L'année 2011 s'est mal terminée pour les défenseurs des droits de l'homme au Mexique. Par quatre fois, des militants ont été victimes de menaces, d'attaques armées tandis que certains d'entre eux sont toujours portés disparus.
L'Union européenne s'en est émue à travers un communiqué le 21 décembre dernier : "l'UE est très attentive à la situation des défenseurs des droits de l'homme dans le monde". Et de condamner fermement les responsables de quatre attaques :
>L'assassinat de Nepomuceno Moreno le 30 novembre dans le Sonora, membre du Mouvement pour la paix dans la justice et la dignité (MPJD) et qui recherchait son fils disparu depuis 2010. Cet assassinat rappelle celui de Marisela Escobedo en 2010, alors qu'elle exigeait l'arrestation du responsable de l'assassinat de sa fille. Cette mère était tombée sous les balles d'un homme de main, sur les marches même du palais du gouvernement de Chihuahua, provoquant la consternation au Mexique (voir images terrifiantes de la caméra de surveillance).
>L'assassinat de José Trinidad de la Cruz Crisóstomo, enlevé, visiblement torturé et retrouvé mort le 7 décembre dernier. Il était également membre du mouvement pour la paix, impulsé par le poète Javier Sicilia pour demander un règlement pacifique et social de la violence qui sévit au Mexique.
>L'attaque par balles contre Norma Andrade, fondatrice en 2001 de l'association de victimes Nuestras hijas de regreso a casa, qui a eu lieu le 2 décembre.
>Et enfin l'enlèvement le 7 décembre dernier d'Eva Alarcón Ortíz et Marcial Bautista Valle, militants écologistes de la montagne de Petatlán dans l'Etat de Guerrero.
Les deux militants sont toujours portés disparus, et la colère de leurs familles est forte lorsqu'on sait que deux jours avant leur enlèvement sur une route de la région, la commission des droits de l'homme de l'Etat avait demandé qu'ils soient placés sous protection rapprochée en raison des menaces qui pesaient sur eux.
Les faits tels qu'ils ont été rapportés par la police, la justice, des témoins et les filles respectives des disparus, indiquent une possible implication de la police locale ! Emblématique du climat d'extrême suspicion contre des forces de l'ordre souvent complices des crimes, au niveau local.
Le 6 décembre dernier, Eva Alarcón et Marcial Bautista, deux militants de l'Organisation des paysans écologistes de la Sierra de Petatlán (OCESP) du Guerrero, au nord d'Acapulco, voyageaient dans un bus de la compagnie Estrella Blanca pour gagner la capitale. Ils sont membres du Mouvement pour la paix dans la justice et la dignité qui réclame que la lumière soit faite sur les 50.000 morts depuis 2006, ainsi que sur les disparitions.
Le bus dans lequel ils voyageaient avait pour destination la ville de Tecpán, sur la côte Pacifique (voir sur Google Map). Et selon les témoins, cinq minutes avant d'arriver dans cette ville, un barrage militaire -comme il y en a beaucoup sur les routes des Etats sensibles du Mexique où transite la drogue vers les Etats-Unis- les retient. Le contrôle militaire se passe sans accrocs et le bus repart, mais le bus est de nouveau arrêté, par une camionnette supposément en panne, en travers de la route.
Des hommes armés entrent dans le bus et demandent « qui est Marcial Bautista ? Et avec qui voyage-t-il ? ». Selon des témoins toujours, Marcial Bautista a donné son identité, tout comme Eva Alarcon qui voyageait avec lui.
Les hommes armés leur auraient demandé de « prendre leurs affaires » en leur ordonnant de descendre. Ceci c'est passé dans les premières heures du 7 décembre. Depuis, les familles des deux militants qui s'opposaient au trafic du bois dans leur région qui est également sur la route de la drogue, sont portés disparus.
L'affaire se complique le 15 décembre lorsque 200 hommes de la police fédérale (réputée moins corrompue que la police locale) mettent en garde à vue 24 policiers municipaux et 4 agents de la police judiciaire de la ville de Tecpán, où les deux militants ont disparu.
Il ressort des déclarations qu'un commandant de police, Cesáreo Espinoza Palma, alias El Ganso, serait impliqué dans l'enlèvement. Il a été arrêté le 28 décembre.
Plus bizarre encore, le 22 décembre, lors d'une réunion avec les familles des victimes, les autorités de l'Etat du Guerrero ont sous-entendu que Marcial et Eva étaient encore vivants, sans donner plus d'explications...
Quelle est l'implication des autorités dans cet enlèvement ? A qui profite la disparition des deux militants écologistes ? Comment a pu se produire un enlèvement à quelques pas d'un barrage militaire ? Les autorités militaires locales ont démenti toute existence d'un barrage, ce qui brouille un peu plus les pistes. Pour l'heure, aucune nouvelle de Marcial et Eva.