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Billet de blog 30 avril 2020

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Réouverture des écoles: à vous de jouer

Les précisions, apportées par Jean-Michel Blanquer, sur le déconfinement des écoles, ne rassurent ni les parents d'élèves, ni les directeurs d'écoles, ni les collectivités locales...

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Serge, père d'un élève, ne confiera pas son enfant à l'école. Je suis un homme âgé et donc à risque, dit-il. Mon fils est bien à la maison... Pour Céline, la responsabilité des parents est engagée et cela relève de l'incapacité du gouvernement à prendre des décisions pérennes, si ce n'est celles qui s’avèrent souvent contradictoires. La mort dans l'âme, je serai sans doute obligée de mettre ma fille à la crèche. Il faut que j'aille au travail. Et mon patron, comment réagira-t-il face à mes difficultés éventuelles, de garde notamment ?

Question de sécurité

D'autres parents s'interrogent sur cette feuille de route que le Ministre va nous transmettre, estime JW, représentant des parents d'élèves. Il précise, dans une lettre adressée à la directrice de l'école de son fils, que cette question de la sécurité est essentielle, car les enfants seront incapables par eux-mêmes de respecter dans la cour, les couloirs, et probablement dans les classes, déjà bondées par leur grand nombre, les contraintes de distance et les gestes barrières, malgré toutes les précautions prises et les attentions vigilantes des adultes (...) Les enfants, étant porteurs sains, comment savoir lesquels seront contaminants ; et cela tous les jours car des enfants peuvent revenir un lendemain atteints, alors qu'ils étaient non-contaminés la veille ; comment les surveiller dans la cour et les couloirs pour leur interdire des contacts rapprochés qui mettraient les adultes en danger. Et du côté des adultes, les parents venant accompagner ou récupérer leurs enfants à la porte de l'école, s'organiseraient comment, pour ne pas enfreindre les règles de sécurité sanitaire, faire la queue sur le trottoir sans jamais s'approcher du surveillant qui laisserait passer leurs enfants ? Et pendant l'attente de l'arrivée de ses parents, l'enfant serait placé où et par quel biais serait-il averti de se présenter à la porte de sortie sans rencontrer de près d'autres enfants ou des adultes ? Et qu'en est-il des parents qui demandaient aux grands-parents de les aider à conduire les enfants à l'école ? Et comment penser les déplacements par bus scolaires vers l'école pour éviter les risques de contamination ?

De simples gardiens d'enfants

Les professeurs des écoles ne sont pas prêts, psychologiquement, à reprendre le travail, d’autant plus s’ils se considèrent comme de simples gardiens d'enfants. Raphaël, représentant d'une section syndicale qu'il ne veut pas nommer, s'insurge : Tous mes collègues ne sont pas contents. Ce qui les angoisse davantage, ce sont ces précautions permanentes qu'il faudrait prendre. Tous appréhendent l'arrivée d'une seconde vague de l'épidémie. Pourquoi sommes-nous les premiers à en pâtir ? Des collègues m'informent déjà qu'ils demanderaient des arrêts maladies. D'autres, pour des raisons de santé avérées, ne pourront pas revenir. Avec quel effectif allons-nous recevoir les élèves ? Puis, les nécessités, économiques et autres, vont pousser les parents à envoyer leurs enfants à l'école. Comment faire ?

Les directeurs des écoles attendent les directives qu’il faudrait respecter mais de quelle façon ? Nous ne sommes pas préparés à cette réouverture des écoles, fait savoir Jean, directeur d'une école primaire. Notre inquiétude est, avant tout, sanitaire. Les discussions se poursuivent au moment où je vous parle. Il est cependant incertain que nous puissions mettre en place tous les moyens nécessaires pour recevoir les élèves. Le maire pourrait prendre cette décision de fermer notre école. Il est réélu au premier tour, il peut le faire.

Question de responsabilités

Cette réouverture relève, par ailleurs, des responsabilités, du politique et du respect du Code de l'éducation. Le directeur d'école, indique un chef d’établissement rural éloigné, ne fera rien car le maire prendra la décision d'ouvrir ou pas, d'où un levier politique intéressant pour certaines municipalités qui voudront se démarquer du pouvoir actuel, un autre levier pour tous, par rapport au flou artistique des élections municipales dont personne ne sait si les élus du premier tour ne devront pas repasser devant les électeurs... Dans le 2nd degré, la responsabilité du Chef d'établissement est entière. L'article R421-12 alinéa 2 peut nous permettre de suspendre les cours, si nous jugeons que la sécurité sanitaire n'est pas garantie... Pour avoir discuté avec mes collègues, en qualité de responsable syndical, ils ont moyennement peur pour eux, côté maladie, mais peur pour eux, côté responsabilité : avoir ouvert, participer à une deuxième vague, être tenu responsable de ça... Et, comme pour l'instant rien n'est clair du côté « protocole sanitaire » (un autre flou artistique), un manque de communication s'installe entre les acteurs. Cela donne un sentiment de partir à la guerre avec un lance pierre et de joli habits rouges...comme en 14, et d'être protégé par Maginot comme en 39 ! Ah le poids de l'histoire ! Personnellement, je réunirai le CA, et n'ouvrirai pas l'établissement, si les conditions sanitaires ne le permettent pas.

Les maires sont remontés

Pour certains élus locaux, il est prématuré de parler honnêtement de la reprise. Il est, cependant, à signaler que beaucoup de maires sont « remontés » et chacun tente de trouver des solutions. La sécurité sanitaire pose problème. En effet, comment pouvoir protéger les personnels, les élèves, les familles, les agents, les ATSEM, les agents de service et auxiliaires de vie scolaire... ? Chacun fera à sa manière, fait savoir la présidente d'une association de maires. Les discussions vont bon train. Nous attendons. Mais une chose est certaine, un maire d'une localité rurale ne fonctionnera pas de la même façon qu'un maire d'une localité urbaine. J'essaie de calmer les esprits.

Inégalités

Cette reprise, en outre, va davantage créer des inégalités qui seront même accrues, affirme un universitaire. Qui va étudier, quoi et comment ? Cependant, les acteurs du terrain pensent déjà à fournir leur soutien. Christelle précise en préambule : Je suis « maîtresse E » (Enseignante spécialisée dans l’aide pédagogique) sur un secteur péri urbain et rural, soit un secteur de 12 écoles. Notre IEN n’a réuni son RASED que deux fois cette année. Il a "une entière confiance en notre autonomie de travail". Pour la reprise du 11 mai, poursuit-elle, nous avons envoyé un courrier à tous les directeurs pour dire que nous sommes disponibles pour penser l'accueil des enfants et des parents. Nous attendons les retours. Notre souhait est de penser, avec les collègues qui le souhaitent, des temps de réflexion collective, des temps de création coopérative et surtout éviter le retour à la fiche d'exercices individuelle. Nous proposons aussi des ateliers d'accueil des parents (comme nous le faisons à la rentrée en maternelle). Nous nous tenons disponibles, les lundi 11 et mardi 12 mai, pour passer une demi-journée dans les écoles élémentaires. Mais comme toujours, nous n'interviendrons que si les collègues sont en demande. Notre chance est que notre IEN nous fait confiance et nous laisse fonctionner. Ce qui me rassure sur cette expérience, c'est que les membres du RASED restent identifiés comme ressource pour les enseignants. La confiance, installée depuis des années, perdure et les modalités de travail, basées sur l'accompagnement, fonctionnent tout aussi bien à distance.

Propos recueillis par RAO et DS

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