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Billet de blog 1 décembre 2011

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L'affaire Cassez toujours aussi brûlante au Mexique

De nombreux lecteurs m'ont demandé en commentaires ce qu'il advenait de Florence Cassez, cette Française emprisonnée depuis 2005 à Mexico. Elle a été condamnée en première instance et en appel pour des délits d'enlèvements, après un procès truffé d'irrégularités et sur les bases d'un rapport de police qui ressemble fortement à un montage.

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De nombreux lecteurs m'ont demandé en commentaires ce qu'il advenait de Florence Cassez, cette Française emprisonnée depuis 2005 à Mexico. Elle a été condamnée en première instance et en appel pour des délits d'enlèvements, après un procès truffé d'irrégularités et sur les bases d'un rapport de police qui ressemble fortement à un montage.

Devenu une affaire d'Etat, le cas de Florence Cassez réapparaît régulièrement au rythme du feuilleton judiciaire (voir notre article détaillé ici), des ruades du président Sarkozy, ou des boules puantes que lancent les autorités mexicaines pour enfoncer un peu plus la Française.

Actuellement, Florence Cassez attend une décision de la Cour Suprême mexicaine qui pourrait confirmer ou invalider la peine de 60 ans de prison qu'elle purge ; ou demander une révision du procès.

Et alors que la campagne présidentielle démarre au Mexique, dans un contexte de violence toujours aussi intense, les autorités mexicaines ne semblent pas donner de signe de détente : la Française reste, pour le gouvernement, un symbole de la lutte contre le fléau des enlèvements.

Au mois de novembre, trois faits importants sont intervenus et montrent que le dossier Cassez reste très sensible pour le Mexique.

1. Des boules puantes contre Florence Cassez

Le 6 novembre dernier, El Día, une obscure feuille de choux, publie un article intitulé « Florence Cassez recrute des prisonnières pour mener des activités illicites ».

Dans un article qui pourrait servir de modèle à une leçon sur la mauvaise foi journalistique, le journal relaye des accusations de prisonnières de Tepepan (où est emprisonnée Florence Cassez), accusant la Française de mener des activités illégales.

Sans citer de noms et précédant les accusations du mot « présumé », le journal suggère que Florence Cassez chercherait à enrôler d'autres prisonnières pour se livrer des « activités illicites », sans en dire plus. Par ailleurs, le journal lance une salve contre Gerardo Fernández de Noroña, député de gauche mexicain, qui a pris fait et cause pour la Française.

Faisant d'une pierre de coup, le journal décrédibilise Florence Cassez et accuse le député de l'opposition de la soutenir !

Florence Cassez a dénoncé des ragots sans fondements. D'ailleurs, la police n'a ouvert aucune enquête à ce sujet.

2. Un rapport fouillé l'innocente complètement

Puis, mi novembre, la presse mexicaine fait écho au documentaire diffusé sur France 5, Florence Cassez, l'ultime recours. Dans ce documentaire, Pedro Arellano, alors secrétaire adjoint de la pastorale sociale de l'Eglise du Mexique, déclare avoir mené une enquête approfondie et discrète sur l'affaire Cassez, à la demande du Vatican. Sa conclusion est sans appel : il n'y a aucune preuve fiable contre Florence Cassez qui est donc innocente. Il a même ajouté : « Nous sommes tous comme Florence Cassez. Aider Florence c’est aider des milliers de personnes victimes de l’injustice au Mexique ».

Ce rapport, une véritable bombe contre la police mexicaine, avait été remis à la Cour Suprême mexicaine il y a plusieurs mois déjà, au titre de « l'Amicus curiae », du nom d'un document qu'un tiers peut remettre à un tribunal pour peser en faveur (ou pas) d'un prévenu.

3. Le prêtre est finalement démis de ses fonctions

Les conclusions de ce rapport sont alors massivement reprises par la presse, à la faveur de la sortie du documentaire. Certains journaux mexicains affichent alors des titres comme « L'Eglise juge que Cassez est innocente ». Lorsqu'on sait le poids que les autorités catholiques ont dans le débat public mexicain, ce soutien est de taille !

Le bruit qu'a provoqué le rapport n'a visiblement pas du tout plu à la haute hiérarchie catholique mexicaine très proche du PAN, parti de droite actuellement au pouvoir.

Pedro Arellano, prêtre à la sensibilité sociale forte (comme Alejandro Solalinde, qui défend le droit des migrants), a alors été démis de sa fonction de secrétaire adjoint de la Pastorale sociale, un organisme de défense des droits de l'homme, et qui dépend de la conférence des évêques du Mexique

Arellano reste cependant en charge de la commission pénitentiaire.

Si les autorités de l'Eglise catholique nient avoir sanctionné Pedro Arellano pour le rapport qu'il a piloté (27 enquêteurs, 44 pages), elles se désolidarisent cependant des conclusions de l'enquête. Hugo Valdemar, porte-parole de l'archidiocèse du Mexique (et adversaire de la gauche mexicaine), a déclaré qu'il ne correspondait pas « à l'Eglise mexicaine de déterminer ou non si une personne est coupable ou innocente », avant de minorer l'importance du rapport. « Le document émane d'une commission de la Conférence de l'Episcopat mexicain, mais ne représente ni les évêques, ni l'Eglise ».

Des déclarations qui peinent à convaincre. La destitution de Pedro Arellano ayant tout l'air d'une sanction.

Conclusion : l'affaire Cassez reste très sensible pour les autorités mexicaines -et leurs soutiens- qui ne semblent visiblement pas résolues à ce que l'innocence de Florence Cassez s'installe comme une évidence dans l'opinion.