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Billet de blog 8 janvier 2016

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LE PRIX DE LA VIE OU LA GÉOPOLITIQUE DU SENTIMENENT…

Article écrit en mai 2015

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans toutes les bonnes familles religieuses ou agnostiques les parents essaient, en règle générale, d’inculquer aux enfants le bien, le mal et le respect de tous les êtres vivants de ce bas monde !

Une première exception arrive très vite avec les animaux que l’on ingère, car dans ce cas, et je peux le comprendre, les gens très sensibles ne supportent pas que on l’on abatte ces comestibles sur pattes dans la souffrance. Tandis que pendant ce temps là, notre société de consommation aseptisée accepte les images odieuses de guerres dans le monde en dînant sans broncher devant la grande messe du 20 heures, tous les soirs!

Eh oui, c’est amusant comme nous nous habituons aux images violentes dès que le sujet est loin de chez nous ! 

Nous sommes pourtant dans un monde globalisé, l’autre bout du monde est à quelques heures d’avions ou en instantané sur les chaines d’infos continues. Les migrations intensives de ces deux derniers siècles ont provoqué de larges métissages dans nos populations, mais ce constat n’empêche pas d’observer une petite tendance qui s’accroit ces deniers temps, notamment à cause du repli identitaire des uns et des autres. Tous égaux, oui mais pas tous pareils ! Force est de constater que nous ne sommes pas tous au même niveau. Cette démonstration mathématique chez de nombreux individus peut être qualifié de raisonnement par l’absurde. En fait, nous sommes tous pareils, mais pas tout a fait égaux, dans la tête de beaucoup trop de personnes en France.
Et dans ces conditions, qu’en est-il du prix que l’on donne à la vie ?

Notre société de consommation, bardée de Loi en tout genre, nous a déjà implicitement fait comprendre que la vie n’a pas le même prix dans tous les cas de figure.

On peut distinguer différentes inégalités de traitement qui tiennent, soit à votre façon de mourir, soit à votre qualité d’être humain et votre place dans la société ou dans l’idée patriotique que s’en fait le bon peuple.

Ainsi, vous voyagez sur une compagnie d’aviation de renommée mondiale qui, par solidarité, fait travailler les dépressifs, et patatra…c’est la catastrophe avec au bout du compte des centaines de morts. Vous tombez alors sous la convention de Genève et votre vie est estimée à 400.000€, plus le dédommagement négocié par la compagnie, afin d’éviter tout mauvais procès et toute mauvaise publicité.

Par contre, vous vous faites écraser sur un passage piéton par un alcoolique récidiviste, ou électrocuter dans un local EDF de la banlieue parisienne, par ce que vous avez osé fuir devant la police par peur, et hop, là comme par enchantement, votre « côte argus» fond comme neige au soleil. Le « pressium doloris » (le prix de la douleur en langage juridique) devra se prouver et vous valez dans ce cas précis, entre zéro euros, et pas grand-chose…voire moins que rien !

Vous êtes un chanteur populaire ou un politique connu et tout le monde chante vos louanges et vous pleure le jour de votre enterrement. Vous êtes le 47ème sans abris mort de froid, et l’on ne cite même pas votre nom et vous aurez droit au mieux, si un autre événement ne prend pas le dessus, à deux lignes dans la presse papier…

Beaucoup ont déjà énoncé que nous naissions tous égaux et qu’après cela, les différences entraient en scène. Mais avaient-ils prévu que sur l’échelle graduée mesurant l’importance de la mort et donc du prix de la vie, nous pouvions être en concurrence directe avec des choses immatérielles ?

Ainsi un attentat fait onze morts, et c’est toute une nation qui se lève. Non pas pour les morts (ou si peu) mais pour l’idée de la Liberté. Toute belle que soit l’idée, les morts ne méritaient pas le traitement de récupération (des médias comme des politiques) qu’on leur a infligé à eux, mais surtout à leurs familles respectives.

Et que dire encore des personnes qui sont bien trop éloignés de nous et nous ressemblent si peu…
Avec 22.000 migrants qui se sont noyés dans la méditerranée en 10 ans : mon Dieu est ce que les poissons sont en bonne santé à force de se nourrir de ces gens pas très catholiques ? Et combien cela va nous coûter pour arrêter tout cela ? Dans ce cas on ne parle plus du prix de la vie, mais du prix de la mort !!!

Et en Syrie et en Irak, l’Etat Islamique (EI) est en train de détruire le patrimoine mondial devant nos yeux effarés, et nous assistons benoitement, sans bouger un cil, à un « génocide de vieilles pierres », ce n’est plus acceptable « nondidju »! Des centaines de milliers de vies perdues dans ces conflits sont insignifiantes, au regard de ces impies en train de ravager le paysage des vacances dont nous rêvions pour l’été prochain! Quel grand malheur !

Ne vous méprenez pas, les Hommes et l’Humanité sont le produit de leur passé et de leur histoire ; et à ce titre, il est important de préserver ce patrimoine, bien sûr , mais il ne doit pas devenir une priorité sur la vie, bon sang! Pourquoi ce deux poids, deux mesures abjects?

La vie d’esclaves de ces petits asiatiques pour le bien de notre société de consommation, la vie de ces petits irakiens et syriens n’est-elle qu’une donnée sur l’échiquier géopolitique, en plus d’être un facteur d’influence sur le prix du pétrole engloutie par nos voitures rutilantes? La vie de tous les banlieusards de tous les pays du monde, est-elle moins importante que celle de nos dirigeants bien-pensants, évoluant dans les quartiers huppés des mégapoles du XXI é siècles ???

Alors non, la vie ne vaut pas la même chose pour tous ! Sa valeur est définie en fonction de ses origines, de sa couleur de peau, de sa religion ou de son mode de vie… Un pays tel que la France, qui se targue continuellement de la maxime symbolique : Liberté, Egalité, Fraternité, me paraît totalement indécent, quand je vois le traitement que subissent certains de nos frères humains ! Car nous sommes bien tous de la même famille avec un certains Adam ou Toumaï* comme ancêtre, selon les croyances de chacun.

Je pense sincèrement que nous ferions mieux de donner un bon coup de balai devant chacune de nos portes, et avoir enfin un peu de retenu et de compassion envers notre prochain, plutôt que de revendiquer chaque jour, notre inhumanité assumée.

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