Si nous n’érigions pas de statue nous n’aurions pas à les déboulonner.
L’idée est évidente, simpliste voire un peu idiote, et pourtant.
J’en appelle à une statue de la chanson française, Jacques Brel, dont un des textes me conduit à écrire celui-ci.
« Et j'aimerais que les enfants ne me regardent pas » La Statue 1987.
Le grand Jacques déplore que les hommes consacrent une œuvre honorant un « héros de guerre » dont la vérité, qu’il révèle, ne permet pas de penser qu’il la mérite.
Nous érigeons des statues, le plus souvent pour honorer nos morts ; pour les vivants, la statuaire relève de l’art d’accorder à certain-es une estime sociale supérieure en fonction de la valeur que nous plaçons dans leur travail, œuvre et fortune diverse.
Les bénéficiaires dotés des pouvoirs de statue entrent de fait dans une caste dont les droits et obligations relèvent de leur bon vouloir, leur désir, leur plaisir.
Une majorité de règles ne leurs sont plus appliquées.
J’en appelle à une autre chanson française Quand j’étais chanteur Michel Delpech 1975.
« Les gens d'la police
Me reconnaissaient
Les excès de vitesse
J'les payais jamais
Toutes mes histoires
S'arrangeaient sur l'heure
On m'pardonnait tous mes écarts
Quand j'étais chanteur »
Michel Delpech regrette le temps béni des exonérations.
En France, où le législateur veille sur nos existences, la Loi du 13 janvier 1942 régit l'érection des monuments.
Si ce n’est le ministre d’Etat chargé des affaires culturelles qui tamponne l’autorisation de l’élévation, c’est le celui du ministre de l’intérieur quand il s’agit de monuments commémoratifs, avec le ministre d’Etat chargé de la défense quand il s’agit de monuments commémoratifs de guerre.
L’érection de statue est une affaire d’Etat. C’est sérieux !
La scène française ne peut porter n’importe quel héros du roman national, et pourtant.
Nous avons bien entendu le Président de la République Française, M. Macron, intervenir sur une affaire judiciaire dans laquelle une statue du cinéma, dite Gégé, est mise en examen pour viol et agressions sexuels.
Le plus haut représentant de l’Etat intervient donc pour donner le ton. Statue, lui-même, il s’arroge le droit d’intervention au milieu de l’équilibre des pouvoirs, celui-là même qui devrait le porter à la réserve.
La Vème République a préféré statufier la fonction présidentielle et ne faire du pouvoir judiciaire qu’une autorité, quand l’exécutif et le législatif sont de réels pouvoirs. *
D’autant que le président de cette république n’est pas déboulonable, si ce n’est par la force, la maladie ou la mort .*
Nous érigeons tant de statues, commémoratives, honorifiques, sociales et politiques par nos croyances, nos phantasmes, nos espoirs.
Evidement ces érections sont masculines, les femmes ne sont élevées sur des piédestaux que pour 10% d’entre elles. Et encore, dans quels lieux, dans quelles postures le sont-elles ?
Si nous arrêtions de croire que certains d’entre nous méritent plus ou mieux, méritent notre permis d’enfreindre les règles communes. Nul n’est au-dessus des lois.
Reprenons le pouvoir commun qui appartient à tous et à aucun-e.
Stoppons les érections !
Nda
Dans le texte de la Vème République le rédacteur parle des pouvoirs législatif et exécutif, quand il parle non pas de pouvoir mais d’autorité judiciaire qui reste soumise à l’exécutif.
L'article 68 de la Constitution française définit les conditions de destitution du président de la République et les modalités de la procédure devant la Haute Cour.
« De 1870 à nos jours, une quarantaine de statues (37 exactement sur 350 dédiées à des personnages célèbres), représentant des femmes célèbres ont été érigées dans l’espace public parisien » Christel Sniter, docteure en sciences politiques « Les statues de femmes célèbres érigées à Paris de 1870 à nos jours. Entre lieux de mémoire et espace d’investissement (Femmes et villes, Presses universitaires François-Rabelais, 2004)