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Tribune 7 février 2025

Transition énergétique, nos territoires paient la note - L’exemple de la montagne de Lure

Nous, collectifs et associations citoyennes de la montagne de Lure, dénonçons les conséquences néfastes, dans nos régions, de l’accélération actuelle des énergies renouvelables dont nous sommes les plus proches victimes. Nous dénonçons la quasi-absence de concertation avec les populations locales, pourtant les premières concernées, dans la mise en place des politiques locales en matière d’EnR.

La politique gouvernementale en matière d’énergies renouvelables (EnR) en France fait l’objet d’un vif débat dans les médias nationaux. D’une part, l’accélération du déploiement des infrastructures solaires et éoliennes est largement soutenue par des acteurs du secteur énergétique ou de nombreuses personnalités politiques de premier plan (1), qui y voient un moyen de renforcer la souveraineté et l’indépendance énergétique du pays. D’autre part, une contestation de plus en plus affirmée s’affiche dans une série de tribunes, également cosignées par des personnalités politiques ou d’anciens hauts responsables du secteur énergétique, critiquant les conséquences économiques d’une stratégie de développement jugée trop coûteuse en regard de sa faible efficacité (2).

Nous souhaitons participer à ce débat en proposant un regard différent, celui des témoins de cette accélération en région rurale, et en discutant des conséquences de cette politique dans nos régions. Nous illustrerons notre propos en prenant l’exemple de ce qui se passe dans notre propre bassin de vie, en montagne de Lure.

La montagne de Lure est une aire classée réserve de biosphère par l’UNESCO. C’est une région au patrimoine naturel et historique encore (partiellement) préservé qui reste une destination prisée pour de nombreux touristes qui soutiennent l’économie locale. Ce joyau des Alpes-de-Haute-Provence est aujourd’hui menacé par une profusion de projets photovoltaïques. Sur une bande de quelques kilomètres de large au pied de la montagne de Lure, nous comptons 22 centrales solaires en construction ou en exploitation, pour une surface totale de 400 hectares. À cela s’ajoutent (pour l’instant) 13 autres projets encore à l’étude pour 450 hectares supplémentaires.

Selon les recommandations du Conseil national de la protection de la nature, ces projets devraient s’installer sur des surfaces déjà anthropisées, mais ce n’est pas le cas. Les centrales actuelles (et projetées) sont toutes situées en zones naturelles, principalement dans des forêts défrichées à dessein et, de plus en plus, sur des terrains agricoles. Cette stratégie d’implantation s’explique par des coûts d’installation plus faibles que sur des terrains déjà anthropisés. Ces projets sont aussi tous localisés à proximité des voies de communication, ce qui augmente leur impact paysager. Alors que ces infrastructures menacent de toute évidence l’attractivité touristique de cette région, et donc les emplois du secteur, l’exploitation des centrales solaires ne génère aucun emploi durable pour les populations locales. Sur le plan économique, les quelques subsides versés aux municipalités pour l’utilisation de leurs terrains sont sans rapport avec les bénéfices colossaux des centrales solaires qui profitent avant tout aux opérateurs, souvent des multinationales étrangères.

Malheureusement, rien dans la région n’incite à l’optimisme pour les années à venir, car les habitants découvrent régulièrement de nouveaux projets issus d’un démarchage musclé des opérateurs privés. De plus, la loi dite « APER » du 10 mars 2023 intensifie le mouvement par la définition de très nombreuses zones d’accélération (ZADER) susceptibles de recevoir de nouveaux projets en réponse aux exigences sans cesse croissantes de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), impératifs que reprend pour nos départements le Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

Nous, collectifs et associations citoyennes de la montagne de Lure, dénonçons les conséquences néfastes, dans nos régions, de l’accélération actuelle des EnR dont nous sommes les plus proches victimes.

Nous dénonçons les impacts écologiques de cette politique qui justifie la destruction d’habitats naturels riches en biodiversité au motif d’une décarbonation de nos énergies.

Nous dénonçons les effets négatifs d’une politique énergétique qui modifie en profondeur l’identité de notre région, en transformant une zone rurale préservée au caractère patrimonial en une aire industrielle de production d’EnR.

Nous dénonçons une stratégie régionale de déploiement des EnR qui tend à répondre aux exigences de la PPE, en négligeant les impacts économiques, patrimoniaux et sociétaux de cette politique.

Nous dénonçons les menaces liées au déploiement de l’agrivoltaïsme qui détourne les agriculteurs de leur métier premier, et augmente considérablement le prix du foncier.

Nous dénonçons la quasi-absence de concertation avec les populations locales (les enquêtes publiques ne sont qu’un simulacre de démocratie), pourtant les premières concernées, dans la mise en place des politiques locales en matière d’EnR.

Nous dénonçons enfin une politique énergétique qui ouvre la voie à un déploiement tentaculaire – incontrôlé – de projets dont nous ne maîtrisons pas encore toutes les conséquences sur nos territoires.

Les rassemblements citoyens d’Aubignosc, de Banon, de Cruis, de Limans, de Lurs, de Mallefougasse-Augès, des Omergues, d’Ongles, d’Oraison, de Redortiers, avec l’association des Amis de la Montagne de Lure (Amilure).

(1) Par collectif, Politique énergétique de la France : la raison s'impose ! La Tribune, 25 Janvier 2025.

(2) Par collectif, Nous dénonçons le développement à marche forcée des énergies renouvelables, Le Point, 1er Décembre 2024