Le matin lorsqu'il sort de chez lui, Sebastián prend son 4x4. Il le laisse au parking à la sortie de la résidence et prend le bus qui le mène au collège. Car Sebastián a 15 ans. Père investisseur dans le secteur pétrolier. Mère habituée des salons de manucure. Un petit frère. Une petite sœur, elle aussi blonde comme les blés. Tous les trois parlent aussi bien l'anglais que l'espagnol, leur langue maternelle.De retour du collège, Sebastián reprend le bus qui serpente vers les collines huppées de l'ouest de Mexico. Le voilà à chez lui, à Santa Fé. Rapide histoire de ce quartier :
Années 1960: l'exploitation minière qui caractérise la région devient impossible
Années 1970: Santa Fé devient une immense décharge publique
Années 1980: le gouvernement de Salinas de Gortari décide de créer un nouveau quartier sur le modèle de La Défense à l'ouest de Paris. Rachat des terres. Expulsions des populations pauvres.
Années 1990: les terrains sont répartis entre des habitations, des sièges d'entreprises, des terrains pour les universités privées et des centres commerciaux. On bétonne une autoroute.
Mais Sébastien réside dans entre deux collines éloignées de toute cette activité. Pour arriver chez lui, il se présente à l'entrée d'un tunnel routier, creusé dans la colline, dont la seule issue est la zone résidentielle. Le tunnel est privatisé. Mais le contrôle est assuré par des policiers municipaux. Il faut décliner son identité et le motif de sa visite. Où se trouve la résidence ? Ne cherchez pas sur le guide. Les habitants ont payé pour ne pas y apparaître.
Passé cette barrière, tout n'est que luxe calme et volupté. Les Ferraris et les Porsches dorment sous des bâches grises. Un enfant roux descend la rue avec une raquette de tennis accrochée dans le dos.
Un deuxième barrage de gardes. Et enfin l'immeuble. Œuvres d'art dans un hall parfumé. Un appartement par étage. Pour le loyer, comptez 5000 euros minimum. Vue sur les collines verdoyantes.
L'accès est difficile ? Qu'importe. La résidence compte tout ce qu'il faut de golfs, de piscines et d'amis. Pas besoin de faire ses courses. Ce sont les courses qui viennent à vous. Un camion de fruits et légumes s'arrête devant chaque maison ou immeuble. Les employées de maison font leur commande.
Le soir vers 17h, tout ce que ce « fraccionamiento », version mexicaine de la « gated community » compte d'agents d'entretien, d'ouvriers du bâtiment et d'employées de maison ne vivant pas sur place, quittent les lieux. Un minibus fait le tour des propriétés. Lorsqu'un visage nouveau apparaît, le chauffeur du minibus contacte immédiatement les gardes du portail de sécurité pour demander une « autorisation de sortie ». Le minibus se dirige vers la sortie. Une première barrière se lève. Une deuxième. Et les bidonvilles apparaissent. Juste derrière le mur qui entoure la résidence.