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Billet de blog 30 décembre 2012

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LA MALTRAITANCE INVISIBLE

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La maltraitance institutionnelle.
Comment ouvrir réellement un débat honnête sur ce sujet ?
Article 19 de la convention internationale des droits de l'enfant. (ONU 20.11.1989)  ratifiée par la France :
 - » Les Etats partie prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes les formes de violence, d'atteintes ou de brutalité physiques ou mentales, d'abandon, ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant  qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. »
Sur son site destiné aux enfants ce paragraphe  a été traduit par le Défenseur des Droits par ce court texte explicite :
« - L'Etat doit te protéger contre TOUTES les formes de violence et de brutalités physiques et mentales. »
La loi dit aussi que, pour un même acte délictueux ou criminel, un mineur est moins lourdement puni qu'un majeur.
Je vous donne maintenant ci-après le témoignage d'un enseignant  (Bernard DEFRANCE) qui compare la loi à l'usage :
« L'apprentissage de la loi suppose sa mise en pratique .
- Que se passe-t-il DANS LES FAITS, quand je perds mon sang-froid et que je flanque une claque à un élève (ça n'arrive jamais, bien sûr... : - le bon maître saura, par une autorité juste mais ferme, etc... etc..., vous connaissez le discours).
Qu'arrive t-il dans ce cas ?
Eh bien, une fois sur dix les parents qui surprotègent le précieux chéri vont protester et, éventuellement,  ME TRAÏNER EN JUSTICE.
En Justice, neuf fois sur dix ILS SERONT DEBOUTES..
Une fois sur dix ils viennent me trouver en me demandant de TAPER PLUS FORT parce qu'eux-mêmes ne savent plus quoi faire de leur voyou.
Huit fois sur dix, IL NE SE PASSE RIEN.
        - Que se passe-t-il, en revanche, DANS LES FAITS, si un élève, perdant lui aussi son sang-froid, me frappe ?
Eh bien, dans l'heure qui suit :
grève des collègues, titres dans les journaux, les sociologues de la « violence à l'école » s'abattent sur les plateaux de télévision, signalement au parquet des mineurs, déclarations ministérielles, délégations et, bien sûr, pour le gamin, conseil de discipline et expulsion. »
Ainsi, pour la sanction de cette infraction, l'école fonctionne à l'envers de la loi, le mineur est beaucoup plus fortement sanctionné que le majeur.
« Ne vous étonnez pas des résultats » ajoute Bernard DEFRANCE.
L'enfant a, en effet, une forte conscience de l'injustice.
Quant à l'APPLICATION de l'article 19, il n'en est pas question à l'école (ailleurs non plus).
En février 1922 l'historien Gustave DUPONT écrivait :
« La discipline de la maison (l'école) ne triomphait que par la force et n'agissait pas sur les consciences »
Cinquante ans plus tard historiens et philosophes dénonceront encore le caractère contraignant et coercitif du fonctionnement des établissements scolaires : silence dans les classes, élèves en rang dans la cour, dialogue inexistant avec les adultes, toute puissance des enseignants, travail ramené à la restitution passive des matières apprises.
En 1968 on dénonçait le lycée caserne ainsi que les punitions corporelles.
Quarante ans après, quels changements ? Malgré l'existence de délégués, pas grand-chose. Le collège et le lycée caserne sont maintenant entourés de hauts grillages assortis d'un gardien bardé de clés. La caserne dénoncée en 68 évolue vers la prison et les élèves font irrésistiblement penser aux détenus, ils sont enfermés (par trente du même âge) dans un lieu clos dont ils ne peuvent sortir qu'après en avoir obtenu l'autorisation, concentrés à heures fixes dans une cour bétonnée, ils doivent obéir au coup de sifflet, avoir toujours tort face à l'adulte, être jugés, etc...
Quant à l'école maternelle/primaire ses rythmes et ses exigences sont en parfaite contradiction avec les besoins des jeunes enfants .
Besoins :
Ne jamais être réveillé,
s'endormir et se réveiller près des parents,
se savoir aimé sans conditions,
pouvoir aimer sans démenti de la part de ceux qu'il aime,
se savoir protégé nuit et jour,
être entendu au moment précis où il appelle à l'aide,
 évoluer dans un milieu stable,
pouvoir expérimenter librement,
vivre hors des pressions, du bruit, de l'agitation, des ruptures de toutes sortes,
etc..
De la mauvaise foi à la trahison effective des enfants.
L'Etat est maltraitant, à travers l'école notamment . Les conséquences de la scolarisation sur la santé des enfants n'est jamais évaluée. De plus, la connaissance des besoins des enfants n'a jamais été une préoccupation pour l'Education nationale (en dehors d'une surveillance sommaire de la santé physique).
 Des conditions pathogènes sont infligées aux enfants. Personne ne cherche à les mettre en évidence. Elles ne seront jamais corrigées.
