Rasmiri

Abonné·e de Mediapart

4 Billets

0 Édition

Billet de blog 20 avril 2020

Rasmiri

Abonné·e de Mediapart

Le confinement en milieu carcéral : témoignages de détenus (3).

Voici la retranscription du témoignage de détenus qui souhaitent s'exprimer sur le confinement actuel, et plus globalement, sur leur situation en détention. Les difficultés supplémentaires liées à la situation sanitaire sont le révélateur, une fois de plus, des difficultés «ordinaires» rencontrées par les détenus au quotidien...

Rasmiri

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Notre Président nous a déclarés en guerre et il était courant, au temps de la Grande Guerre, de voir une marraine attribuée au soldat. C’est à nouveau fait. La nôtre, c’est madame Belloubet, mais avec une différence, c’est qu’elle écrit aux deux camps. En effet, il existe une différence entre la carte adressée à ses filleuls et la version originale. La promesse de mois de remise de peine supplémentaire donnés aux détenus méritants a disparu, ou presque, tant le nombre de détenus concernés est infime (moins de 5 ans avant la fin de peine, condamnation correctionnelle seulement, délits ciblés, etc). Finalement, les deux mois promis se sont transformés en remise de peine pour les détenus auxquels il restait deux mois à exécuter, donc ils se retrouvent en sortie sèche, ce qui, tout le monde est d’accord, facilite la récidive, sentiment d’ailleurs partagé par la pénitentiaire. Mais pour en revenir au courrier, le deuxième est bien plus intéressant puisque adressé à l’Assemblée, sous forme d’ordonnance dont il ressort que le délai de rétention des détenus, dans le cadre de l’urgence sanitaire, pour une réponse d’aménagement de peine, est rallongé. Donc l’impression que cela donne est celle d’une escroquerie.

Ici, une cinquantaine de détenus ont bénéficié d’une libération à deux mois de leur fin de peine. Mais nombreux sont ceux à qui il ne reste que 4, 3, 6 mois, des malades aussi, qui sont toujours écroués, malgré le danger dû à la proximité. Pas de mesures pour ceux-là... ce qui, lorsqu’on connaît les Juges d’Application des Peines d’ici, n’est pas surprenant. En effet, celles-ci bafouent allègrement les textes de loi, allant jusqu’à s’opposer aux transferts de détenus, ce qui habituellement, n’est pas la première de leurs missions en tant que JAP. Rien d’étonnant quand on connaît les penchants de l’une d’elles ici, qui regrette l’élection de Macron (on connait celle qui lui faisait face), et quand on lit certains textes qu’elle publie sur les réseaux cachant à peine ses penchants pour l’extrême droite.

Quant au reste des nouvelles du front, ici tout le monde reste dans sa tranchée, d’une part la pénitentiaire avec ses masques (partiellement), depuis le 2 avril (toujours pas de gants ni de gel), d’autre part les détenus, sans rien.

Les chiffres annoncés par le ministère prêtent à rire : une centaine de surveillants et quelques 40 détenus malades… mais en cas de chiffres plus élevés, comment faire pour confiner encore plus des milliers de détenus dans des établissements déjà bondés ? Quels surveillants vont accepter de s’occuper d’eux ?

Nous ne sommes pas une population à part, et on sait très bien que si on se met à dépister les empêchés, cela va être terrible. Alors comme on dit ici : “ Pourvu que cela dure, mais pas trop...”. A quand l’Armistice ? A quand le retour des parloirs ? Des activités ? Notre demande n’est pas d’être prioritaire, mais d’être pris en compte, surtout maintenant que l’on connait le fin mot des directives. Il n’y a aucune raison pour que la flamme soit réglée un peu plus fort, et que le rata, en plus d’être dégueulasse, déborde du chaudron…

Pour finir, ce qui risque de faire monter un peu plus les tensions est que l’approvisionnement n’arrive plus. Ici on travaille pour 1,80 euro de l’heure, le maximum est de 4 euros de l’heure, donc il n’est pas question d’avoir une épargne. Depuis que la gestion privée a débarqué, les prix flambent un peu plus à chaque fois… Au dernier catalogue de cantine, catalogue réduit au minimum, 120 produits ont augmenté, quasiment la moitié. Conséquence pour les "cantinages" : plus de courses, et surtout plus de tabac ni de café, soit l’essentiel de la cantine pour un bon nombre de détenus. Que faire ? Peut-être revenir à la fameuse dotation de la cartouche de Gauloise. La plupart de mes camarades détenus se sont vus escroqués de la télé et du frigo, alors que la location de ceux-ci devait être gratuite le temps du confinement. Il parait que nous allons être remboursés. Alors pourquoi ce prélèvement ? Pourquoi nous faire miroiter une telle gratuité, pour ne pas la respecter ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.