Voici quelques jalons légers, des « petits » faits de tous les jours qui illustrent des dérives initiées par les idéologies dominantes et que, pour cette raison, il est interdit de dire et d'écrire :
- Venus d'ailleurs, Jeanne et Jean ont rangé comme chaque année leur caravane sur notre aire pour trois jours avant de continuer leurs vacances itinérantes.
Jean martyrise son clavier en bout de table, mais l'abandonne par deux fois pour trier et laver la salade (la sempiternelle salade d'été comme dit mon fils aîné). Encore de lui-même, Il met aussi la table et aide à la débarrasser. Jeanne, elle, ne semble pas concernée par l'intendance. Elle évite de circuler près de la cuisine aux heures critiques. Cependant elle arrive très vite quand, à l'heure des repas je secoue la cloche à vache et s'assoit aussitôt à table avec conviction et détermination.
Le premier jour je remarque que notre ami Jean a apporté à table le livre qui l'accompagne depuis son arrivée et qu'il couve comme un précieux viatique. Au cours du repas il nous lit d'autorité l'une des histoires dont est composé l'ouvrage. Il s'agit des supputations de deux prisonniers du goulag en commando dans la forêt par moins trente au thermomètre.
Peut-on juger de quelque chose lorsque la connaissance objective de ce quelque chose est nulle ? Tel semble être le débat choisi par l'auteur qui illustre celui-ci en attribuant l'étude du capitalisme comme sujet de conversation à ces anciens universitaires condamnés à bûcheronner en Sibérie et donc coupés totalement du reste du monde et notamment du capitalisme.
La réponse est évidemment non, comme le confirme la conversation supposée qui adopte des conclusions parfaitement erronées.
Cette histoire n'était qu'une entrée en matières. Notre ami Jean est passé derechef et avec une certaine ostentation aux suivantes, toutes susceptibles, dans quelque agora que ce soit, de lui valoir une approbation de circonstance, nonobstant certains silences globaux et le silence soupçonneux de certains.
La deuxième histoire mettait en effet en scène un horrible barbu religieux qui imposait la Loi à son épouse, la troisième caricaturait un autre religieux qui accusait sa conjointe d'avoir réceptionné Satan dans son corps parce que celle-ci, la nuit venue, refusait de prendre le risque de donner naissance à un neuvième enfant. Enfin, pour la troisième, l'auteur nous rapatriait pour fustiger les Bourguignons mâles attablés en troupe avec leurs épouses. Ces êtres de sexe masculin étaient décrits rouges et gras, confits dans leur machisme et leur sexisme dominant. Selon l'auteur ils considéraient leurs épouses comme égales à des pintades.
Mais les agapes ne s'étaient pas terminées comme prévu par ces Messieurs car une première Madame avait jeté son alliance sur la table et s'était levée, une deuxième avait fait de même puis toutes les autres les avaient imitées et ensemble le groupe des opprimées avait quitté définitivement la salle.
Bien fait pour les mâles oppresseurs, et bravo pour cette saine réaction collective féminine qui augurait d'un monde nouveau !
J'ai alors compris combien était précieux pour l'ami Jean ce livre qui le plaçait du bon côté.
Et en effet, fier de lui, il nous a regardés successivement à la fin de sa lecture pour bénéficier de l'effet produit par son engagement féministe. Il n'y eut pas de commentaires mais Jeanne se rengorgeait, tout comme ma cohabitante.
Quant à moi, je me suis tu, comme il se doit.
Ce n'était qu'un peu du quotidien (de loin le moins lourd d'ailleurs).
A la réflexion, pourquoi diable l'ai-je relaté?J'aurais eu tout intérêt à me placer, moi aussi, du bon côté.
Il faut que je réfléchisse encore...
Raymond SAMUEL
le 21 août 2016.