Le gouvernement et les enseignants ont pour mission de défendre les institutions et pas du tout celle de les changer. Les parent, quant à eux, pensent qu'ils n'ont pas le choix.
Réflexion d'une institutrice de petite section de maternelle :
« Non, ça ne m'inquiète pas. C'est comme ça. Ils viennent de la crèche ou d'un autre mode de garde, après ils iront à la grande école. Oui, c'est fatigant pour eux et pour moi, mais ils savent très bien quand ils doivent s'arrêter, ils deviennent malades, comme ça ils se reposent. C'est comme ça et personne ne veut que ça change, les femmes ne retourneront pas à la maison. »
Réflexion d'un parent :
« Il y en a qui pleurent pendant quinze jours ou plus. Ils finissent par s'y faire. »
Et en effet,  ils « s'y font » !
L'opinion générale qui imprègne notre culture c'est que les enfants sont naturellement destinés à devenir des voyous fauteurs de désordre. Dans cette optique, la bienveillance et les égards n'auraient d'autres effets que les encourager dans leurs mauvais penchants  et seule la coercition serait en mesure d'en venir à bout.
Cette terrible erreur est quasi officielle. Elle est bien représentée par notre Président de la République actuel Nicolas SARKOZY chantre de la répression et ennemi juré de la prévention.
Ainsi les particuliers, comme l'Etat, consciemment mais aussi inconsciemment, agissent à l'inverse de la loi en trouvant légitime de réserver les mauvais traitements aux enfants alors qu'ils ont, avec les adultes, des échanges empreints de respect et d'urbanité.
Leur culture est à première vue incompréhensible, car en effet, aucune espèce vivante autre que l'espèce humaine ne malmène ou maltraite ses petits. La sollicitude pour ses petits est forcément un réflexe naturel compte tenu des impératifs de la perpétuation de l'espèce.
L' idéologie foncièrement haineuse que nous connaissons à l'égard des enfants ne peut être que d'origine culturelle ou transmise par épigénétique.
Le souvenir inconscient de son propre statut d'enfant subi comme mauvais, ressurgit chez l'adulte devenu parent. Il transfère ce sentiment cuisant sur ses propres enfants, les considérant comme il a été considéré lui-même. Ce réflexe se double parfois chez ce parent, de la confusion entre le rôle de son propre parent maltraitant et le sien. Il endosse la personnalité de son parent et attribue son ancien état d'enfant maltraité à son propre enfant.
J'ai été le témoin de l'issue tragique de l'un de ces cas.
Certains adultes, humiliés, bafoués, rejetés dans leur petite enfance, trouvent un moyen de restaurer leur image d'eux-mêmes grâce au statut de « Plus Fort » qui leur échoit face à ces enfants « Plus Faibles » sur lesquels ils peuvent exercer sans risque une domination qu'ils ressentent comme salvatrice.
Un autre problème étant que plus le temps passe, plus les dégâts psychiques et affectifs s'étendent, car maintenant il y a uniformité des modes éducatifs et la maltraitance ordinaire atteint tous les enfants à quelques exceptions près.
Le stress intense et continu subi par les jeunes enfants pendant la période cruciale où l'essentiel de leur système nerveux se forme (entre la date de la conception et l'âge de six/sept ans) influe largement sur la construction du cerveau laquelle construction est, on le sait,  conditionnée par les informations qui lui sont fournies par l'environnement.
Dans les conditions de maternage et d'élevage telles qu'elles existent quasi universellement aujourd'hui, cet environnement est ressenti et enregistré dans l'inconscient dès le berceau comme hostile, dangereux, non secourable. Ces sentiments négatifs, enregistrés par le cerveau se manifesteront plus tard de façon d'autant plus incontrôlable qu'elles auront été acquises pendant la période pré-verbale. Reçus hors langage, ces ressentis ne pourront plus être reconstruits plus tard par une pensée portée par les mots.
Ces évènements font que, dans ces conditions, l'empathie est dans l'impossibilité de se développer, que l'estime de soi est amoindrie, voire détruite, que la confiance dans les autres ne peut pas naître, que se développe ainsi dès la petite enfance une culture de l'antagonisme, l'Autre étant perçu définitivement comme un risque, un danger, et même un ennemi.
Ainsi c'est bien entre les mains des adultes ayant autorité, parents et professionnels, que se trouve l'avenir de la société, de la même façon que c'est dans la  conception et la pratique de l'éducation telle qu'elle existe depuis toujours et spécifiquement quelques décennies qu'il faut rechercher la cause de « ce monde de brutes » et « ce monde de souffrances » qui est maintenant le nôtre.

Raymond SAMUEL

La Charge

26190 LEONCEL

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