Le 5 mai denier, le pas encore président de la République Emmanuel Macron s'exprimait dans le cadre d'une interview accordée au journal Aujourd'hui en France.
A la question : "Vous avez multiplié les déplacements mémoriels dans cet entre-deux tours. Fallait-il comprendre en creux que Marine Le Pen représente un danger fasciste ?", il répondait : "Il fallait comprendre que nous avons une histoire et que la montée des extrêmes a des conséquences. Les racines du parti de l'extrême droite française viennent de là. Mme Le Pen, dans ses pratiques, n'a pas rompu avec cet ADN."
A la question suivante : "Elle n'est donc pas dans l'arc républicain ?", il répondait : "C'est toute l'ambiguïté collective dans laquelle nous sommes. Est-elle interdite ? Non. Elle est dans le champ républicain dans la mesure où elle a des élus de la République. Mais est-elle à la frontière du champ républicain sur beaucoup de sujets ? Oui. Dans son rapport à la presse -quand on moleste des journalistes dans ses meetings-, quand elle tient ses propos sur la liberté des femmes, des couples du même sexe, etc."
Un constat : Emmanuel Macron ne cite pas explicitement le rejet de l'Islam, le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie.
Une opinion : le fait d'avoir des élus ne suffit pas pour être dans le champ républicain.
Il est évident que dans une démocratie, l'interdiction d'un parti politique ne peut et ne doit reposer que sur des arguments de droit.
1° L'interdiction du Front National est justifiée sur le plan du droit constitutionnel.
En effet, la Constitution française stipule, dans l'article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui est son préambule, que "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits".
Le concept de préférence nationale, rebaptisée priorité nationale, qui est le coeur du programme du FN, est en totale contradiction avec la première phrase de notre constitution.Ainsi, les spécialistes du droit constitutionnel s'accordent pour considérer que cette notion est contraire et au texte et à la jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel.
Le Front National le "reconnait" en quelque sorte lui-même : dans son programme, figure l'inscription de la règle de la priorité nationale dans la Constitution.
Pour rester sur ce plan, la loi du 13 juillet 1990 stipule dans son article premier : "Toute discrimination fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite. L'Etat assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur".
2° L'interdiction du Front National est justifiée sur le plan du droit pénal.
Le Code de la sécurité intérieure stipule, dans son article L 212-1, que peuvent être dissous les groupes "qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence."
a) S'agissant du cercle des très proches de Marine Le Pen.
- Philippe Vardon : conseiller régional FN de la région PACA; leader de Nissa Rebela, branche niçoise du groupuscule d'extrême-droite le Bloc Identitaire; appelle ses militants à être "les dénonciateurs de la fracture ethnique" et "les défenseurs des petits blancs"; condamné à 4 mois de prison avec sursis et 10 00 € d'amende pour notamment "incitation à la haine raciale; membre de l'équipe de campagne présidentielle de Marine Le Pen.
- Fréderic Chatillon : ami depuis leur jeunesse de Marine Le Pen; ancien président du GUD, groupuscule "syndical" aux méthodes violentes de la faculté de droit d'Assas à Paris; homme-clé du financement du FN; proche d'Alain Soral, créateur du site antisémite emblématique de la fachosphère "égalité et réconciliation"; mis en cause pour propos néo-nazis comme l'a montré un reportage récemment diffusé dans l'émission "Envoyé Spécial" sur France 2.
- Axel Loustau : également ami depuis leur jeunesse de Marine Le Pen; conseiller régional FN de la région Ile De France; autre homme-clé du financement du FN; interpellé par la police, casqué, lors de violences commises à la fin de la "manif pour tous" au mois d'avril 2013; pris en photo lors de son anniversaire en train d'effectuer le salut nazi.
Point commun des deux derniers individus cités : dans la même émission de TV citée plus haut, on les voit filmés en 1992 en Espagne en train de se faire dédicacer le livre de Léon Degrelle, nazi belge fondateur du mouvement "Rex" dans les années 30, qui écrit :"Hitler c'était le génie foudroyant, le plus grand homme de notre siècle"; Axel Loustau le saluait en cette occasion en lui disant : "C'est un très grand honneur, mon Général."
- Jean-François Jalkh : figure historique du FN auquel il a adhéré à 17 ans en 1974; député FN de 1986 à 1988; participe à la cérémonie en hommage au maréchal Pétain en 1991 célébrée dans l'église Saint-Nicolas du Chardonnet à Paris, repaire connu des catholiques intégristes; auteur présumé de propos négationnistes et révisionnistes concernant les chambres à gaz et l'utilisation du gaz Zyklon B par les nazis et les SS; désigné président par intérim du FN par Marine Le Pen au cours de la campagne électorale présidentielle.
- Laurent L., alias Alex Vril : photographe attitré de Marine Le Pen pendant sa campagne présidentielle, présent lors de tous ses déplacements; sur Facebook, sous son alias, il s'active sur une page nommée "Ghettoinfini", ultra néo-nazie, sur laquelle les internautes discutent "beauté aryenne" et "homogénéité ethnique", encensent la Waffen SS et se parlent à base de citations de Himmler, chef de la SS et de la Gestapo et maître d'oeuvre de la solution finale.
b) S'agissant des élus, candidats et militants du Front National.
