Julian Assange est rédacteur en chef du journal Wikileaks qu’il a contribué à créer. Cette espace d’information en ligne n’est pas une source de piratage informatique, ni le rassemblement de lanceurs d’alertes, comme on l’a trompeusement déclaré, il s’agit d’un journal d’investigation en ligne. C’est à la suite d’une sérieuse crainte d’extradition vers les États-Unis (et non vers la Suède), qu’Assange demande en 2012 l’asile politique à l’Équateur. La Grande-Bretagne refuse de lui livrer un sauf-conduit et menace de l’arrêter s’il sort de l’ambassade. Pour éviter une extradition vers les États-Unis, Assange devra rester dans l’ambassade sans pouvoir en sortir, et sans avoir accès à des soins médicaux.
À l’arrivée du nouveau président équatorien, ses conditions de séjour dans l’ambassade se dégradent, on le coupe virtuellement du monde extérieur, avec des visites limitées pour ses avocats. En réalité, le nouveau gouvernement équatorien certainement en relation avec les gouvernements anglais et américain, on cherchait à le briser physiquement, moralement et psychologiquement pour le faire sortir de l’ambassade de sa propre volonté. Mais ce jour n’arrive pas, après sept années de confinement dans l’ambassade, Julian Assange est enlevé par la police anglaise en avril 2019. Il est actuellement détenu à Belmarsh, une prison anglaise, surnommée le Guantanamo Bay britannique[1].
La plupart des grands journaux ont utilisé les informations que révélait Wikileaks, le Guardian, le New York Times, le Washington Post, Der Spiegel, El pais, le Sydney Morning Herald, et Republica etc. sans jamais verser un centime à Wikileaks, ces journaux ont pu augmenter leur publication et s’attribuer à bon compte les louanges de ce véritable journalisme d’investigation. Sous la peur d’être eux-mêmes poursuivie par le gouvernement américain, les rédacteurs en chef du Guardian et New York Time n’hésite pas à discréditer Julian Assange, et comme le dit Margarita Simonian : ces médias se condamnent à une honte éternelle ; traitant leurs rédacteurs-en-chefs : de lâches et d’hypocrites au service du pouvoir.
Ce que l’on reproche à Assange c’est actuellement d’avoir trop bien fait son travail de journaliste. Il dévoile les exactions des pays occidentaux et spécifiquement ceux de l’impérialisme américain : il dénonce Hillary Clinton comme une partisane et bénéficiaire du jihadisme en Syrie ; mais aussi les conseils des ambassadeurs américains sur les meilleures façons de renverser les gouvernements du Venezuela, et de Syrie ; les mensonges du Foreigh Offices britannique et leurs dénis des droits des habitants des îles Chagos. Entre autres, Wikileaks a diffusé des vidéos, comme Collateral Murder, où l’on peut voir les persécutions immondes de drones américains qui tuent des civils innocents en Afghanistan et Irak. Dans cette attaque, toutes les personnes assassinées par les soldats américains sont des innocents civils parmi lesquels deux journalistes, 1 enfant, et une petite fille blessée. Aucune des personnes tuées n’avaient une arme, aucune arme n’a été trouvé sur les lieux. En voici un extrait :
Carlos Ghosn possède trois nationalités : Libanaise, Française et Brésilienne devient PDG de Nissan en 1999, de Renault en 2005, puis de Mitsubishi en 2016[3]. En 2017, il cumule trois salaires d’un montant total de 15 millions d’euros.
Le 19 novembre 2018, il était incarcéré au Japon, la justice japonaise lui reprochant un détournement de fonds d’un montant allant de 140 à 300 millions de dollars[4] et abus de confiance aux dépens de Nissan. On lui reproche d’avoir une comptabilité de l’ombre, une gestion mafieuse qui ne se conforment pas aux recommandations qui préconisaient deux administrateurs indépendants dans les entreprises japonaises. Il cumule tous les pouvoirs, le conseil d’administration de Nissan étant composé de personnes peu investi et ne comportant pas de comité pour pouvoir contrôler ni surveiller les décisions de Ghosn[5]. Toutes les dérives sont possibles, dérivent qui lui permettront de s’octroyer des enveloppes de 30 millions d’euros pour dépenser à sa guise, de décider de ses émoluments, et de s’attribuer des rémunérations secrètes[6].
