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Billet de blog 6 mai 2013

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Sternhell, Arendt et contresens

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je retranscris ici une de mes réponses à Fabié suite à son billet du 2 mai "Lire Sternhell : l'hydre est à nos portes". Je lui objecte que Sternhell, en 1983, n'écrit pas l'histoire d'individus mais donne du sens à l'Histoire en contestant celui donné par les historiens reconnus à cette époque.

Bien sur juger tel acteur ou tel autre est votre droit le plus entier, et moi-même je ne m'en prive pas, et notamment à travers les faits que Sternhell relate, mais là n'est pas le but de son oeuvre. Il ne révèle rien sur les hommes il cite des sources qui sont le plus souvent des publications d'historiens et non pas des investigations d'archives, simplement il conteste le sens que donne les historiens aux faits qu'ils relatent. C'est la thése de René Rémond figure tutélaire de l'université qui a longtemps donné le sens de l'Histoire officielle en France qui est combattue. En gros cette thése qui était reprise par la quasi totalité des historiens c'est que la France, vaccinée par son idélogie des droits de l'homme issue de 1789, avait échappé aux idées fascistes de l'affaire Dreyfus à 1940, et au fascisme après la catastrophe de juin 40. Depuis la première publication du livre de Sternhell, et grace à lui, les esprits ont beaucoup évolué. Il n'est peut-être pas pour rien dans la reconnaissance officielle par la France ( Jacques Chirac) de sa responsabilité dans la persécution et la déportation des juifs.

Vous dites: " Par contre, je ne comprends plus ceux qui, la guerre déclarée, gardèrent froidement leur foi fasciste et la mirent au service de la Révolution Nationale et des nazis."  Là aussi les contemporains réagirent chacun à sa façon. A titre d'exemple je citerai Henri Frénay, résistant de la première heure et créateur du réseau "Combat". Il était pétri d'idées fascistes et racistes et ne les a pas abandonnées le 18 juin 40, il vouait une grande admiration à Pétain, il a longtemps gardé un pied dans l'administration de Vichy et un pied dans la Résistance. Il s'est opposé à Moulin envoyé de de Gaulle pour unifier la Résistance intérieure. Son idéologie est celle de Barrès, celle de la terre et des morts, d'où son engagement contre l'envahisseur de la patrie mais pas contre l'idéologie nazie.

Je vous conseille la lecture du livre de Daniel Cordier "Alias Caracalla" où il relate son engagement personnel dans la Résistance de juin 40 à juin 43, de la débacle à la tragédie de Caluire. On voit le cheminement de ce jeune homme aux idées semblables à celles de Frénay, antisémite au départ, se transformer au contact de Moulin, son patron dans la clandestinité, en combattant du nazisme.

En quelque sorte il y a eu dans la Résistance elle-même ceux qui combattaient les allemands et ceux qui combattaient les nazis. Issu d'une famille de gauche, hostile au fascisme, horrifiée par le 6 février 34, par les Croix de feu, je peux dire sans l'ombre d'un doute que même là, dans ce milieu, être Résistant signifiait résister aux allemands.

Quitte à choquer plus d'uns je dirais que la France s'est très majoritairement abandonnée à la banalité du mal dont parle Hannah Arendt, elle-même peu encline à louer la patrie des droits de l'homme forte de son expérience du camp de Gurs. Arendt n'est pas plus tendre à l'égard des conseils juifs, judenräte, des camps de la mort. Lire Arendt aussi pour prendre conscience de l'importance de l'idéologie.

Stigmatiser untel ou untel n'est pas le propos, Sternhell rappelle qu'il avait d'excellents rapports avec René Rémond même s'il contestait sa production, et surtout, plus surprenant, Arendt a renoué contact avec Heidegger après 45.

Hydre à nos portes? Dans les têtes surement, les nôtres si nous n'y prenons garde.

Au fait, le titre du livre de Sternhell est "Ni droite ni gauche, l'idéologie fasciste en France".

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