
Dans le dossier AML, Jean-François Torelli avait perçu 690 000 € d'honoraires en 2003 Photo Majid Bouzzit
Plus d'un million d'euros perçus de façon douteuse. Des contestations de taxes, qui ouvraient droit à des centaines de milliers d'euros d'honoraires, qui posent question. Le dossier Torelli s'épaissit de plusieurs charges. C'est le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) qui a déclenché cette nouvelle salve qui pourrait vite intéresser la justice. Si, lors de sa mise en examen pour «abus de confiance aggravés», celle-ci n'avait reproché aucun enrichissement personnel à Jean-François Torelli, cette fois la donne change. Le dossier AML (Antoine Moueix Lebegue) livre ses premières bombes.
Dans ce dossier, Jean-François Torelli avait perçu 690 000 € d'honoraires en 2003. Des prélèvements validés par Jacques Boiteux, à l'époque président du tribunal de commerce de Cognac. En juin dernier, le mandataire judiciaire dans l'oeil de la justice a redéposé sept demandes de taxes: toutes d'un montant de 100 000 € chacune. Jacky Bouchaud, président du tribunal de commerce de la Charente, n'a pas signé de chèque en blanc. Il a réclamé des justificatifs. L'affaire en est alors resté là.

Mais les mandataires provisoires qui ont pris possession de l'étude de Me Torelli depuis sa suspension le 3 février, sont tombés sur d'étranges documents. Ils ont découvert des recommandés que Jean-François Torelli adressait... à lui-même. Recommandés dans lesquels Jean-François Torelli, représentant des créanciers de la Maison T. Ricard, une société de négoce de Juillac-le-Coq, contestait une créance de 20 millions d'euros à Jean-François Torelli, mandataire judiciaire de sept sociétés du groupe Antoine Moueix Lebegue. Une même créance, contestée sept fois: si le procédé est avéré, il aurait pu être juteux. La contestation de créance permet en effet au mandataire de prétendre a des honoraires s'élevant à 5% de la créance. Quand celle-ci est de 20 millions, le chèque peut atteindre 1 million.
Pour 1 million de taxes
Les mandataires provisoires ont aussi épluché plusieurs dossiers. Selon nos informations, ils ont tiqué sur plusieurs taxes dites d'article 84. Ce sont des taxes très spécifiques qui ne peuvent être autorisées que par le président du tribunal de grande instance ou le débiteur. Les mandataires ont découvert pour plus de 1 million d'euros de taxes pour lesquelles Jean-François Torelli ne pouvait justifier ni de l'autorisation du magistrat, ni de celle du débiteur. Ils n'ont étudié que deux années d'activité. Me Torelli exerce depuis 1989. À Angoulême, plusieurs de ces taxes ont été validées en son temps par Jean-François Vieira, alors président du tribunal de commerce de la Charente, qui n'en avait pas le pouvoir.
L'ensemble de ces éléments ont été signalés au CNAJMJ qui a demandé le report de l'audience de conseil de discipline de Me Torelli. Elle aura lieu le 25 avril. Le conseil national a déjà fait savoir qu'il demanderait la radiation définitive de Jean-François Torelli.
Mis en examen en septembre dernier pour «abus de confiance aggravés», il fait aussi l'objet d'une seconde demande de mise en examen dans le cadre du dossier Neilz. Début février, il a aussi été suspendu provisoirement par le tribunal de grande instance de Périgueux. Avec ce nouvel épisode, son avenir s'obscurcit. Et celui de son étude aussi. S'il est avéré que ces taxes ont été indûment perçues et qu'il doit les rembourser, l'étude Torelli aura du mal à s'en remettre. Sans parler d'éventuelles suites pénales. Depuis le début de l'affaire, Me Torelli nie en bloc toutes les accusations portées contre lui et a toujours indiqué être victime d'un complot.