, et qu'il s'agit, selon vos propres mots, de « faire peser le plus possible la contrainte sur les non-vaccinés ». [2] De les « emmerder [...] jusqu'au bout ». Même s'il n'y avait plus véritablement lieu de le préciser depuis que ces derniers doivent payer les tests virologiques, jusque là pris en charge pour tous. Piétinons au passage les principes fondateurs de notre sécurité sociale et quelques articles de la constitution.
Le 5 décembre - sans doute avez-vous pris conscience de l'aisance avec laquelle il était possible de contourner le précédent dispositif - vous êtes parvenus à faire entrer dans la loi que pour pénétrer les lieux précités, il n'était plus suffisant d'arborer un simple document comme laisser-passer, mais que celui-ci devait pouvoir être authentifié par un code matriciel. Le fait que cette technologie fut originellement imaginée pour suivre l'itinéraire des pièces détachées en usine se passe de commentaire.
Aujourd'hui, vous perdez à nouveau vos moyens et poussez le vice encore un peu plus loin. Vous inscrivez dans la loi, à une durée indéterminée, et pour tout individu de plus de 12 ans souhaitant jouir d'une vie sociale ou d'une liberté d'aller et venir, l'obligation d'être muni d'un code matriciel attestant d'un certain nombre d'injections, à une certaine fréquence, d'un certain produit. En somme, un passeport intérieur, dont les critères de validité varieront dans le temps avec l'évolution de la situation sanitaire et des lubies du pouvoir.
Il serait trop long de revenir ici sur les innombrables mensonges et autres fautes graves que vous avez commis depuis deux ans. Personne ne prétend d'ailleurs qu'il existe de solution toute faite à ce que nous traversons. Néanmoins, vous n'avez jamais écouté ni les alertes, ni les propositions émises en dehors d'un conseil scientifique et d'un conseil de défense. Comme à votre habitude, vous avez systématiquement discrédité les voies discordantes. Dans une grande confusion, vous avez polarisé le débat, essentialisé les positions, coupé court aux discussions : vos méthodes, ou des délires obscurantistes.
Vous vous accaparez « la science » et l'opinion des 90% de personnes vaccinées. Doit-on vous rappeler que le fait d'être vacciné, que ce soit par consentement libre ou par obligation, ne compte pas pour adhésion à votre gestion policière de l'épidémie ? Que ce que nous disent les sciences, c'est que le vaccin ne suffira pas à sortir de l'épidémie, encore moins par la contrainte ?
Après de grands et beaux discours dans lesquels vous faisiez mine de tomber de votre nuage néolibéral et de redécouvrir l'importance de ne pas « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner », de ne pas laisser celles-ci « aux lois du marché », vous n'avez rien fait pour redresser l'hôpital public, vous avez poursuivi son démantèlement.
Comble du burlesque, vous avez récemment lancé une enquête pour savoir où étaient passés les lits d'hôpitaux. [3] Votre porte parole indiquait que le manque de personnel est dû aux actions des précédents gouvernements : « on ne rattrape pas trente ans en quatre ans […] Il n'existe pas de réserve cachée de personnel ». Mais n'était-il lui-même pas membre du cabinet de la ministre de la santé pendant cinq ans avant de faire partie de votre gouvernement pendant encore cinq ans ? Le chef de votre gouvernement n'était-il pas, quant à lui, parmi les instigateurs de la gestion comptable responsable du naufrage de l'hôpital public, de l'épuisement de la démissions de nombres de nos soignants ? [4]
Maîtres du « en même temps », vous n'êtes vraisemblablement plus à une contradiction près, quand après avoir été élus pour faire barrage à l'extrême droite, vous nommiez à l'intérieur un ancien de l'Action française se targuant d'être plus dur que l'extrême droite, et que vous donniez des promotions aux préfets réprimant le plus brutalement.
