Alors, nous y voilà. Au mépris des professionnels concernés, volontaires pour le changement dès lors qu'il respecte les citoyens, puis désormais au mépris du Conseil d'Etat, le gouvernement persiste et signe.
Persiste dans une loi fourre-tout, où se mélangent des domaines aussi complémentaires que le transport en autocars, l'installation des notaires, le travail du dimanche, la cession d'actifs de l'Etat, le statut des avocats en entreprises, le commerce de détail, les mandataires judiciaires, ... Il ne manque à l'appel que la vente des préservatifs et le raton-laveur, comme il se devrait.
Persiste certes, mais surtout signe une nouvelle fois un projet qui ne serait que ridicule s'il n'était pas si dangereux pour l'économie et risible pour les grandes puissances mondiales car indigne de celle qui se veut encore, mais pour combien de temps, la cinquième d'entre elles.
Bien sûr, les intentions sont sans doute excellentes, le docteur Macron n'ayant pas d'autre ambition affichée que celle de lutter contre trois maladies chroniques : défiance, complexité, corporatisme. Si le diagnostic est sans nul doute excellent, l'ordonnance, elle, tombe malheureusement une fois de plus à plat.
De la défiance...
L'analyse, pertinente de prime abord, s'effondre lorsque le bilan est posé. Non, les français ne sont pas pessimistes quant à leur avenir économique. Ils le sont en ce qui concerne leur avenir en général leur avenir tout court. Ainsi que l'avenir de leurs enfants. Et comment pourrait-il en être autrement, avec ce gouvernement technocratique et tous ceux qui l'ont précédé ? L'éducation va à vau-l'eau entre fin des redoublements, allègement des programmes, suppression des classements et des notes, réforme de l'orthographe... La gestion des finances publiques est telle que mes enfants ont déjà chacun sur leur tête plus de 30.000 € de dette étatique. La politique écologique, inexistante, nous promet à l'horizon 2050 un été caniculaire tous les ans, de la dingue et du chikungunya à Paris, sans parler du paludisme et des catastrophes naturelles à répétition. Le coût de la Justice décourage chaque jour nombre de citoyens de faire valoir leurs droits les plus élémentaires...
Alors oui, la défiance existe. Il faut donc retrouver la confiance. Et l'idée du docteur ès Economie est empreinte du plus total bon sens : faire confiance aux hommes de terrain dans "les choix qui les concernent".
Mais pourquoi diable n'applique-t-il pas son remède à ses propres services ? Nous pourrions ainsi avoir une loi claire, simple, concertée, portée, approuvée, appuyée par l'ensemble des professionnels concernés. Nous pourrions ainsi sauvegarder l'emploi, encourager l'innovation, l'investissement. Nous pourrions enfin restaurer la foi en l'avenir.
Quel dommage que la technocratie soit une fois encore aveugle et sourde, trop sûre d'elle et de ses connaissances ! Les mêmes qui nous enfoncent toujours plus, de mandatures en mandatures...
A la complexité...
Une fois encore, rendons à César ce qui lui appartient : le diagnostic est excellent ! Quoi de plus compliqué que de vouloir créer, produire, vendre, acheter, exercer, travailler, construire, louer, ..., en France ? A part l'Irak ou l'Afghanistan, pour bien d'autres raisons, je ne vois pas.
La France, ou plutôt ceux qui la gouvernent depuis des années et des années, raffole des législations diverses et variées, en dépit des recommandations du Conseil d'Etat notamment, qui dès 1991 déplorait "la logorrhée législative et réglementaire".
Monsieur Macron nous invite donc à simplifier "drastiquement". Mais que n'applique-t-il pas ce vœux à la loi qui porte son nom ! Nous pourrions ainsi le voir gérer les problèmes économiques, voir la Chancellerie s'occuper des questions juridiques, voir le secrétaire d'Etat aux Transports s'occuper du permis et des lignes d'autobus, et les vaches seraient sans doute ainsi beaucoup mieux gardées...