En sus des détournements de fonds de l’administration et de la comptabilité fantomatique organisée par Ghosn, il pratiquait l’espionnage de ses salariés, des actionnaires et des membres de ses conseils d’administration.[7] Il met en place des moyens de pression rocambolesque pour obtenir la démission de deux de ses ingénieurs, il est obnubilé par l’espionnage, emploi des anciens de la DGSE, de la sécurité défense, de la direction de la protection ou encore de l’ex-sécurité militaire pour organiser des licenciements, espionner ses salariés et pratique l’intrusion informatique de données. De 2005 à 2009, en compte sept suicides chez Renault Yvelines.
Le 25 avril 2019 après 5 mois d’incarcération au Japon, il est mis en liberté conditionnelle et assignée à résidence à Tokyo, avec la possibilité de se déplacer à l’intérieur du Japon[8].
Fin décembre 2019, Carlos Ghosn organise son exfiltration du Japon dans une malle pour instrument de musique par deux barbouzes américains Michael Taylor ancien béret vert est George-Antoine Zayek, ancien militaire en Irak, deux têtes visibles d’une organisation plus vaste. Il atterrira le 30 décembre à 5 heures du matin à l’aéroport Atatürk d’Istanbul, et redécolle immédiatement pour atterrir à 7 heures 30 au Liban.
Henry David Thoreau, dans la désobéissance civile écrivait: « Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la place de l’homme juste est aussi en prison. »[9]
Et en effet c’est vrai, Assange est en prison et Ghosn est libre. L’organisation de l’évasion de Carlos Ghosn aura mobilisé 25 personnes et couté 6 millions d’euros, ajouté à cela les 12 millions de cautions versées au Japon, dont 8 pour sa mise en liberté conditionnelle, un total de 18 millions d’euros. Sans compter les avocats, environ 60, mobilisés en France, au Japon, au Liban, aux États-Unis et en Hollande à cela s’ajoutent également les frais d’agences de communications : japonaise, américaine, et française. Ses procédures judiciaires lui auraient déjà couté 50 millions d’euros sur une fortune évaluée à 120 millions d’euros.[10]
Dans le monde néolibéral, l’argent est roi et permet tout sans impunité : on peut tuer et découper un journaliste dans l’ambassade d’Arabie Saoudite en Turquie sans que son commanditaire ne soit inquiété, et s’évader d’un état de droit comme le Japon, après avoir été assigné à résidence dans le pays. On peut commettre tous les crimes imaginables, les tribunaux ne semblent pas exister pour l’élites riches et pour les politiques, ils semblent être réservés uniquement pour les gens du commun.
Les médias européens nous ont bassiné sur l’injustice faite à Ghosn par le système judiciaire japonais, qui serait partial et où prévaut la présomption de culpabilité. On critique donc la justice à l’autre bout du monde, mais on est incapable d’avoir le même œil critique sur la justice européenne. La justice suédoise lance le premier mandat d’arrêt européen, jamais lancé auparavant, contre Julian Assange, basé sur 3 enquêtes préliminaires qu’elle clôtura le 18 novembre 2019 sans preuve. Elle n’avait rien pour pouvoir accuser Assange de quoi que ce soit, mais ce mandat d’arrêt lui aura couté 7 années de confinement dans l’Ambassade d’Équateur. En comparaison des 5 mois de Carlos Ghosn, on comprend comment la différence de traitement des États entre l’élite millionnaire et un simple éditeur.
Actuellement Julian Assange est détenu dans la prison de Belmarsh en Angleterre, en isolement cellulaire 23 heures par jour. Il déclarait dernièrement à un journaliste britannique de RT : « Je meurs lentement ici ». Le docteur Niel Melzer, rapporteur spécial de l’ONU, déclare qu’il présente des signes de torture psychologique. On écoute sa déclaration:
Belmarsh est une prison de catégorie A, le niveau d’enfermement le plus élevait du système pénal britannique, elle est destinée aux prisonniers très dangereux, aux meurtriers et à ceux susceptibles de tenter de s’échapper[11]. Le type de prison parfaite pour Ghosn, mais certainement pas pour un rédacteur en chef de journal, pour qui la justice britannique n’a aucune accusation.
Assange n’avait pas 50 millions d’euros pour pouvoir s’échapper de l’ambassade d’Équateur, mais peut-être même, que cet argent n’aurait pas suffi, car ce qu’il mettait en danger, c’était le statu quo que les millionnaires, les dirigeants politiques, l’élite des démocraties représentatives occidentales et auparavant les rois et aristocrates ont mis tant d’énergie à préserver, c’est-à-dire organiser la politique et l’économie du pays pour qu’elle leur soit bénéficiaire, pour qu’elle profite aux intérêts privés, à leurs intérêts.
