89 (en fait, 91 avec Emmanuelle Ménard et Nicolas Dupont-Aignan) députés d'extrême droite ont donc été élus à l'Assemblée Nationale.
C'est une première extrêmement préoccupante pour la France, pour la République, pour le vivre ensemble dans toutes nos diversités.
Les députés du Front National ont beau faire mine d'être de vrais démocrates, il n'en est rien.
Partout, dans l'histoire des 20ème et 21ème siècles, l'extrême droite, quand elle a pris le pouvoir par les urnes, a, après avoir utilisé les moyens de la démocratie, mis à bas la même démocratie.
L'exemple le plus récent et emblématique est celui de Donald Trump, élu en 2016, puis battu en 2020, niant sa défaite et organisant un coup d'État le 6 janvier 2021 pour garder le pouvoir.
Simultanément, si on regarde dans la durée, de 2002 à 2022, les résultats électoraux du Front National (et des autres candidats de cette mouvance politique), la situation est moins en sa faveur qu'il le claironne.
S'agissant des élections présidentielles, au-delà du résultat très inquiétant de Marine Le Pen au second tour de cette année, soit 41,5% des voix, si l'on rapporte le nombre des électeurs de Jean-Marie Le Pen puis de sa fille au nombre d'électeurs inscrits, cela donne ceci : en 2002, de 13,28% au 1er tour à 13,41% au 2ème tour ; en 2022, de 23,27% au 1er tour à 27,25% au 2ème tour.
C'est beaucoup trop, c'est une forte progression (en 20 ans), mais ce n'est pas un raz de marée.
S'agissant des élections législatives, toujours de 2002 à 2022, et toujours par rapport aux électeurs inscrits, on passe de 8,53% au 1er tour et 1,24% au 2ème tour en 2002, à 11,17% au 1er tour et 7,43% au 2ème tour en 2022.
Loin de moi l'idée de sous-estimer le danger terrible que l'extrême droite fait peser sur notre pays.
Mais j'en viens à ce que je considère être une explication majeure de la progression indéniable du Front National.
A savoir, la fragilisation du front républicain qui doit en toutes circonstances lui être opposé.
Et là, je veux souligner la très lourde responsabilité, à des degrés divers, de toutes les forces politiques françaises.
1° Au premier chef, le président de la république Emmanuel Macron ; ce dernier déclare entre les deux tours de l'élection présidentielle récente "qu'il n'y a plus de front républicain"...tout en y appelant de fait contre l'extrême droite.
Alors que quatre candidats, Valérie Pécresse, Yannick Jadot, Fabien Roussel et Anne Hidalgo, venaient, soit de dire qu'elle votera Macron pour la première, soit d'appeler très clairement leurs électeurs au vote Macron pour les trois autres.
Seul, dans le camp d'Emmanuel Macron, l'ancien premier ministre Édouard Philippe a clairement souligné l'existence d'un front républicain contre Marine Le Pen.
2° Ensuite, Jean-Luc Mélenchon, s'il a dit en le répétant quatre fois, qu'il ne fallait pas donner une voix à Marine Le Pen, ce qui est quand même la moindre des choses, n'a pas, lui, appelé à voter Macron au 2ème tour.
3° Enfin, le parti de droite LR, en tant que tel, n'a pas du tout appelé à faire barrage à Le Pen en votant Macron.
Or, je ne me lasserai jamais de le répéter : contre l'extrême droite, il faut absolument voter pour le candidat qui lui est opposé, quel qu'il soit.
Car l'abstention et le vote blanc ou nul la font mécaniquement monter. C'est arithmétique.
Et j'en viens aux élections législatives, où cela a été largement la catastrophe au sujet du front républicain.
Je ne réduis évidement l'abstention de 54% des inscrits à cela.
Mais j'ai été très choqué de constater que, qu'il s'agisse de duels entre le Front National et la NUPES ou de duels entre le Front National et les candidats Macronistes, il n'y a eu que très peu d'appels à se désister pour l'adversaire de l'extrême droite.
- jamais quand le candidat NUPES éliminé était LFI ; très peu quand le candidat NUPES éliminé était membre des trois autres formations de gauche, à la différence de leurs désistements très clairs lors de l' élection présidentielle.
- symétriquement, jamais quand le candidat Macroniste éliminé avait le choix entre le FN et LFI ; très peu quand c'était entre le FN et le PCF, le PS ou EELV.
Je ne suis pas naïf au point de ne pas avoir compris que chacune des deux alliances, ENSEMBLE comme la NUPES, ne se sont soucié que de leurs propres résultats électoraux.
C'est justement cela qui est très grave.
Il ne faut pas s'étonner ensuite que, sur fond de très forte abstention, l'extrême droite se retrouve avec 91 députés.
Et qu'on arrête de seriner que les prises de position des partis politiques et des candidats n'ont plus d'influence sur le comportement électoral de leurs électeurs.
Toutes les études électorales prouvent le contraire. Et ce n'est nullement contradictoire avec, in fine, le libre choix des électeurs, qui est d'ailleurs une lapalissade.
Pour revenir spécifiquement sur les arguments donnés par le camp d'Emmanuel Macron entre les deux tours des élections législatives, le président de la république a franchi la ligne rouge quand, sur le tarmac de l'aéroport d'Orly, il a tracé un signe d'égalité entre le Front National et la NUPES.
Un grand nombre d'autres haut responsables de la "Macronie", ministres ou non, ont argumenté pareillement, soit en visant la NUPES, soit en ciblant La France Insoumise.
Seul le ministre Clément Beaune (et, à un degré moindre, le ministre Pap Ndiaye) ont clairement dit être prêts à voter pour la NUPES, y compris s'il s'agissait d'un candidat LFI, contre le Front National.
Je ne suis pas suspect d'être un thuriféraire de Jean-Luc Mélenchon ou de LFI.
Mais mettre sur le même plan un parti d'extrême droite raciste, xénophobe, porteur de haine et de violences, et un parti, certes parfois excessif, mais qui se situe dans le cadre d'une social-démocratie ancrée à gauche est non seulement faux, mais assez abject et tout à fait irresponsable.
Pour conclure, j'ai beaucoup aimé l'attitude du jeune député NUPES-LFI Louis Boyard quand il a refusé de serre la main du député du Front National Philippe Ballard.
J'ai beaucoup moins aimé (c'est une litote) le vote au premier tour de l'élection des vice-présidents de l' Assemblée Nationale des députés Macronistes en faveur des deux candidats du Front National.