Après l'assassinat de son fils Juan le 28 mars dernier, le poète et écrivain Javier Sicilia a publié une lettre ouverte aux gouvernants et aux criminels du Mexique. "Estamos hasta la madre", "nous en avons plus que ras-le bol" s'écrie Sicilia.
Voici le début du texte, traduit par Courrier International:
Le brutal assassinat de mon fils Juan Francisco et ceux de Julio César Romero Jaime, de Luis Antonio Romero Jaime et de Gabriel Anejo Escalera [retrouvés morts, les mains attachés et avec des signes de torture le 28 mars] viennent s’ajouter à la longue liste de ces jeunes gens et jeunes filles sacrifiés aux quatre coins de notre pays. C'est non seulement la guerre déclenchée par le gouvernement Calderón [en décembre 2006] contre la criminalité organisée qui les a tués, mais aussi le cœur pourri d'une classe politique mal nommée et qui a perdu tout sens de l’honneur.
Nous en avons par-dessus la tête de vous, les politiques — et quand je dis politiques, je ne pense à aucun responsable en particulier, mais à une bonne partie d’entre vous, y compris ceux qui composent les partis. Car dans vos luttes pour le pouvoir, vous avez déchiré le tissu de la nation. Au milieu de cette guerre mal engagée, mal faite, mal dirigée, cette guerre qui a mis le pays en état d’urgence, vous avez été incapables de créer les consensus dont le pays a besoin pour atteindre à l’unité sans laquelle il n’y aura pas d’issue possible : vos mesquineries, vos bagarres et vos rivalités dérisoires sont passées avant tout. Nous en avons ras le bol parce que la corruption des institutions judiciaires donne lieu à des complicités avec les criminels et favorise l’impunité. Nous en avons plus qu’assez parce qu’avec cette corruption qui signe l’échec des autorités, chaque citoyen de notre pays est réduit à ce que le philosophe Giorgio Agamben appelle, utilisant un mot grec, zoe : la vie non protégée, la vie d’un animal, d’un être qu’on peut séquestrer, violenter, assassiner impunément.