Pour ce que cela vaut – à mon sens pas grand chose - j'ai une formation d'ingénieur et d'historien des sciences, et comme tout un chacun je suis à même de prendre une décision libre et éclairée. Ce que j'ai eu l'occasion de faire au mois de juin dernier en décidant d'être vacciné, avant l'instauration d'un quelconque laisser-passer. Les informations dont nous disposions alors quant à l'efficacité des différents produits laissaient penser que la vaccination permettrait d'endiguer la propagation du virus. Étant jeune et en milieu urbain, cela me semblait une bonne idée de saisir l'opportunité de ne plus pouvoir transmettre le virus.
Même si le produit dont j'ai reçu deux injections a été plus tard retiré du marché du fait qu'il était à l'origine d'effets secondaires cardiaques légers [5], même s'il n'est pas impossible qu'il y ait d'autres effets secondaires comme une perturbation de cycle menstruel chez les femmes [6], je ne redoute pas particulièrement d'effets sur ma santé d'une hypothétique troisième dose.
Mais :
- selon toute vraisemblance et ainsi que le confirment les études les plus récentes, un rappel évite partiellement la contamination pendant quelques semaines seulement, donc serait nécessaire plusieurs fois par an, et ne permet pas d'endiguer la propagation du virus, en particulier des nouveaux variants ;
- l'Organisation Mondiale de la Santé répète depuis des mois qu'aucun pays ne sortira de la pandémie en administrant des doses de rappel et enjoint à ne pas procéder à des rappels alors que d'autres pays n'ont pas encore pu bénéficier ;
- personne n'est en mesure d'affirmer aujourd'hui qu'il est sage de s'injecter régulièrement les produits en question.
N'étant pas une personne à risque, et en considération des éléments ci-dessus, j'estime qu'il n'y a pas d'intérêt pour moi ou les autres à ce que je reçoive une injection supplémentaire prioritairement à des populations – souvent moins bien soignées - n'ayant toujours pas accès à une première injection. Par ailleurs, le sujet de la levée des brevets sur les vaccins semble s'être évaporé depuis des mois.
Ce virus ne sera pas le dernier. Le problème n'est pas tant le nombre de contaminations que la saturation et l'épuisement des services hospitaliers, dont vous êtes les premiers responsables. Les personnes malades, vaccinées ou non, ne sont pas responsables de votre gestion minable et méprisante de l'appareil de santé public. Elles ne sont pas responsables de la répression violente des manifestations de soignants, ni de leur démission.
Alors, pour ne pas perdre la face, vous faites diversion. Et pour mieux désigner l'ennemi, quoi de mieux qu'un passeport pour entraver ses libertés ? Ainsi, vous poursuivez votre banalisation des outils de contrôle. Sans date de fin. Les enfants grandiront désormais dans une société où, dès 12 ans, ils seront scannés pour accéder aux lieux du quotidien, où tous devront être contrôlés par tous, y compris les contrôleurs, pour s'assurer qu'ils contrôlent bien. Une société de portiques, où tous ne sont pas admis partout selon leur niveau de citoyenneté, aujourd'hui déterminé par le consentement à l'injection d'un certain nombre de doses de vaccin. Et demain ?
En créant de la discorde en cette période pré-électorale, en divisant, en stigmatisant une partie de la population qui ne demande qu'à ce qu'on respecte ses droits fondamentaux, vous ne faites pas mieux que les nationalistes xénophobes avec lesquels vous vous présentez en opposition.
N'oubliez jamais que vous ne représentez personne à part une petite clique d'individualistes bourgeois. N'oubliez jamais que vous êtes en sursis dans un pays où l'esprit et la pratique révolutionnaires aussi, font partie des traditions.
En un quinquennat, vous aurez largement piétiné ce qu'il restait de liberté, d'égalité et de fraternité dans ce pays.
Soyez responsables, dégagez.
Romain Boucher
[1]https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_europeennes/APCE/divers/2021_01_Textes_Adoptes_1re_partie_session.pdf : Cet avis rendu par l'Assemblée s'appuie sur un certain nombre de conventions et codes déontologiques, mais surtout sur l'arrêt Salvetti, stipulant que « en tant que traitement médical non volontaire, la vaccination obligatoire constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales ».