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Billet de blog 7 mai 2017

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7 mai 2017

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Est-il juste, ou au moins justifiable, de s'abstenir du seul droit que l'on me donne de décider de notre avenir en commun ? Si cette abstention mettait réellement en jeu notre avenir, alors ce serait injuste. Mais je fais le pari de la légèreté, le pari que tout est joué d'avance et que ceci est une mascarade. Si j'allais voter, j'aurais, à l'unisson, repoussé la menace du Front National au pouvoir. Mais ne pourrait-on pas dire ceci : le FN est déjà au pouvoir, puis qu'il est ce qui nous effraye le plus, qu'il est ce qui nous contraint d'agir contre lui et pour notre perte.

Un chose à souligner : je ne veux pas qu'elle passe, et je parie qu'elle ne passera pas, parce que mon action ne vaut que pour moi. Ca m'arrange que d'autres aient suffisamment peur pour la repousser. Mon choix ne vaut que pour moi. Et il vaut pour moi au sens où c'est un véritable choix, en tant que je me fais violence aujourd'hui pour ne pas céder. Ce faisant, j'entraine mon esprit à la violence et au renoncement nécessaires à la prise des forces qui veulent changer de paradigme.

Ce à quoi je dis non, c'est à l'unisson et la cette doxa qui veut nous faire croire qu'aujourd'hui nous avons le choix, que nous disposons d'un pouvoir qui passe par cette forme dévoyée de démocratie. Ce que je refuse, c'est d'être responsable de cet état de fait. J'assumerai les conséquences, en revanche. Mais aujourd'hui, ne pas y aller, c'est vraiment jouer, vraiment lancer les dés. C'est du pion devenir joueur. Irresponsable, oui, si l'on veut, mais dans tous les sens du terme.

En fait ce serait si confortable, d'aller ainsi se donner bonne conscience. Dire : j'ai fait ce que j'ai pu. Mais je crois qu'aujourd'hui, et très paradoxalement – mais le sens du paradoxe n'est-il pas la probité de notre époque ? - ne pas agir est un acte politique.

Ce parti de la haine, de la rancoeur et des boucs-émissaires a réussi à nous monter les uns contre les autres. Mais la doxa n'est pas une pensée, et elle ne fait que de remettre le problème à plus tard. Je n'ai pas envie de participer. Même si j'ai très peur.

Mais il va falloir s'y habituer à la peur, à la vraie cette fois-ci, à la peur qui n'est pas un simple épouvantail. Il faudra peut-être bientôt risquer sa vie pour défendre sa liberté. J'ai toujours pensé qu'en philosophie politique, le clivage se situait au niveau de la proportion liberté/sécurité. Macron c'est la sécurité de l'esclavage. On l'aura, pas d'inquiétude. Mais aujourd'hui j'ai en bouche le goût du risque politique et j'ai à apprendre de cette expérience.

Ca ne vaut que pour moi. En aucun cas je ne fais la leçon à personne. Chacun est juge. Et en cela je me démarque de la doxa : les autres sont pourvoyeurs de mots d'ordre. Et rien que pour ça j'ai envie de leur faire la sourde oreille. En marche tous ! Mais ce n'est pas eux, non pas ceux qui finalement par peur votent Macron, mais bien ceux qui insultent, qui agitent l'épouvantail, qui assumeront la moindre conséquence. Si Le Pen passe, ils diront qu'ils ont voté contre elle, et que les abstentionnistes sont les seuls responsables (même pas ceux qui ont effectivement voté Le Pen, ceux-là, ils ne cherchent même pas à les convaincre ni à les blâmer), si Macron passe, ils diront qu'ils ont voté par défaut, sans adhésion. Mais dire « il n'est pas le pire des deux » n'est-ce pas déjà adhérer ?

Ces deux choses, Le Pen et Macron, sont de nature différente et ne sont pas comparables. Les dés sont pipés. L'un est plutôt l'ombre de l'autre.

Je rappelle cependant que le vote est secret, afin que chacun puisse décider en son âme et conscience. Ces quinze derniers jours, on a eu tout sauf ça. On a eu l'injonction. Et là, on a déjà un climat délétère, celui où, au sein d'un même bateau, chacun regarde l'autre comme potentiellement responsable de la tempête.

Si demain les clandestins ne peuvent pas se faire soigner, je serai responsable. Le vrai martyr, c'est l'Autre, cette part étrange et maudite de notre humanité commune, cette part qui est sans voix.

Les responsables de cette alternative infernale, ce sont les lepénistes, bien sûr (mais dans quelle mesure sont-ils responsables de leur bêtise, de leur désir de solutions simplistes?), mais aussi et surtout ceux qui ont voté Macron. Par « vote utile » pour certains, car il incarnait la victoire au second tour contre Le Pen – dés pipés – et pour d'autres par adhésion. Petites mains aveugles qui s'accrochent à leur petite sécurité cancérigène. Ils seront responsables de fait que, demain, ceux qui n'ont rien à perdre et qui n'ont pas le sens des paradoxes mettront finalement au pouvoir le FN.

Il est peut-être temps que l'on souffre en pleine conscience, nous, les assis. Ils votent Macron comme s'ils allaient ainsi faire disparaître ceux qui votent Le Pen et leurs causes. Et demain ils resteront les bras ballants.

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