rachel.saussereau

Abonné·e de Mediapart

7 Billets

0 Édition

Billet de blog 1 novembre 2019

rachel.saussereau

Abonné·e de Mediapart

Le jour où tu viens

L’alouette disparaît des campagnes.

rachel.saussereau

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Juste ouverte sur le jour où tu viens, ma porte laisse passer l'inaugural sombrero à plumes de paon qui couvre ma révolte et la fait perdurer. 

Longtemps, j'ai chahuté mes neurones. J'explorais. J'ai entendu des oraisons funèbres à la noce, et vu se répandre des virus de peur, de mensonges et de bluff. J'ai écouté le cœur d’aèdes me révéler certaines choses, et deviné les maillons qui faisaient naître des poètes. J'ai dispersé quelques atomes étonnants, me suis dilatée, épinglée au cosmos avec des épingles douces comme la langueur.  J'ai interrogé des conjonctions favorables, le hasard objectif. J'ai surpris des synchronicités. J'ai vénéré, et cette vénération s'est étendue partout, à tout. Je me suis écoutée me décalquer. Me suis vue me décliner. J'ai regardé l'horizon, avec un œil à tous les temps. Je me suis reposée dans le big bang. J'ai poétisé ma place dans l'univers. J'ai été absolue !

J'ai regardé l'absurdité en poussant à chaque fois un grand rire salvateur, issu toujours, du même mélange de motifs. Mais les motifs sont devenus tellement hideux que je ne ris plus.

Je rejoins à nouveau ce geste précieux de l'écriture, piste de lancement de  mon âme vers tes oiseaux, et je devine l'embrasement du ciel pendant que seul le feu éclaire mon feuillet mobile...Je t'attends, et te rejoins dans ces interludes de labiales encrées et vagabondes.

Les fenêtres ouvertes par nos échanges me reviennent. Je me répète, avant qu'ensemble, nous sautions dans l'inconnu, qu'avec une pissotière, ce souffle qui s'échine, n'importe quel regard de la main, ça ira, ça ira, ça ira,  et m'animera tout bas. Je me répète qu’un acte d'opéra, le boucan du combat, le rêve d'un hamac qui défie un lit de justice, la larme interdite qui éteint l'incendie, tout t'ira, tout t'ira, et ne t'abîmera pas..

 L'amour est la seule puissance.

Dehors, le vent dans l'été, les feuilles qui bruissent, la lumière mate de l'est, le chant de l'alouette. Ce piaf de mystère. Qui chante sans être vu. En vol pour la joie.

Dedans, l'attente de ta venue, la respiration des livres et l'épure.

Dedans, l’alouette. Ce rêve de poète ! Cette force vitale qui lie l'universel au singulier en un souffle rimeur dont l'essence est une sensation.

Pourquoi cette alouette ordonne-t-elle toujours de rendre visible l'invisible ? Les invisibles ? Quel air a donc soutenu le vol de la toute première alouette, qui fit rêver le tout premier poète? Par quelles coïncidences ? Quelles connexions ? Pour quelles beautés ?

 L'alouette disparaît des campagnes... Oh ! Voilà que mon feuillet mobile pâlit, et il passe à la fenêtre une aile noire à la forme d'une faux. Ma matière grise, automatisée par le délétère, s'illustre aussi en ces productions d'allégories... Mais elle ne s'illusionne pas !

J'ai respiré le trafic, assisté aux marées noires, vomi le détail de l'histoire. J'assiste à la maladie. J'aimerais maintenant l'oisiveté active du vide, sa luxuriance, ses promesses...Je suis nostalgique de la candeur.

J'aimerais ouvrir le feuillet, là où il danse et se fout du désespoir. J'aimerais l'ouvrir là où il donne à voir cette beauté qui nous dépasse, et qui veut se faire comprendre, toute de particules élémentaires, et qui veut qu'on s'aime, et qui agite des carottes pour nos recherches, notre création. Et qui veut nous faire tenir la lutte. 

J'aimerais assécher le lit de l'amertume et recommencer à rire.

 Posée devant d'autres angles, je tente dans le silence, de regagner les vitales clairières et les issues.

Encore cernée, infestée par les immondices, je me demande s'il y a encore des issues. Je t'aime. J'attends que tu entres et m'embrasses. Je pense à tes bras. Je veux te regarder. Te regarder suffit pour s'allonger dans les clairières.

Je voudrais démaquiller l'hypocrisie. Que le vrai visage hideux du maître se voit. Je voudrais oser dire ce que je vois dans la baguette du maestro. Je voudrais être la soliste qui l'accuse, et faire cette fausse note qui serait mon reste sain de dignité.

 Quand les rivières et les champs pouvaient encore permettre la contemplation sans ombres, on soulevait le rideau, on pouvait atteindre le clair, l'obscur, le voilé, le dévoilé. On pouvait aller jusqu'à l'escarpé, grimper encore, regarder en face, à droite, à gauche, en bas, au-dessus. C'était beau. Maintenant, on se sent sans cesse pris en otage, devenir paranoïaque, et on est dévasté. Avant, on pouvait croire encore aux derniers retranchements même si on savait que l'homme était un loup pour l'homme.

 L'alouette disparaît.

Le cri du poète ? Il doit ne pas se perdre dans la nébuleuse de la croissance de la barbarie. 

J’ai réécouté Aimé Césaire.

Tu vas arriver.

Tu arrives.

Dis-moi que ça ira.    

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.