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Billet de blog 26 septembre 2019

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Fonctionnement de la démocratie algérienne pré-coloniale

Je continue sur la démocratie en Algérie en abordant de plus près le fonctionnement de l'Assemblée. Le cœur et la source de tout dans cette organisation.

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La démocratie algérienne du 19ème siècle est une démocratie directe. Ce n'est pas une démocratie sans représentant, c'est une démocratie où l'Assemblée est souveraine comme dans la définition théorique de la démocratie. La démocratie directe a bien évidement besoin de représentants mais avec des statuts et une philosophie différente.  Les termes utilisés de façon abusive dans le cadre de la démocratie représentative retrouve leurs sens premier dans la démocratie directe. Le concept d'Assemblée Souveraine suffit à qualifier le modèle algérien. Un suisse qui dans son cadre de vie politique connait l'Assemblée souveraine a, je le pense, une connaissance concrète supérieure à la mienne sur le sujet et serait capable d'imaginer le système politique algérien sans avoir lu une ligne dessus !  On va quand même jeter un œil à son fonctionnement et sa politique philosophique.

Illustration 1
Assemblée démocratique algérienne

  Au 19ème siècle, dans toute l'Algérie, le jour de l'Assemblée était le mercredi. Elle se tenait sur la place de l'Assemblée traduit par les colons et le régime algérien par place du marché. L'Assemblée réunit tout les hommes qui la constitue. Personne n'est obligé d'être membre de l'Assemblée, c'est une adhésion volontaire et active. L'adhésion et la sortie de l'Assemblée est libre et non conflictuelle. La pensée politique algérienne a une exigence contractuelle très forte. Un vrai contrat doit toujours garantir le droit de retrait des ces contractants. Ce droit de retrait n'est jamais théorique et hante le contractant qui voit sa liberté limité par le contrat. Le contrat doit donc protéger la liberté des contractants et ne doit pas établir une soumission entre les contractants. Le droit de rétractation est donc fondamentale et le marqueur de la liberté pour les membres de l'Assemblée. Ce droit de rétractation marque la différence entre l'homme libre et l'esclave.

Il n'y a pas que les hommes qui participent à l'Assemblée. Les femmes âgées, les veuves ont le droit de participer.  L'entrée est libre. Une enfant pourrait prendre la parole et serait écouté si son discours est utile. Les femmes exclues de l'Assemblée sont celle qui sont l'enjeux de négociation matrimoniale. Le citoyen présent n'est pas représentant de son sexe comme le sous-entend notre mentalité politique mais représentant de sa famille et de son groupe.  Une femme qui par ces capacité ou par héritage à développer une activité économique forte aura sa place à l'Assemblée (de façon directe ou indirecte).  

L'Assemblée se tient en cercle. Tout les participants s'assoit autour du centre et forme un cercle. Personne ne se lève pour parler ! La prise de parole est réglementée. Une personne en colère ne peut prendre la parole. Les règles formelles et informelles n'ont qu'une finalité, un discours apaisé. Une infraction aux règles de paix menant l'Assemblée est sanctionné d'une amende.  L'amende peut frapper aussi celui qui fait perdre du temps à l'Assemblée. La prise de parole est une responsabilité. Un citoyen "expert" d'une question aura l'obligation d'être présent et d'intervenir  si cette question se pose à l'Assemblée sous peine d'amende comme pour le "sot".  Je met moins en avant les principes égalitaires que le principe de dignité, car mes lectures me donnent l'impression que c'est le concept de dignité qui explique cette recherche permanente d'égalité.

