Travailler sur mon équilibre personnel a été à une période de ma vie une étape essentielle pour devenir un adulte viable, capable de vivre en société, en harmonie avec ses règles et mes propres désirs.
Ce qu'on appelle communément le "développement personnel" peut être vu par des personnes sincères comme une manière égocentrique "petite bourgeoise" de ne s'occuper que de soi et d'oublier la société qui nous entoure, mais pour moi il s'agissait sans aller dans les détails de corriger une trajectoire de vie qui n'allait pas dans le bon sens.
Mais l'erreur que j'ai faite à l'époque fut de détester la personne que j'étais et d'idéaliser la personne que je rêvais de devenir un jour.
Le philosophe Fernando Pesoa en parle très bien. Pour lui, d'après la compréhension que j'en ai eue, les personnes qui entament un travail sur elles alternent entre haine de soi et idéalisation de ce qu'elles veulent devenir. Et pour le philosophe portugais, la solution réside à s'aimer dans sa propre transition.
Il en est de même pour une personne qui milite dans un syndicat, un parti ou une association qui œuvre d'une manière générale pour le progrès social. Il peut y avoir d'un côté une juste réprobation des injustices actuelles et de l'autre une idéalisation un peu naïve de la "société de demain".
Mais la lutte contre les injustices d'aujourd'hui et la préparation de la société de demain ne sont nullement incompatibles, comme l'a révélé Lénine dans son livre "Que faire ?", où il explique justement que les luttes contres les injustices actuelles doivent porter en elles les germes de la société à laquelle il aspirait.
Et dans son combat contre les gauchistes qui idéalisaient la révolution russe et voulaient la copier à l'identique dans leurs pays respectifs, il leur répétait que la théorie n'est bonne que si elle est appliquée en l'adaptant au contexte de son application. En gros, les recettes miracle n'existent pas et on cuisine avec les ingrédients et les outils qu'on a sous la main mais sans oublier qu'on la veut, cette fameuse ratatouille.
Et en ce qui concerne le développement personnel, la même dérive existe chez certaines personnes, dont moi à l'époque où je l'ai entamée. C'est cette croyance que si j'applique telle technique, telle méthode etc, je deviendrai forcément cette personne que je rêve de devenir et effacerai à jamais cette personne que je fus.
Or rien n'est plus faux, et cette façon de faire ne fait qu'approfondir ses propres failles.
Il est certain que le parallèle entre individu et société est plus qu'aléatoire, mais d'une part, je suis un produit de la société, et d'autre part, par ma vie je produis et co-produis cette société par mes actions individuelles et celles que j'entreprends avec d'autres.
Donc ce qui est bon pour moi en tant qu'individu et être social est bon pour la société et inversement. Il ne s'agit pas de devenir un "colibris" comme professé par Pierre Rabhi, où il suffirait de papillonner dans son propre coin en se disant que ça va forcément influencer sur le reste de l'univers presque par magie. Je reste intimement convaincu que la connaissance objective des ressorts de la société par un collectif organisé d'individus doté d'un projet radical de transformation sociale est la clé pour le progrès humain. Mais ma conviction tirée de mon histoire personnelle est qu'il est important en tant qu'individu d'avoir soi-même guéri ses ressentiment hérités de l'enfance, et "digéré" son passé convenablement, pour qu'une fois arrivé face à des décisions importantes, on n'en vienne pas à confondre adversaires politiques et fantômes du passé.