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Billet de blog 16 décembre 2024

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Le calvaire de Sonia Dahmani, prisonnière d’opinion en Tunisie

Sonia Dahmani, avocate et chroniqueuse tunisienne, est emprisonnée depuis sept mois pour avoir dénoncé des injustices, le racisme endémique et les atteintes aux droits fondamentaux. Déjà condamnée à près de trois ans de prison, elle risque jusqu’à quarante années supplémentaires pour trois autres affaires liées à ses déclarations publiques.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis sept mois, ma sœur Sonia Dahmani, avocate et chroniqueuse tunisienne, est emprisonnée. Condamnée à près de trois ans de prison pour ses mots, elle attend encore trois procès qui pourraient la conduire à purger quarante années supplémentaires derrière les barreaux. Son crime ? Avoir dénoncé le racisme endémique en Tunisie, les inégalités et les atteintes aux droits fondamentaux. Aujourd’hui, elle survit dans des conditions inhumaines, abandonnée par les valeurs mêmes que nous clamons universelles : la liberté d’expression et la justice.

Une cible pour un pouvoir autoritaire

Sonia n’a jamais été une militante politique. Elle n’a jamais cherché à renverser un régime par des actes subversifs. Mais elle est une femme libre, une femme forte, une femme qui a refusé de détourner le regard devant l’injustice. En Tunisie, cela suffit pour devenir une menace. Une menace à réduire au silence.

Son arrestation, en mai 2024, a marqué le début d’une descente aux enfers orchestrée avec précision. La justice tunisienne, détournée de sa mission, est devenue une arme. Les tribunaux sont des lieux de spectacle, où la condamnation précède le procès. Sonia a d’abord été condamnée à huit mois, puis à deux ans. Trois affaires l’attendent encore, toutes liées à des déclarations publiques. Ce n’est pas la justice qui l’a jugée : c’est un système répressif qui tente de l’écraser.

Un calvaire quotidien

Mais Sonia ne subit pas seulement une persécution judiciaire. Chaque jour, elle endure des conditions de détention inhumaines. Sa cellule est glaciale, infestée de rats et de poux. Elle n’a pas mangé un repas chaud depuis sept mois. Elle se lave avec de l’eau gelée. Le froid a fait perdre toute sensibilité à ses mains. Depuis son arrestation, elle souffre d’hypertension et est devenue diabétique. Les soins qui lui sont apportés sont rares et inefficaces.

Pire encore, Sonia est isolée. Elle n’a ni télévision, ni radio, ni journaux. Elle ne peut parler à personne. Des centaines de lettres lui ont été envoyées, mais une seule lui a été remise. Cet isolement n’est pas un hasard : il est conçu pour la briser.

Et pourtant, Sonia résiste. Malgré les humiliations, malgré ce que nous considérons comme un viol orchestré par des gardiennes sous les ordres de la colonelle directrice de la prison. Ces actes, que nous avons dénoncés, restent impunis. En Tunisie, ce n’est pas seulement la justice qui est sourde : c’est tout un système qui protège ces violences.

Une voix qu’ils veulent éteindre

Mais Sonia est plus qu’une prisonnière. Elle est un symbole. Elle incarne une vérité que le pouvoir tunisien cherche à enterrer : celle du racisme structurel, des inégalités criantes, des atteintes aux droits humains qui gangrènent le pays. Sonia est une femme libre, une femme qui refuse de se taire. C’est précisément pour cela qu’ils veulent la réduire au silence, faire d’elle un exemple, un avertissement.

Mais Sonia ne regrette rien. Lors de ses procès, elle a affirmé : « Je suis la voix de ceux qui n’en ont pas. » Ce courage, cette détermination, c’est ce qui les effraie.

Où sont les défenseurs des droits humains ?

Face à cette injustice criante, où sont la France, l’Europe et le monde ? La France, patrie des droits de l’homme, reste muette. J’ai frappé à toutes les portes, supplié, crié. Rien.

Pourtant, des voix se sont élevées. Presque tous les barreaux de France, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers se sont mobilisés. Mais leurs appels se heurtent au mur du silence politique.

L’Europe détourne les yeux. Le monde libre, si prompt à défendre les droits humains quand cela l’arrange, reste immobile.

Un combat pour la justice, pas un cri de désespoir

Je n’écris pas pour m’apitoyer, ni pour supplier. Je n’écris pas non plus pour qu’on me plaigne. J’écris parce que le combat de Sonia est bien plus large que son propre sort. J’écris parce qu’elle est devenue, malgré elle, un symbole de tout ce que nous ne pouvons plus accepter : le mépris de la justice, la persécution des voix dissidentes, et l’indifférence complice des démocraties.

Si Sonia meurt, ce ne sera pas seulement une vie qu’on aura sacrifiée. Ce sera un message terrible : celui que la vérité n’a plus sa place dans notre monde.

Sonia ne doit pas mourir. Elle est la voix de l’injustice que nous devons dénoncer. La liberté de Sonia, c’est notre dignité collective. Sa survie est notre responsabilité.

Il ne s’agit pas seulement de sauver une femme, mais aussi de défendre un principe universel : la liberté d’expression, sans laquelle aucune société ne peut prospérer. Alors, je demande que justice lui soit rendue. Je demande que sa voix ne soit pas étouffée.

Libérer Sonia Dahmani, c’est libérer une vérité qu’on cherche à faire disparaître. Et c’est protéger ce qu’il nous reste d’humanité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.