Ce soir, mercredi 10 mars, je suis allé dufloter au Cirque d’Hiver, métro -ça ne s’invente pas- Filles du Calvaire. Europe Écologie tenait son premier et dernier meeting de campagne en Île-de-France, l’occasion d’aller voir s’exprimer l’allemand, le taulard, la juge, et la verte pas mûre, j’ai nommé successivement, Cohn-Bendit, Bové, Joly et Duflot, le tout servi sur la piste aux étoiles par l’ancien candidat Mamère transformé en Monsieur Loyal.
Un mot du décor tout d’abord, puisque cela a son importance. Le cirque d’hiver est une salle que j’aime bien. Rouge et circulaire, elle a un petit côté tour de Babel renversée. Salle esthétique, donc, mais un peu vacharde pour l’orateur et ce, pour deux raisons. D’abord, le sieur s’expose forcément à toutes les plaisanteries graveleuses du type « Machin fait son cirque! », « Les fauves sont lâchés », dont j’ai fait mon miel et qui vont sûrement nourrir, demain, les titres des journaux. Ensuite et surtout, il doit parler entouré, et donc dos à la moitié de son auditoire, ce qui, n‘importe quel péroreur le sait, fait chier. A ces deux difficultés de la salle, Europe Écologie en ajoute une troisième: une tentative de live sur écrans géants avec les tête de liste de quelques autres régions. Résultat déplorable. Vidéos qui buggent et surbuggent, arrêts d’image sur des postures grotesques, décalage son-image... la totale. Dommage pour Mamère qui présentait l’expérience comme le symbole de la volonté de dialogue et de coopération entre les régions, censée remplacer les petites guéguerres entre baronnies socialistes.
Pour l’occasion, la salle a été garnie d’une jolie estrade pomme et de quelques drapeaux. J’en attrape un et me rends compte qu’on écoule les vieux stocks puisque mon fanion est estampillé « Les Verts ». Encore dommage pour le Mamère qui passera son temps à expliquer qu’Europe Écologie, ce n’est pas les « Verts plus » , mais bien un « nouvel outil politique », destiné à « changer la gauche ».
Public: quelques places vides, peu d’enthousiasme sauf en de rares exceptions: lors du discours de Cohn-Bendit et de la fin du meeting, lorsque qu’on dansera sur « would’nt it be nice ».
Le décor étant planté, de quoi est-ce qu’on y a donc péroré dans ce raout écolo?
Le message qui a innervé tous les discours fut, roughly, le suivant: « puisqu’on nous n’avons pas d’histoire, nous avons un avenir ». Le thème de la tabula rasa, de laquelle émerge un dynamisme qui surmonte les différences, fait l’objet d’interminables variations: Cohn-Bendit parle de ces "erreurs de jeunesse", exhorte à ne pas se poser la question de « qui vient de où » mais plutôt de « qui veut aller où » , charrie aimablement Mamère sur sa retraite politique, qui lui même présente Duflot « non comme la secrétaire générale des verts mais comme la représentante de la nouvelle vague politique »... Même l’inestimable Hessel, 93 ans, est présenté comme animé d’une "éternelle jeunesse". L’hommage aux anciens -autrefois « moqués», et « prêchant dans le désert » - sonne comme un point final: les jeunots saluent la vieille garde, qui leur cède l'héritage, à l'image de Mamère prenant Duflot par la main pour l'amener à la tribune. De l’absence de racines politiques -Thoreau est bien le seul qu’on peut citer- les écolos font une force: loin des lourds appareils et de l’apathie politique, ventilés par le souffle de la société civile, ils sont la « nouvelle gauche » et le terreau de la « nouvelle politique ». Le but: mettre fin à l’hégémonie du PS pour recomposer la gauche. Le moyen: le nouveau rapport de force - « sans nous les socialistes ne gagnent aucune région» a lancé Cohn-Bendit. Le programme: face à la « droite Goldman Sachs » et contre la « gauche productiviste », proposer l’ « alternative dans l’alternance ».
Une alternative qui, pour le député européen, ne peut se lire avec la grille de lecture droite-gauche, « on est au delà de ça ». Aron a décidément raison, aujourd’hui comme hier, celui qui réfute la grille de lecture droite-gauche est immédiatement perçu comme de droite. Avec raison?
Les détails de l’alternative sont connus: dans les discours, on insiste particulièrement sur le problème du logement et la réfection des immeubles, paradigme des solutions de l’écologie politique, puisqu’il est à « la convergence de préoccupations écologiques » -réduire les passoires énergétiques qui constituent 40% des émissions à effet de serre en région parisienne, « et de préoccupations sociales» - réduire la facture énergétique de milliers de familles en difficulté.
Passons.
J’ai déjà traité du problème de tout programmateur de meeting; comment caler la tête de liste locale, souvent dépourvue de tout charisme, avec l’intervention du trublion efficace et entraînant. To sum up: 1- un meeting doit aller crescendo 2- la tête de liste est forcément la dernière à prendre la parole mais elle est rarement le point d’orgue oratoire. Ainsi, comment placer le bon orateur qu’est Cohn-Bendit sans rendre Duflot ridicule ou fade? Réponse: faire causer Joly entre les deux. En effet, on peut avoir un immense respect pour la dame, force est de reconnaître que son pouvoir soporifique est grand. Bref, elle tient sa place -parle de justice, tout comme Bové a tenu la sienne en postillonnant sur la patate OGM- et on s’endort. Ainsi, le contraste avantagera Duflot.
Passons.
J’ai toujours eu une tendresse pour Duflot, dont je n’arrivais pas à définir l’origine. Ce soir j’ai compris. C’est simple: petite, Duflot a constamment les yeux aux ciel, ce qui lui donne l’air inspiré. La demoiselle, le dit elle même, elle « ne pensait pas y arriver ». C’est vrai que Duflot fait plutôt bonne copine que bonne oratrice, voix désagréable car trop haute, long détours par des additions incompréhensibles, annonce de développement qui ne viennent pas, fin abrupte et sans crescendo..., en bref, ni structure, ni talent d’organisation rhétorique. Mais la force de la reine des pommes est ailleurs, dans sa touche fraicheur qui fait mouche. En bref, un p’tit bout de femme sympathoche, qui a tout de même l’air fatigué.
Quelques messages personnels:
Vous étiez brune et jolie, assis au deuxième étage, à la gauche de la tribune. Une dizaine d’années plus jeune que vous, je riais comme un benêt et, abrité par les applaudissements, criais: « faîtes comme Billard, rompez les rangs », « la FNSEA contre le fascisme vert ». Vous me fasciniez.
Billet de blog 11 mars 2010
Meeting d’Europe Écologie: Duflot, la reine des pommes
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