Ce statu quo se définit ainsi : la politique et l’économie sont faites de zones d’ombres, accommodez-vous-en, et laissez-nous prendre les décisions qui nous vont bien, et toute personne qui compromettra cette sclérose démocratique se verra persécutée. Le vrai journaliste d’investigation est l’ennemi de ces zones d’ombres, tant chéries par l’élite au pouvoir. Ainsi le Ministère de la Défense du Royaume-Unis publiait un document secret qui décrivait les principales menaces à ce Statu quo : entre autres il nommait les journalistes d’investigation parmi ces principales menaces[12].
Michael Ratner, garde des Sceaux américain disait : "Ne doutez jamais de la fausseté et de la cruauté de l'État. Il fera des parias et des marginaux de ceux qui seront un jour reconnus comme des héros ".
Dans le roman American Psycho, Breat Easton Ellis a bien décrit le pouvoir de l’argent et comment il peut absoudre l’élite de toutes condamnations de justice et octroi tous les droits sur les autres êtres humains, même celui de le tuer. La société néolibérale leur garantit l’impunité la plus totale, comme s’il n’y avait pas de tribunaux sur terre qui soit en position de les juger, de les condamner. Ainsi l’élite financière et politique se cache derrière des mensonges toujours plus flagrants et favorise la société du secret dans les hautes sphères sociales et dans l’État.
Il ne faut donc pas s’étonner si l’élite hait des personnes comme Julian Assange et fait tout ce qui est possible pour l’isoler, le faire taire, et le détruire, car il faut décourager que cette forme de désobéissance se propage, il faut garder les zones d’ombres et préserver la société du secret.
Michel Raimbaud dans son livre Les guerres de Syrie à écrit : « Dans les Grandes Démocraties, rien n’est tabou à part l’essentiel. »
Cela nous étonne-t-il encore, lorsque l’on voit des pays qui se disent démocratiques, dont la France et les États-Unis, qui pactisent avec d’autre que l’on sait être les plus barbares de la planète, comme l’Arabie Saoudite et le Qatar, on leurs vendant des armes.
Mais comme avait dit l’ancien conseiller de Bush junior, Karl Rove : « Nous les Américains, nous sommes maintenant un empire, et lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité…C’est ainsi que les choses se passe et pas autrement. »
Pour finir, Lady Arbuthnot la juge qui présidait la possible extradition de Julian Assange vers les États-Unis et qui continue de superviser le procès est empêtrée dans une histoire de conflit d’intérêts, son mari ayant des liens avec l’industrie des armes aux États-Unis.
Il reste qu’il faut nous battre contre l’extradition de Julian Assange, qui avec Wikileaks a fait un travail extraordinaire et brillant. Ce travail a permis à tous les citoyens de voir les dessous d’une politique du meurtre, de la guerre et de la lâcheté, complaisante aux intérêts privés.
Jean-François Brient nous prévient : Dans la société néolibérale, « la liberté n’existe que pour ceux qui défendent les impératifs marchands. L’opposition réelle au système dominant est désormais totalement clandestine. Pour ces opposants, la répression est la règle en usage. »
RPNRG
[1] Julian Assange - Prisonnier politique depuis 2012, article dans le Grand Soir.
[2] Vidéo : Collateral Murder en Iraq, assassinat par un hélicoptère US, Wikileaks.
[3] L’affaire Carlos Ghosn vue du Japon, PAR THOMAS CANTALOUBE, Mediapart le, LUNDI 11 FÉVRIER 2019
[4] Carlos Ghosn, le PDG qui aimait trop les barbouzes PAR MATTHIEU SUC, article dans Mediapart, 19 JANVIER 2020
[5] L’affaire Carlos Ghosn vue du Japon, PAR THOMAS CANTALOUBE, Mediapart le, LUNDI 11 FÉVRIER 2019
[6] Comment Ghosn s’était concocté un magot de plus de 100 millions, Hervé Martin, Canard enchainé du 22 janvier 2020
[7] Carlos Ghosn, le PDG qui aimait trop les barbouzes PAR MATTHIEU SUC, article dans Mediapart, 19 JANVIER 2020
[8] Carlos Ghosn, le PDG qui aimait trop les barbouzes PAR MATTHIEU SUC, article dans Mediapart, 19 JANVIER 2020
[9] Henry David Thoreau, la désobéissance civile
[10] Carlos Ghosn, roi de l’évasion…des capitaux, Jean-Michel Thénard, Le Carnar Enchainé, 15 janvier 2020
[11] Julian Assange depuis sa cellule : « Je meurs à petit feu », 2 janvier 2020 ; Le grand Soir, sources RT News.
[12] L’arrestation d’Assange est une mise en garde de l’histoire, John Pilger, Investig’Action, 14 avril 2019