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Billet de blog 6 janvier 2014

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C'est au spectateur de pleurer.

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C'est au spectateur de pleurer dit Sara Forestier dans un entretien à Télérama lors du dernier festival de Cannes. Elle ne le dit pas spécialement pour le film qu'elle vient présenter, Suzanne, mais d'une façon générale pour tous ses films, en tant qu'actrice elle dit qu'elle n'aime pas les acteurs pleurnichards.

Suzanne n'est donc pas un film pleurnichard, il m'a fait pleurer. Je remets le film sur le tapis, ici à Mediapart, dans ce billet d'abonné. Après la critique assassine d'Emmanuel Burdeau de mai dernier à l'issue de la présentation du film à Cannes et du billet plus louangeur d'un autre lecteur, Alexis Flanagan, lors de la sortie en salles en décembre.

http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/170513/etat-cannois-du-jeune-cinema-francais-1-suzanne-de-katell-quillevere

http://blogs.mediapart.fr/blog/alexis-flanagan/211213/suzanne-une-lente-emergence-hors-du-fantasme

Je ne suis d'accord ni avec Burdeau ni avec Flanagan.

Qu'est-ce que ça apporte de dire comme l'écrit Emmanuel Burdeau, « Il arrive en somme à Suzanne ce qu'il est arrivé à des dizaines de films récents, surtout français il faut bien le dire : l'ellipse y est autant une facilité qu'une élégance. », sinon de ressasser les sempiternelles comparaisons entre le cinéma français et les autres, en particulier l'américain. Quand je vais au cinéma je ne demande pas son passeport au film.

Père de la génération du père de Suzanne, admirateur de Pialat, de Sandrine Bonnaire, de Léonard Cohen j'ai sans doute été attendri par ce flashback vers la musique de mon propre passé, mais c'est  surtout l'expérience de la paternité, de l'amour paternel et filial qui m'a fait retrouver ma vraie, ma propre vie dans ce film. Putains de gosses vous nous en faites chier mais on ne cesse de vous aimer, vous ne cessez pas de nous aimer ! A moins d'avoir un coeur de pierre, je pense que la majorité des parents d'enfants aujourd'hui adultes,  qui ont vu le film me comprendront.

Alexis Flanagan parle d' « une lente émergence hors du fantasme » à propos de la vie de Suzanne. Pour ma part je ne vois pas Suzanne dans le fantasme, elle ne cherche pas vraiment à échapper à la réalité, elle a choisi de vivre sa passion amoureuse quitte à foutre dans la merde toute sa famille. Flanagan nous renvoie à la critique de Gérard Lefort dans Libération, dont il souligne honnêtement la différence d'appréciation d'avec la sienne. http://next.liberation.fr/cinema/2013/12/17/suzanne-flamme-liberee_967202

Lefort écrit: « Suzanne est le portrait d’une fille folle. Folle de vie et bientôt dingue d’amour pour Julien, un beau gosse de hasard qui va l’entraîner sur les chemins embourbés du banditisme (cambriolage, trafic de drogue). Parce qu’il vaut mieux vivre en quatrième vitesse qu’au point mort dans la peau flapie d’une secrétaire... »

Je n'ai pas eu besoin que Katell Quillévéré m'assène de longues scènes de sexe façon Kechiche dans la Vie d'Adèle pour comprendre que Suzanne et Julien sont dingues d'amour. Alors pourquoi reprocher l'ellipse à la réalisatrice? Au fait, y-a-t-il ellipse ? Tout est dit de ce qu'il fallait dire, les difficultés de l'éducation dans une famille monoparentale et prolétaire, la découverte du sexe dans l'indifférence, la difficulté de comprendre ce qu'est donner la vie, la découverte de la passion amoureuse, charnelle, de l'acceptation de l'autre avec tous ses défauts, l'acceptation de la sentence de la justice qui vous fait payer vos conneries, vous met en prison et arrache votre enfant de votre famille, du retour temporaire à la vie terne et normale, de la rechute après des retrouvailles où c'est elle qui frappe l'amant retrouvé. Julien n'est jamais violent avec Suzanne même quand elle se dénonce spontanément et le dénonce devant un flic...Lefort, toujours lui, écrit : « Cette façon de ne jamais s’attarder est une vraie politesse pour le spectateur, qu’on suppose aussi curieux et rêveur que le film. »

Et le même de conclure « Que nous dit Suzanne ? Qu’il vaut mieux brûler que s’éteindre. »

Il ne me semble pas que son père et son fils, à la toute fin du film, lui fassent le reproche d'avoir vécu. C'est un peu le retour de la fille et mère prodigue sans doute humanisée ce coup-ci par la mort de proches, sa mère, entre autres, depuis le début du film, et la venue d'un deuxième enfant, celui de l'amour, désiré cette fois-ci peut-on penser.

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