Federico Martin Aramburu avait 42 ans. Il était marié et père de trois enfants.
Il était de nationalité argentine, ancien rugbyman international, double champion de France avec le club de Biarritz, ville où il s'était établi après sa retraite sportive.
Il est unanimement dépeint comme un homme profondément gentil et humaniste, de conviction et révolté par l'injustice.
Il a été lâchement assassiné à coups d'armes à feu le samedi 19 mars dernier, à Paris.
L'enquête établira définitivement les faits, qui sont néanmoins déjà largement connus, tant par des témoignages que par les images de vidéosurveillance.
Attablé dans un bar situé boulevard Saint-Germain en compagnie de son meilleur ami et ancien coéquipier, ceux-ci font remarquer à un groupe de trois personnes attablé près d'eux que ces derniers viennent de rabrouer de façon incorrecte et humiliante (voire raciste et xénophobe) un homme qui venait de leur demander une cigarette.
S'ensuit une courte bagarre, interrompue par le personnel du bar.
Peu après, les deux amis quittent le bar, demandent à un hôtelier proche un peu de glace pour soulager leurs visages tuméfiés, puis sortent de l'hôtel.
Pour eux, l'affaire et close.
Pas pour le trio composé de Loïk Le Priol, Romain Bouvier et Lyson Rochemir, semble-t-il la compagne du premier nommé.
Ceux-ci arrivent à la hauteur des deux hommes, à bord d'une jeep conduite par la femme.
Des coups de feu éclatent, les premiers ratent leur cible. Pas les suivants.
Federico Martin Aramburu est froidement abattu de cinq ou six balles.
Qui est Loïk Le Priol, le principal suspect ?
Il est "fiché S" par la Direction Générale de la Sécurité Intérieure.
C'est un homme profondément raciste, néofasciste et néonazi convaincu, ancien militant du GUD (Groupe Union Défense), ce pseudo-syndicat étudiant d'extrême droite, connu pour ses violences physiques innombrables à l'encontre de non-blancs de peau et de militants de gauche.
Il a déjà fait parler de lui, entre autres faits de violences (par exemple, avoir frappé et étranglé une prostituée à Djibouti où il était affecté comme soldat de l'armée française, dont il a été radié pour une autre raison) lors d'une terrible affaire remontant à la nuit du 8 au 9 octobre 2015.
Le Priol, Bouvier et trois autres comparses du GUD font irruption au domicile d'Édouard Klein, ancien leader de ce même GUD.
Ils l'accusent de traîtrise. Et commence l'enfer.
Édouard Klein est insulté, tabassé, torturé, menacé de mort, humilié en étant obligé de se déshabiller et de danser sur l'air de la chanson "Macarena".
Cette bande de purs fachos a été jusqu'à se filmer et à mettre en ligne la vidéo de leurs actes.
Cette vidéo insoutenable est disponible sur Mediapart et sur StreetPress.
Cette affaire sordide, dont le procès doit avoir lieu au mois de juin prochain, a conduit au placement en détention provisoire de Le Priol et d'un autre auteur des faits, Logan Djian, ancien président du GUD, surnommé "le Duce".
Dix jours plus tard, leurs cautions de 25 000 euros chacune ont été payées, et ils sortaient donc de prison.
Mais qui a payé ces cautions ?
La société Financière Agos, fondée par Axel Loustau.
Axel Loustau, élu deux mois plus tard conseiller régional Front National d'Ile-de-France.
Axel Loustau, un des hommes-clés du financement électoral du Front National.
Axel Loustau, condamné définitivement au mois de juin 2018 pour avoir fait un salut nazi lors d'une fête pour son anniversaire en 2011.
Axel Loustau, ami très proche de longue date de Marine Le Pen, depuis leurs études de droit à la faculté parisienne d'Assas, quand celui-ci était militant du GUD.
Toujours s'agissant du Front National, parlons de Jean-Romée Charbonneau, l'homme fort du FN dans le département des Deux-Sèvres et ancien conseiller régional de Nouvelle-Aquitaine, et très ami avec le père de Loïk Le Priol, lui aussi militant d'extrême droite.
Jean-Romée Charbonneau, pris en photo à l'été 2019 aux côtés de Loïk Le Priol, qui ne tarit pas d'éloges le concernant au sujet de son passé militaire, et qualifie son acte envers Federico Martin Aramburu de "connerie épouvantable", ajoutant : "quoiqu'il fasse, ce jeune, sa vie est foutue, moralement, militairement, politiquement."
Une "connerie" : c'est ainsi qu'au Front National on qualifie un assassinat par balles commis de sang-froid.
Puis on exprime une compassion pour le tueur.
Le 18 février 2019, Agnès Buzyn, alors ministre des Solidarités et de la Santé, déclarait sur la chaîne LCI : "Marine Le Pen a plein de néonazis dans son entourage. Et dès qu'elle peut [se retrouver] avec tous les néonazis ou les mouvements d'extrême droite d'Europe ou du monde entier, elle y court ! "
Marine Le Pen a alors répondu qu'elle portait plainte pour diffamation, puis pour injure publique.
Plus personne n'a jamais entendu parler d'un dépôt de plainte.
On comprend pourquoi.