Au pays des telenovelas, le ministre de la Sécurité Publique, Genaro García Luna -auteur du montage télévisé de l'arrestation de Florence Cassez- a franchi la ligne jaune en lançant une série télévisée à la gloire de la police mexicaine.
Les chiffres définitifs sont tombés : la série télévisée El Equipo diffusée sur la première chaîne mexicaine du puissant groupe Televisa a coûté 118 millions de pesos pour 13 épisodes. Le ministère de la Sécurité publique mexicaine (qui chapeaute la police) a déboursé 567 000 euros par épisode pour cet « advertainment » (contraction de « advertisement », publicité et « entertainment », divertissement) du nom de ces produits télévisés censés divertir les masses tout en les endoctrinant.
Déjà célèbre pour avoir organisé le montage télévisé de l'arrestation de Florence Cassez (voir notre enquête), García Luna confirme son attrait pour le petit écran.
Et pour cause, le Mexique est, avec la Colombie et le Brésil, l'un des plus gros producteurs et exportateurs de ces séries télévisées où abondent les poncifs d'une société inégalitaire : la servante qui tombe amoureuse de son patron, la fille de bonne famille qui s'éprend du jardinier au corps musclé etc.
Déjà les hommes politiques mexicains utilisaient la télévision à des fins de propagande, essentiellement grâce à des spots électoraux diffusés à toute heure et en toute saison, hors des périodes électorales. Certains de ces spots, parfois financés par des associations qui servent de paravent, présentaient notamment Andrés Manuel López Obrador (candidat de gauche en 2006) comme un dangereux gauchiste, aux côtés de guérilleros en armes...
Cette fois-ci, le ténébreux ministre de la Sécurité publique, Genaro García Luna, a débloqué 7,4 millions d'euros pour produire El Equipo, une série télévisée diffusée en mai derneir, et dont le sous titre « Eux savent que le bien peut vaincre le mal » est éloquent : il s'agit de vanter les bienfaits du travail de la police mexicaine réputée pour la corruption de ses agents. Si dans l'imaginaire, les Mexicains ont plus souvent l'habitude des policiers bedonnants à l'affût de la moindre infraction pour recevoir un pot-de-vin, la série montre des agents sveltes et propres sur eux, faisant don de leur personne à la lutte contre le crime organisé. Le tout dans des locaux aussi modernes que ceux de la CTU dans 24h Chrono... Mais la série a fait des faibles audiences par rapport aux chiffres réalisés habituellement à cette heure de diffusion.
Des élus de l'opposition mexicaine veulent lancer une procédure de sanction contre le ministre qui a engagé les moyens de l'Etat (la production a filmé dans les locaux de la police, avec les hélicoptères) à des fins commerciales.