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Billet de blog 4 avril 2019

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Nostalgie bien ordonnée commence par l'ici et le maintenant

Avez-vous déjà ressenti cette nostalgie de temps meilleurs où vous viviez au sein de votre famille comme d'un Eden, un paradis perdu ? Mais vous souvenez-vous seulement des émotions que vous ressentiez à l'époque ? Ne constatez-vous pas un profond décalage entre les sensations de l'époque et les représentations que vous en avez maintenant ?

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Ah la quarantaine et le "c'était mieux avant" qui vient doucement seriner sa musique mélancolique dans mon esprit ! Et la maison grande et spacieuse, et la famille tout autour, et le lycée, et le pays (ah ! le pays !). Or à l'époque, je ne rêvais que d'une chose, partir, tout quitter, et changer de vie en venant vivre en France ! 

Aujourd'hui je me rends compte à quel point j'avais objectivement toutes les raisons d'être heureux à l'époque, mais à quel point les quelques désagréments inévitables noircissaient l'ensemble du tableau, obéissant au vieux schéma du verre à moitié plein. 

Or aujourd'hui je recherche les musiques que j'écoutais à l'époque, et lorsque je vois des photos d'avant, un sourire attendri se dessine sur mes lèvres. Je me dis donc que je n'étais certainement pas aussi malheureux que je ne le pensais à l'époque, et qu'il y avait beaucoup à prendre à l'époque des conditions matérielles dans lesquelles je vivais. 

Bizarrement, la vie nous ressert toujours les mêmes plats tant que nous n'en avons toujours pas saisi le sens. Aujourd'hui je me sens habité par ce rejet de tout par haine d'une partie qui ne me convient pas. Et je me dis doucement que dans 20 ans, j'aurai peut-être cette nostalgie de ma vie de quadra parisien, qui peut voyager partout où il veut, qui vit dans une ville où il a toute sa place, et dispose de connexions sociales et familiales que d'aucuns lui envieraient. 

Bon bien sûr il y a des choses à améliorer, et heureusement ! Mais tant qu'on n'a pas la mesure de sa propre responsabilité de sa situation, il est impossible de changer quoique ce soit dans sa vie. 

Et sur le plan collectif me direz-vous ? Nous sommes victimes de ces coupes budgétaires qui ruinent nos écoles, ferment nos hôpitaux. La belle nature qui nous entoure est de jour en jour saccagée par une industrie polluante, et la planète dans son ensemble est sur le point de se transformer en étuve, sans parler de ces régimes autoritaires qui essaiment un peu partout dans le monde.Combien nous pouvons avoir cette nostagie de ces Trente Glorieuses où le plein emploi donnait à chacun sa place dans la société, du moins c'est l'image que nous en avons. 

Tant que nous ne nous donnons pas la responsabilité de notre situation, nous nous empêchons d'y changer quoique ce soit. Et quelle est la responsabilité de nos aînés lorsque le chômage était au plus bas et le syndicalisme au plus haut ? Quand les aspirations collectives étaient ancrées dans les consciences, que l'idée d'une société alternative ne semblait pas sortir de la tête d'un extra-terrestre, qu'ont fait nos aînés ? 

Ils ont tout simplement géré le quotidien, sans mesurer l'immense pouvoir de changer les choses dont ils disposaient à l'époque. 

Sur cette période on ne peut pas revenir, et malgré tout, grâce à leurs luttes, nous disposons encore de services publics et de matelas de sécurité collectifs qui font que cette société tient encore la route. 

Mais qu'en sera-t-il une fois le dernier conquis social détricoté, le dernier fleuron de l'industrie nationale démantelé ? La société ne sera plus qu'un amas de ruines où les plus pauvres vivront dans des friches industrielles tandis que la minorité fortunées sera barricadées dans des villes ou quartiers privés. 

Avant d'en arriver là, il faut absolument prendre la mesure de ce qui nous reste comme outils de lutte, partis, syndicats, et de conquis sociaux. Et prendre conscience que sans appropriation sociale du système de production, il ne sera possible de lutter ni contre le gaspillage, ni contre la pénurie. 

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