Quelle coïncidence ! Hier, au moment même où celui qui est à l’origine de ses ennuis écopait de trois ans de prison ferme, Rémy Garnier recevait au courrier l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux. La juridiction a condamné l’État à verser 125 830 euros à l’ancien inspecteur du fisc lot-et-garonnais, deux fois plus que la somme allouée en 2014 par le tribunal administratif. Après quinze ans de guérilla juridique, cette décision sonne comme une véritable réhabilitation pour l’ancien limier surnommé « Columbo » par ses pairs.
Suspendu, placardisé, objet de vexations répétées, Rémy Garnier a vu la fin de sa carrière brisée pour avoir voulu rester coûte que coûte fidèle à un principe parfois perdu de vue dans les sphères de la Direction générale des finances publiques : l’égalité des Français devant l’impôt. En 2001, cela l’avait incité à marquer sa désapprobation après l’effacement d’un redressement fiscal notifié à la Coopérative France-Prunes. Quelques mois plus tôt, Jérôme Cahuzac, alors député de Villeneuve-surLot, était discrètement intervenu auprès du ministère de l’Économie afin que le fisc baisse pavillon. Rémy Garnier n’avait pu s’empêcher de faire part de son désaccord. Son administration l’avait alors pris en grippe. Loin de se taire, Columbo s’était rebellé, n’hésitant pas quelques années plus tard à mener en solo des recherches pour débusquer le compte suisse de Jérôme Cahuzac, dont il avait eu vent. Ce qui lui avait valu un avertissement signé du ministre du Budget de l’époque, Éric Woerth.
« Acharnement » Le déplacement d’office, l’affectation dans des postes dépourvus de réalité, l’engagement de poursuites disciplinaires infondées… autant de brimades qui, selon la cour d’appel, « révèlent de la part de l’administration un acharnement à l’égard de son agent ». Si le fonctionnaire a pu tenir des propos « excessifs » et rudoyer quelque peu son obligation de réserve, il n’y a pas lieu de lui en faire grief, ses philippiques étant une réponse au comportement « abusif » de son employeur. La Direction générale des finances publiques est sanctionnée pour ses fautes répétées et le harcèlement moral dont elle s’est rendue coupable. Mais les juges estiment aussi que Rémy Garnier doit être indemnisé pour son préjudice de carrière. Soit au total une addition de 125 000 euros.
« J’ai toujours eu un comportement exemplaire. Bien des gens ont eu la Légion d’honneur pour moins que cela », expliquait hier l’ex-inspecteur, pas revanchard pour deux sous. « Je vais passer pour un laxiste, mais je ne suis pas partisan de l’incarcération de Jérôme Cahuzac. La prison, c’est fait pour les gens dangereux pour autrui. Il aurait mieux vallu le frapper au portefeuille. »