Régis MOLLARET

&

Abonné·e de Mediapart

7 Billets

0 Édition

Billet de blog 24 juillet 2015

Régis MOLLARET

&

Abonné·e de Mediapart

Grèce et maintenant ?

Régis MOLLARET

&

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

      Après six mois de suspense et une signature douloureuse, il est temps de reprendre nos esprits et de donner la priorité à la raison plutôt qu'à l'émotivité.
      Sur un point il y a unanimité, du FMI à la Grèce en passant par Berlin, la dette n'est pas soutenable et la Grèce sera conduite à faire défaut au moment de son choix. L'objectif de l'UE est exclusivement politique. Il s'agit de casser dans l'oeuf un mouvement contestataire qui menace de contaminer l'UE et de mettre à mal la politique libérale qui est son fondement. Il faut rendre hommage à la dignité de ses dirigeants (Varoufakis, Tsipras, Euclide Tsakalotos, Zoe Constantopoulou) qui dans leurs interventions publiques n'ont d'autre objectif que de s'unir pour desserrer le noeud coulant que les serviteurs de la finance lui ont placé pour l'étouffer. Union de toute la gauche, il n'y a pas alternative.
      Un défaut n'a pas de conséquence économique, 2% du pib de l'Europe, une paille, tous les financiers en sont conscients. L'union européenne a suffisamment de réserves pour verser des dizaines de milliards aux entreprises (autoroutes sans utilisateurs, aéroports dont l'utilité est discutable, réduction d'impôt, JO à Paris, etc.) et des dizaines de milliards en soutient à l'Ukraine. Ce qui explique qu'elle impose une politique d'étranglement qui ne permet en aucune façon de rembourser cette dette.
     La dette Grèque est une dette privée (à 90%) qui aurait du entrainer la faillite des banques grèques, donc une perte pour les clients des filiales des banques françaises installées en Grèce (BNP, Crédit Agricole et   ) et Bundesbank pour l'Allemagne. Spéculer dans des placements à risque (qui permettent d'engranger des intérêts considérables, jusqu'à 30%) est très séduisant , mais le créancier doit assumer les pertes en cas de faillite prématurée. Aussi l'UE a décidé, pour protéger ses banques, que la BCE rachète les créances. Les pertes des banques européennes installées en Grèce sont ainsi devenues des dettes publiques à la charge des contribuables. En cas de grexit ce ne sont pas les banques BNP, Crédit agricole et    ,ni leurs spéculateurs qui perdent leur placement, mais les contribuables français pour 50 Milliards. Merci l'Europe, merci Hollande merci Sapin.
     En imposant à la Grèce de privatiser ses fleurons économiques et industriels l'Europe permet aux financiers de racheter des entreprises très performantes à un prix défiant toute concurance et de faire fortune. C'est ainsi que les oligarques Russes ont gagné des milliards. 
     C'est un coup génial. Les entreprises européennes spéculent en Grèce sachant le pays proche de la faillite, à des taux d'intérêts usuraires. L'Europe renfloue ses propres banques et impose à la Grèce l'achat d'armements dont elle n'a que faire (Quatre sous marins et des armements pour l'Allemagne) soit plusieurs milliards, le tout payé pour l'essentiel par les contribuables. N'est-ce pas joli comme opération.
     C'est en résumé la gestion que l'Europe a choisi. Après les dizaines de milliards accordés en 2008 pour recapitaliser les banques, et de crédits d'impôts pour améliorer la compétitivité des entreprises.
     Dans une telle situation on comprend que les grecs veuillent rester unis. Ce qui ne veut pas dire qu'ils aient tous la même stratégie. L'UE l'a bien compris. Sa meilleur arme est d'humilier et discréditer le gouvernement aux yeux des électeurs, provoquer des divisions et des troubles afin de le renverser au besoin sous la menace d'un coup d'état militaire. C'est pourquoi, outre un accord jugé insoutenable, elle ajoute des mesures humiliantes. C'est ainsi que depuis février l'eurogroupe s'oppose, par exemple, à ce que la Grèce augmente les impôts des plus riches. Si le gouvernement passait outre, il commettrait un acte unilatéral qui entrainerait aussitôt la rupture des négociations du fait de la Grèce. Toute décision qui n'aurait pas l'aval de l'eurogroupe est illégale. Voilà la dictature prussienne qui s'appliquera à l'avenir à toute nation récalcitrante.
     Les ministres qui ont voté non aux mesures imposées par les accords ont démissionné du gouvernement. C'était une nécessité pour obtenir un déblocage des crédits. Pour l'instant ils sont toujours membres de Syriza. Ils défendent une autre stratégie et préparent le peuple à admettre que devant la violence de l'UE ils doivent se préparer à une sortie de l'euro.
     Tsipras, comme son gouvernement, peut garder la tête haute. Il a respecté son mandat, a mesuré la puissance de la finance et le coût d'un grexit non négocié. L'opinion publique évolue et le moment viendra ou le peuple Grec renversera la table.
     C'est pourquoi, si je crois les propos émouvants de Yanis Varoufakis, Zoe Constantopoulo, mais aussi de Tsakalatos et Tsipras, je suis convaincu qu'ils resteront responsables et solidaires et travailleront pour le présent et pour l'avenir. Par contre je pense que les propos attribués par la presse à Frédéric Lordon et Eric Toussain, fragilisent l'union du peuple grec, ses soutiens à l'étranger et ne renforcent que l'UE et le KKE.
     Le peuple Grec mène un combat difficile et courageux. Nous le soutenons et lui souhaitons la victoire.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.