On ne compte plus le nombre de déclarations racistes, antisémites, anti-musulmanes, homophobes ou sexistes publiées sur Facebook ou Twitter.
Tout récemment, le site "Buzzfeed" relevait qu'une centaine de candidats FN aux élections législatives y ont tenu des propos de ce type, tels que "banania" associé à des personnes à la peau noire, "génocide blanc", lobby juif", "connards de français", "pédale" à propos de Pierre Bergé, volonté "d'exterminer les Comoriens", pour n'en citer que quelques uns.
c) S'agissant des prises de position ou des actes du Front National.
- Au mois de décembre 2015, à la suite d'un fait de délinquance très grave commis envers des pompiers et des policiers à Ajaccio, une horde d'individus s'est rendue sur les lieux des faits en clamant : "On est chez nous" (slogan classique des meetings du FN), "les Arabes dehors", "il faut les tuer"; certains d'entre eux ont brisé des vitres de portes de halls d'entrée de cette résidence et une vitre de voiture, saccagé une mosquée et brûlé des exemplaires du Coran.
Après ces évènements, le Front National a publié un communiqué indiquant : "...quand les citoyens voient des pompiers et des policiers pris en embuscade...il y a le risque évident qu'ils veuillent se faire justice eux-mêmes, et que des violences malheureusement surviennent."
- Pendant la campagne électorale présidentielle, à Toulon, se sont rassemblés environ 150 personnes, dont beaucoup d'élus et de militants du FN, qui ont empêché physiquement des personnes de se rendre au meeting que tenait Emmanuel Macron, certaines tentant de forcer le premier accès à la salle.
Emmanuel Macron a d'ailleurs cité ce fait lors du débat qui l'opposait à Marine Le Pen entre les deux tours de l'élection présidentielle.
- Il y a environ deux ans, lors d'un meeting, Marine Le Pen a déclaré : "En France, quand un pouvoir se met en place, il est toujours confronté à des contre-pouvoirs limitant ou empêchant la mise en oeuvre de ses projets : cela doit cesser" et "Si j'arrive au pouvoir, je serai dure avec ceux qui ne jouent pas le jeu".
Ce qui est très exactement l'annonce de la fin d'un système démocratique et de la mise en place d'un système néo-fasciste.
d) S'agissant des actes de Marine Le Pen.
- Elle a tout récemment dédicacé une photographie d'elle encadrée et exposée dans le bar "La Traboule" à Lyon, bar connu pour être le QG des militants du Bloc Identitaire de cette ville, en écrivant : "Pour la Traboule, très cordialement".
- Elle a participé comme invitée d'honneur, au mois de janvier 2012, au bal organisé par l'Olympia à Vienne; Olympia est une association d'étudiants autrichiens d'extrême-droite, interdite aux Juifs et aux femmes, et dont les membres ont pour mission de véhiculer des idées néo-nazies.
e) Pour conclure, un rappel historique sous forme de comparaison.
- "La France aux Français, l'Angleterre aux Anglais, l'Amérique aux Américains, et l'Allemagne aux Allemands." Adolf Hitler, le 30 janvier 1939.
- Nous ne voulons pas de de la (région) PACA black-blanc-beur, mais de la PACA bleu-blanc-rouge." Marion Maréchal Le Pen, le 5 juillet 2015.
- "Pour être citoyen il faut être de sang allemand." Programme du parti Nazi, le 24 février 1920.
- Suppression du droit du sol et réforme en profondeur du Code de la Nationalité Française...être français est un honneur." Programme du Front National, 2016.
- Adolf Hitler ferait quelque chose ! Il ne resterait pas là, muet à attendre que l'étranger ait envie de nous pomper encore de l'argent." Extrait d'un tract du parti Nazi du 24 avril 1932.
- "Mais aussi combien de services (hospitaliers) saturés par des étrangers et des clandestins qui bénéficient d'un accès gratuit aux soins, au détriment des français qui eux, non seulement doivent attendre, mai en plus doivent payer." Discous de Marine Le Pen, le 6 septembre 2015.
- "Je suis un nationaliste allemand. Je ne me reconnais que dans cette communauté d'hommes qui, liés par le sang, unis par la langue, sont soumis à un même destin." Adolf Hitler, Zweites Buch, 1928.
- "Pourquoi personne, à part nous...n'est là pour entendre le cri d'alarme des français devant ce qu'il faut bien qualifier aujourd'hui de submersion migratoire et de déstructuration avancée de notre identité nationale." Marine Le Pen, le 6 septembre 2015.
Lors du débat de l'entre-deux tours, Emmanuel Macron a qualifié le Front National de "parasite de la société française".
J'approuve. Je rajoute parasite ultra-dangereux pour la France et celles et ceux qui y vivent.
Le Conseil des Ministres doit prendre un décret de dissolution du Front National, ainsi que de ses satellitaires groupuscules d'extrême-droite.