Le 4 février 2017, le pas encore président Emmanuel Macron déclarait à Lyon : "Je ne veux plus entendre autre chose que : "l'important, c'est de travailler"".
Les ordonnances relatives au code du travail votées par le parlement fin 2017 ont un double axe : permettre et promouvoir les accords conclus au sein de l'entreprise, donc là où les salariés sont subordonnés à leur patron, et se passer au maximum des syndicats de salariés, ou pouvoir s'appuyer sur les syndicats les moins revendicatifs pour peu qu'ils soient majoritaires, pour la conclusion de ces accords qui peuvent être moins avantageux pour les salariés que leurs conventions collectives ou accords de branches.
Les objectifs formulés par Emmanuel Macron et son gouvernement pour justifier ces ordonnances, ainsi que leur politique de réduction des impôts sur le capital mobilier et les entreprises, sont de réduire le chômage et d'améliorer la situation des patrons et des salariés.
S'agissant de la reprise de l'axiome libéral selon lequel les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain, sa véracité n'a été observée nulle part.
Mais admettons même que cette politique fonctionne ; admettons même que dans un environnement économique libéral européen et mondial, une autre politique ne soit pas simple à mettre en oeuvre.
L'aboutissement sera le suivant : soit la précarisation des emplois se traduira encore plus qu'aujourd'hui par la multiplication des contrats de travail à durée déterminée ou/et à temps partiel imposé, soit cette précarisation frappera aussi les salariés en contrat à durée indéterminée qui seront bien plus facilement licenciables.
Car si, pour Emmanuel Macron, la seule chose importante c'est de travailler, les salariés ont la faiblesse de se soucier aussi des conditions dans lesquelles ils travaillent.
Prenons la question des salaires.
Les augmentations générales de salaire sont devenues rarissimes, dans le public comme dans le secteur privé. La quasi-seule possibilité pour voir sa rémunération majorée (hors promotion hiérarchique), passe par la réalisation d'objectifs individuels de plus en plus élevés quantitativement et qualitativement, difficiles voire impossibles à atteindre, et en fonction de l'enveloppe budgétaire décidée par l'employeur à cet effet.
Prenons la question des conditions de travail.
Cette tension relative aux objectifs à atteindre génère un individualisme plus grand, favorisé par une concurrence soigneusement entretenue entre les salariés.
A cela s'ajoute un management se caractérisant par une méconnaissance voulue des cadres s'agissant du contenu du travail des subordonnés, par une obnubilation des "managers" pour les statistiques individuelles et collectives de leur unité de travail et par une inhumanité grandissante des encadrants vis à vis des encadrés.
Le résultat est déjà connu et a toutes les chances d'empirer.
Les résultats d'une enquête réalisée entre 2013 et 2017 auprès de 32 000 salariés et 39 entreprises par le cabinet Stimulus, spécialisé dans le bien-être et la santé au travail, sont les suivants.
52% des salariés en France se rendent au travail avec un niveau élevé d'anxiété. Facteurs à l'origine de ce mal-être : le traitement d'informations trop nombreuses (72%), le manque de temps (62%), l'adaptation permanente nécessitée par leur métier. Pour 15 à 20% des salariés concernés, les causes sont également le manque d'autonomie et le contact avec des gens "qui prennent plaisir à faire souffrir".
Pire : 24% des salariés souffrent d'un état d'hyper-stress, et 29% d'un niveau dépressif élevé.
Le type de travail voulu et promu par Emmanuel Macron, c'est un travail axé sur la performance, la compétition, l'individualisme et la réduction maximale des sentiments de compassion et d'empathie.
Les entreprises publiques et privées conçues comme des entités humaines ne se porteraient pas mieux, mais plus mal.
La société française dans son ensemble y perdrait progressivement une bonne partie de ses valeurs humanistes.