 On va retrouver ce thème de la dignité dans le mode de décision qu'adopte cette Assemblée. Pour prendre une décision, l'Assemblée doit être unanimement d'accord. C'est une démocratie conciliaire. Une démocratie qui recherche la conciliation. La conciliation ce n'est pas l'unanimisme sinon l'Assemblée serait ingérable. J'imagine que cela explique que l'Assemblée et son pouvoir ne s'étend pas à la chose privé. L'Assemblée s'interdit d'entrer dans le domaine privé. Elle se permet d'entrer physiquement chez le citoyen que dans de très rare occasion et sur motif de troubles à l'ordre public. Le citoyen est théoriquement responsable de l'ordre dans sa "propriété". Je mets propriété entre guillemets car il faut entendre ce terme dans une mentalité lignagère et aristocratique. Attention, le modèle s'applique en ville comme dans le désert, il se retrouve aussi bien quand le pays était polythéiste, hébraïque, catholique ou musulman. Imaginer ce qui sous-tend cette philosophie socio-politique est très difficile. Pour expliquer cette mentalité, il faut penser aux aristocrates armés du 16ème siècle et l'étendre à la hauteur d'un continent. Plus simplement, le minimun de dignité que mérite l'accueil et le traitement normal d'un humain correspond à celui d'un aristocrate en Europe. Si on lui manque de respect devant témoin, charge à lui de punir l'affront. La malédiction que constitue la violence en démocratie est ici diluée. Car, il faut savoir que la personne insultée n'a pas à rétablir immédiatement par la violence l'affront qu'il a subit. Il peut prévenir l'aggresseur du début des hostilités et l'attaquer où bien le faire attaquer par la suite. On est très loin de l'image d'une violence brutale ou morale comme en Europe. La violence comme dans la mentalité aristocrate est une modalité de gestion toujours présente. Manqué de respect à l'individu qui semble le plus insignifiant du monde peut entraîner une véritable guerre dans cette société. Cette réalité demeure en Algérie. Le respect due à l'individu est encore incroyable dans ce pays. 

Il faut que je revienne au système de prise de décision, mais une loi en Assemblée n'est qu'un contrat entre des milliers de contractants. Comprendre l'égo du contractant permet de comprendre l'idée de contrat. Il faut prendre une décision sans créer de division dans l'Assemblée. Trouver le compromis pour que les opposants lèvent leurs vétos. C'est un art de la négociation qui lui aussi est encore très présent et surtout éminemment pragmatique. Tout les moyens sont bon pour pacifier la situation. Il faut trouver des compensations, éviter les conflits. Les décisions de l'Assemblée ont une portée économique très concrète sur la vie des participants. A l'époque, il était interdit de mourrir de faim en Algérie. Les pauvres devaient être nourris par l'Assemblée et ces membres. Dans les obligations du citoyen, il avait d'accueillir à sa table les pauvres du village. Le pauvre est accueilli comme un égal, comme un pair. La générosité et l'absence de distance sociale que cela crée rend fou les ethnologues du 19ème siècle. Pourtant cette société est toujours présenté sous l'angle de la violence. Aux français d'origine maghrébine sachez que derrière le mot mangé se cache notre vieille Assemblée. Quand on dit "on va te manger", il faut entendre que avec les amendes que tu prendras on va s'acheter  de la viande et se la partager. Dans le droit Algériens, cela ce traduit par le vol de gourmandise. Comme personne n'a faim, les voleurs de nourritures le font par gourmandise. Si l'Assemblée s'occupe de distribuer la viande pour les plus pauvres et fait respecter leurs dignités, elles s'occupent bien évidement de maintenir et de développer les richesses.

La prise de décision peut paraître lente mais ce n'est pas le cas. L'Assemblée étant souveraine domine le temps comme l'économie et même la réalité étant donné qu'elle fait aussi office de médias. Cette notion théorique de maîtrise totale de la démocratie sur le réel est très importante pour penser ce type de mentalité démocratique. Dans ce type de démocratie, l'espace est défini par la présence des citoyens et non  pas le contraire. Il faut avant de proposer une loi se compter et ensuite rallier tout le monde au projet. Tout cela à lieu aussi bien à l'Assemblée que durant toute la semaine.  

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