Au lieu de cela, nous le voyons proposer en Conseil des ministres une nouvelle Hydre législative qui ne satisfait personne et n'arrange strictement rien à la vie quotidienne des français, se contentant d'offrir à l'exécutif tous les pouvoirs pour agir par voie d'ordonnances, de décrets, d'arrêtés... Un monstre de Lerne qui doit désormais être instruit et voté au plus vite, pour satisfaire aux évidents intérêts bruxellois, et derrière-eux aux évidents mais masqués intérêts anglo-saxons, chut c'est un secret !
Un projet que le Conseil d'Etat lui-même voue aux gémonies, déplorant "le caractère lacunaire et les graves insuffisances de l'étude d'impact sur nombre de dispositions" : en clair, un nouveau galop d'essai, à voter en catimini et à la va-vite, pour satisfaire aux canons européens et négocier un nouveau report du 3 %... Pour les sceptiques, tout est écrit dans les recommandations du Conseil datées du 08 juillet 2014, disponible sur tous les bons moteurs de recherche internet : hypocrisie, quand tu nous tiens !
En passant par le corporatisme...
Là encore, l'intention est plus que bonne : "réunir tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté". Je ne peux qu'applaudir, et des deux mains !
Là encore, les paroles se sont envolées, évaporées dans la réalité des bureaux ministériels, où ni les femmes ni les hommes de bonne volonté n'ont été entendus. A moins que les hauts fonctionnaires, corps d'élite passé par les fourches caudines et la drastique sélection de nos écoles républicaines, celles de l'égalité, de la fraternité, de la liberté, soient les seuls à pouvoir prétendre à la bonne volonté ! Mais alors, pourquoi et comment écrire tout et son contraire ? Si l'on demande leur avis aux femmes et aux hommes de terrain, seuls à même de faire les choix qui les concernent d'après le diagnostic du docteur Macron, pourquoi l'ordonnance prévoit toujours depuis des décennies, de confier ces destinées et ces choix aux technocrates qui nous gouvernent ?
Car, finalement, que connaissent-elles du terrain, ces têtes bien pleines ? Des rames de métro. Le périph. Deauville. Le Touquet. Des bureaux éclairés au néon. Des livres, des statistiques, des courbes et des graphiques. Des femmes et des hommes de terrain ? Non, de bouquins. Mais attention, que de l'élite. L'élite de la nation, comme nous appelait notre prof de physique-chimie en terminale C. Qui ne manqueront pas, si un journaliste les interroge, de vous décrire par le menu le quotidien d'un avocat, d'un pharmacien, d'un chauffeur de bus, d'un chef d'entreprise, d'un fonctionnaire, d'un notaire... Vous en doutez ? Moi aussi. Non, je n'en doute pas. J'en suis sûr : ils n'y entendent rien !
Et pourtant, pourtant, ce sont eux qui décident de la vie et de la mort de nombre d'entre nous. Au gré de leurs croyances. Au gré de leurs intérêts. Au gré de leurs jalousies. Jolie corporation au demeurant !
Oui, Monsieur le docteur Macron, vos paroles sont douces et harmonieuses à l'oreille de tous ceux qui comme moi ont investi, de tous ceux qui comme moi ont des salariés qu'ils veulent pouvoir garder, de tous ceux qui comme moi pensent que la Justice n'est pas un commerce, pas un marché, pas une marchandise, de tous ceux qui comme moi rencontrent au quotidien les citoyens désabusés, désillusionnés, désorientés, par la politique que vous et vos semblables menez depuis trop longtemps déjà, sans aucun résultat. Mais ces paroles ne sont que démagogie, que mensonge, qu'expériences de petits chimistes prétentieux qui s'imaginent avoir raison envers et contre tous.
Lorsque l'on a de comptes à rendre à personne, l'expérience est aisée, précipitée, irréfléchie. Comme votre projet.
Lorsque l'on veut œuvrer pour l'avenir, l'expérience n'a pas sa place. Pas plus que la précipitation, le clientélisme, l'approximation.
Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : et, sans démonstration sur les conséquences de la loi que vous portez, que tous s'accordent à juger mortifères, vous ne convainquez personne.